L'enquête qui montre que les Français se sont (enfin) convertis à l'esprit d'entreprise malgré ce qu'ils entendent dans les médias<!-- --> | Atlantico.fr
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88 % des Français considèrent que l’Esprit d’entreprise représente une valeur positive.
88 % des Français considèrent que l’Esprit d’entreprise représente une valeur positive.
©Reuters

Jamais trop tard

Un sondage réalisé par OpinonWay pour Médiation & Arguments sur "l'Esprit d'entreprise et les Français" montre que 88 % des Français considèrent que l’Esprit d’entreprise représente une valeur positive qu’il faut encourager.

Atlantico : Un sondage réalisé par OpinonWay pour Médiation & Arguments sur "l'Esprit d'entreprise et les Français" fin décembre montre que 88 % des Français considèrent que l’Esprit d’entreprise représente une valeur positive qu’il faut encourager. Est-ce à dire que cet "esprit d'entreprise" est une valeur qui transcende tous les clivages politiques ? Pourquoi ?

Leonidas Kalogeropoulos : En effet, il est très intéressant de constater qu’avec près de 90 % d’adhésion à cette valeur, "l’Esprit d’entreprise" est reconnue par tous comme un moteur positif pour la société.

L’Esprit d’entreprise, c’est l’engagement, l’envie de faire et de bien faire, la volonté d’agir et de prendre sa part dans la vie de la société, de son entreprise. C’est une valeur positive qui concerne tous les citoyens, quelle que soit leur place dans la société. Ça concerne autant les étudiants, les chômeurs, les salariés, les fonctionnaires… que les entrepreneurs.

En ce sens, c’est une valeur qui transcende tous les clivages politiques, parce qu’elle concerne tous les Français ! Et il est très encourageant de constater ce plébiscite.

Jacques Gautrand : Oui, c’est une valeur qu’il faut encourager. L'esprit d’entreprise n’est pas politique. L'esprit entreprenant appartient a tous les citoyens, quelles que soient leurs inclinations politiques. Le problème, c’est que la France a une spécificité par rapport aux autres pays européens : elle a une tradition de bataille idéologique. Car l’entreprise est malheureusement restée un marqueur idéologique pour certains, notamment une partie de la gauche, de la tradition marxiste et anarcho-syndicaliste, dont l’influence est restée très forte dans notre pays. Cette frange de la société française considère l'entreprise comme un lieu d’exploitation, entretenant ainsi une défiance vis à vis des entrepreneurs. Il y a dans la culture française une manière de penser consistant à dire que les intérêts des salariés et des dirigeants sont antagonistes.

Peut-on dire que sur cette question l'opinion est en avance sur les dirigeants politiques ?

Leonidas Kalogeropoulos : Avec 86 % des personnes interrogées qui considèrent que "favoriser l'esprit d'entreprise devrait être l'aiguillon des réformes dont la France a besoin", il est clair que les Français ressentent bien que la croissance, les emplois, les exportations, les innovations ne pourront venir que de l'énergie des Français et non pas des emplois aidés ou de la dépense publique d'un État qui cumule plus de 2 000 milliards de déficit. Mais 86 %, c'est un chiffre considérable, dans notre pays qui est tellement enclin aux clivages idéologiques. A l'évidence, les Français ont effectué leur mue et ont conscience, droite et gauche confondues, que le dynamisme de notre pays repose sur nos épaules ; il ne reste plus à nos dirigeants politiques qu'à être gagnés par la même prise de conscience.

Comment expliquez-vous qu'on associe d'avantage l'esprit d'entreprise aux valeurs de droite que celles de gauche ? L'esprit d'entreprise a t-il différents visages ?

Leonidas Kalogeropoulos : On associe souvent l’esprit d’entreprise à la liberté d’entreprendre, et les deux notions sont effectivement proches. Mais elles ne se confondent pas. La liberté d’entreprendre est souvent perçue par les responsables de gauche comme une liberté pernicieuse que les entreprises revendiquent pour qu’elles puissent échapper à tout contrôle. Et bien entendu, la gauche ne peut y adhérer, parce qu’elle craint les abus qui peuvent découler de ce "libéralisme".

Mais s’il s’agit de parler du volontarisme qui caractérise les entrepreneurs, tous les Français, même de sensibilité de gauche, y sont attachés. Cette question sémantique est fondamentale. Les responsables de gauche peuvent être attachés à "l’esprit d’entreprise" et se montrer méfiants vis-à-vis de la "liberté d’entreprendre". C’est la raison pour laquelle la notion "d’esprit d’entreprise" est consensuelle pour près de 90% des personnes interrogées.

Avec un tel niveau d’adhésion, il serait précieux de faire de cette notion l'un des piliers de nos valeurs républicaines. Rajouter "l’Esprit d’entreprise" à notre devise républicaine, ce serait une manière de rappeler à tous nos gouvernants, de droite comme de gauche, qu’un excès de régulation étouffe tout le potentiel de créativité qui porte en germe la croissance et les emplois de demain.

Jacques Gautrand : En termes de facilité d’entreprendre, une étude plus récente du baromètre Ernst & Young datant de 2013 a montré qu’aujourd'hui en France, il est facile de créer. C’est vrai, il y a un certain nombres d’obstacles administratifs qui ont été levés, dû aux décisions des gouvernements successifs, de droite et de gauche. Mais la vraie difficulté d’une entreprise n’est pas de créer, mais de durer. La vraie difficulté est de garder une entreprise pérenne, qui trouve des clients, des financements, des partenaires, qui se développe. En revanche, il est vrai qu’on cultive en France une tradition de sécurité et d’aversion au risque. Cette aversion au risque est plus forte par rapport aux autres pays européens ou aux pays anglo-saxons. L’esprit d’entreprendre, la prise de risque et l’envie d’aller de l’avant est plus développée dans des pays comme l’Australie ou les États-Unis.

Pour près de 70 % des personnes interrogées, si les Français faisaient preuve de plus  d’esprit d’entreprise, quelle que soit leur fonction dans la société, cela aurait un effet positif sur la situation de la France. Comment procéder pour inciter les Français à l'entrepreneuriat ? Les effets sur l'économie française peuvent-ils être tangibles ?

Leonidas Kalogeropoulos : L’esprit d’entreprise, ce n’est pas seulement devenir entrepreneur. L’esprit d’entreprise, c’est préférer s’investir dans son travail et vouloir s’y s’épanouir, plutôt que calculer ses RTT ; c’est prendre un emploi, quitte à en changer rapidement si on ne s’y sent pas bien, plutôt que de rester des mois au chômage parce qu’on y a droit et que l’on attend le poste idéal.

C’est aussi se battre dans tous ses postes de responsabilité pour décrocher des contrats, développer "sa boîte", se sentir investi de l'image de son entreprise par son implication et son engagement vis-à-vis de ses clients.

Ces seuls exemples illustrent que cet état d’esprit, démultiplié dans tout le pays, ne peut que se traduire par des résultats tangibles dans les statistiques économiques.

Jacques Gautrand : Il faut souligner que depuis de très nombreuses années, des sondages menés au Salon des Entrepreneurs montrent, contrairement à ce qu’on pourrait penser, qu’il y a quand même 30 % de Français, c’est à dire presque 1 français sur 3, qui dit avoir envie de créer sa propre boite, et parmi ceux-ci il y a un certain nombre qui disent avoir un projet pour se lancer dans les deux ans. Donc il y a un terreau très important de personnes qui ont envie de créer leur entreprise, de passer a l’acte, et qui valorisent le fait de se mettre a son compte. Ce besoin d’indépendance, d’autonomie, est partagé par un nombre important de Français. C’est une tendance très forte depuis de nombreuses années. 

Entreprendre est un changement de vie. Il est vrai que l’on a en France une culture qui favorise le salariat, la sécurité, le CDI, les comités d’entreprise, tous les avantages qui sont liés à la formation et au salariat. Mais lorsqu’on est entrepreneur, on est seul et on doit se battre tous les jours. En contrepartie, nous avons une indépendance que n’ont pas les salariés. C’est une aventure risquée, mais cela apporte de la gratification, de la satisfaction.

Bien sûr, les effets sont déjà tangibles. Il y a des retombées. En France, entre 500 et 600 000 entreprises émergent chaque année. La moitié sont des auto entrepreneurs, donc si on retire les auto entrepreneurs, on se situe entre 200 et 250 000 créations d’entreprises classiques, sois des entreprises individuelles sois des entreprises en société. Or on sait que ces entreprises créent en moyenne 2 ou 3 emplois. Au bout de 3 ans, toutes les etudes montrent qu’il y a un effet de création d’entreprises, qui est bénéfique en termes de création de richesse et d’emploi. Au bout de 5 ans, il y a une entreprise sur 2 qui n’existera plus. Malgré cette mortalité d’entreprise, il y a au moins 100 000 entreprises qui survivent tous les ans, donc c’est un solde positif, un solde net en termes de création d’emploi. C’est bénéfique pour l’économie française.

François Hollande a notamment annoncé lors de ses vœux pour la nouvelle année la création d'un pacte de responsabilité à destination des entreprises : moins de charges contre plus d'embauches. A l'instar de ces 70 %, est-ce que le gouvernement français est en train de changer de posture ? Malgré la crise, cela laisse-t-il préfigurer une période plus faste pour la création d'entreprises ?

Leonidas Kalogeropoulos : Le Gouvernement est manifestement en train de comprendre que la richesse d’une Nation, c’est l’Esprit d’entreprise de ses citoyens. C’est cela que mesurent les statistiques de la croissance et de l’emploi.

Les jeunes qui veulent partir développer leurs projets à l’étranger ; ceux qui ont réussi et qui partent pour échapper à une fiscalité qui dissuade de prendre des risques ; les performances de nos voisins européens alors que la France est à la traîne : tous ces phénomènes amènent nos gouvernants à vouloir s’appuyer sur l’extraordinaire énergie qui est de fait en ébullition dans notre pays et qui réside dans cet Esprit d’entreprise qui ne demande qu’à éclore.

En décidant de s’appuyer sur l’énergie des Français, plutôt que de faire croire que l’Etat sera capable d’être le moteur de la croissance et des emplois, le Gouvernement est en train de faire le pari de l’Esprit d’entreprise. Il y a près de 90 % des Français qui sont en phase avec ce choix, et il est seul capable de sortir notre pays de l’ornière.

Jacques Gautrand : En termes de création d’entreprise, il n’y a pas eu de changement. Gauche et droite confondues soutiennent la création d’entreprise. En revanche, ce qui est nouveau dans le discours présidentiel c’est le regard qu’on porte à l’entrepreneur. Il y a enfin cette reconnaissance du rôle indispensable et incontournable du chef d’entreprise pour créer de la richesse et de emploi. C’est un signal positif à l’égard des entrepreneurs. Ce n’est pas l’État, ce n’est pas l’administration qui pourront créer les emplois, ce sont les entreprises qui créent cette richesse. Il existe aujourd’hui un consensus sur le fait qu’on a besoin d’entrepreneurs, qu’il faut encourager l'esprit et la création d’entreprises. Sur les 20 et 30 dernières années, période d'alternance politique, on s’aperçoit que le gouvernement français a affirmé, dans des discours ou dans un certain nombre de mesures qu’il a pris, une volonté de simplifier la création d’entreprises, d’encourager et de stimuler le nombre de créateurs et d’entrepreneurs en France, dans toutes les couches de la population. La gauche a par exemple beaucoup insisté sur l'entrepreneuriat comme ascenseur social, notamment pour des publics en difficulté. Désormais, le gouvernement suscite la création d’entreprises dans des banlieues ou des cités difficiles, ou bien la création d’entreprises par des femmes.

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