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L'entrée fracassante d'Emmanuel Macron sur la scène européenne
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bonnes feuilles

Luuk Van Middelaar publie "Quand l'Europe improvise : dix ans de crises politiques", aux éditions Gallimard, dans la collection Le Débat. Cet ouvrage raconte l'émergence d'une scène politique à partir de l'ovni bruxellois. Protagonistes et visions d'avenir s'y affrontent, de tragiques dilemmes s'y creusent. Extrait 2/2.

Luuk Van Middelaar

Luuk Van Middelaar

Luuk Van Middelaar est professeur de fondation et de pratique de l'Union européenne et de ses institutions à l'Institut Europa de l'Université de Leiden. Luuk Van Middelaar était le rédacteur des discours et le conseiller du premier président permanent du Conseil européen, Herman Van Rompuy (2010-2014). Il a été secrétaire politique du VVD (Parti populaire pour la liberté et la démocratie) à la Chambre basse néerlandaise (2004-2006) et a travaillé pour le bureau du commissaire européen chargé du marché intérieur, Frits Bolkestein (2002-2004). 

Depuis 2015,  Luuk Van Middelaar écrit une chronique pour le journal néerlandais NRC Handelsblad. Il publie également dans d'autres journaux, comme Die Zeit et Le Monde.

 

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Pour cette Europe qui improvise malgré elle depuis une décennie, l’élection d’Emmanuel Macron a constitué l’entrée en scène d’un nouvel acteur, d’un véritable protagoniste au moment même où le grand décor transatlantique s’écroulait. 

Avec son programme centriste et pro-européen, l’acteur Macron redessine le paysage politique français et brise la vague populiste qui a déferlé d’outre-Atlantique jusqu’au continent européen. Ses partenaires, la classe politique allemande en premier lieu, lui en sont encore reconnaissants. La presse européenne a salué le retour de la France en Europe, après la léthargie du quinquennat « hollandais ». Le jeune premier ne paraît pas homme à reculer devant les incertitudes de l’avenir. Ainsi, estime-t-on, la France va retrouver son rôle d’initiatrice et de promotrice au sein de l’Union ; elle va recourir aux nouvelles structures exécutives, bref, mener la « politique de l’événement » que la situation exige. 

Qu’en est-il au juste une bonne année plus tard ? Pour ce qui est du discours et des paroles, le nouvel acteur s’est imposé sur la scène, en particulier grâce à deux formules. Sa notion de « souveraineté européenne », lancée lors d’un discours de campagne à Berlin, donne du sens au moment. Par cette tournure, Macron revendique pour l’Europe une capacité d’action : « nous protéger et défendre nos valeurs ». La notion, qu’il décline lors de toutes ses grandes apparitions européennes, gagne peu à peu les esprits. Elle correspond, non pas aux faits, mais à une aspiration européenne actuelle. Nous avons vu comment la chancelière Merkel tient le même discours quand elle parle de la nécessité « de prendre notre destin entre nos mains ». Étant donné que face aux critiques de tous bords l’Union européenne est restée pendant longtemps bouche bée, cette revalorisation de la parole publique représente une vraie réussite. Une difficulté surgit malgré tout dès lors qu’il s’agit de traduire cette idée, cette perspective, tant sur le plan technocratique de la décision européenne que sur celui de l’expérience des citoyens. 

Un même défi plane sur l’autre slogan de Macron, celui d’ « une Europe qui protège », qu’il a repris à son compte au moment opportun. En effet, à la suite du vote en faveur du Brexit, les dirigeants européens se sont rendu compte qu’il fallait trouver un meilleur équilibre entre libertés produites par l’Union et protection qu’elle offre. L’Europe ne peut plus se contenter d’être la figure de proue de tous ceux qui apprécient l’ouverture, l’échange, les opportunités que procure un grand espace de libre circulation : entrepreneurs, étudiants, touristes, jeunes gens, polyglottes diplômés, personnes fortunées — en gros, l’électorat de Macron. Bruxelles se doit par ailleurs de servir les citoyens plus sédentaires, qui voient dans cette Europe non une opportunité, mais un « cheval de Troie de la mondialisation », une menace pour leur emploi, leur sécurité, leur quotidien — en gros, l’électorat de Le Pen et de Mélenchon. Ce n’est pas tant d’une affaire d’« élites » contre le « peuple » qu’il s’agit que d’une profonde divergence entre une moitié du peuple et l’autre. Pour éviter une révolte et regagner la confiance de majorités solides de l’opinion, reconnaît le président français, à l’instar des responsables bruxellois, il convient de recadrer l’action commune et d’ajouter à l’Europe de l’ouverture une Europe de la protection. (Macron compte quelques succès à cet égard, notamment la renégociation de la directive sur les travailleurs détachés.) 

Occuper le terrain sémantique est une chose, infléchir les politiques dans le sens souhaité en est une autre. À l’épreuve des faits, le programme européen du président se heurte à des contraintes et des résistances dont le candidat Macron ne se souciait pas. On ne conquiert pas l’Europe comme on se rend maître de Paris. Ses deux projets phares, l’euro et la défense européenne, le montrent. Pour la zone euro, Macron souhaitait un « ministre » et un « budget ». Les deux propositions, dès le stade flou de leur conception, ont rencontré une vive résistance difficile à surmonter en Allemagne et dans l’Europe du Nord.

Extrait de l'ouvrage "Quand l'Europe improvise, dix ans de crises poltiques"  de Luuk Van Middelaar, publié aux éditions Gallimard. 

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