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L’énergie, enjeu de plus en plus majeur de nos opérations militaires
©Christophe Ena / POOL / AFP

Demande énergétique des armées

La recherche et le développement dans l’énergie pourraient avoir des retombées positives dans le domaine de la défense. L’énergie doit être au cœur des opérations, de l’entraînement et de la planification jusqu’au développement des matériels les plus modernes.

Nicolas Mazzucchi

Nicolas Mazzucchi

Nicolas Mazzucchi est conseiller scientique de Futuribles international et géoéconomiste spécialiste des questions énergétiques. Il est aussi docteur en géographie économique, professeur de relations internationales au sein de l’Enseignement militaire supérieur spécialisé et technique, intervenant à Sciences Po et à Polytechnique. Il est l'auteur de Energie, ressources, technologies et enjeux de pouvoir, chez Armand Colin (2017) et avec O. Kempf et F-B. Huyghe, Gagner les cyberconflits, Economica, 2015.

 

 

 

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L’explosion d’un engin explosif improvisé au passage d’un convoi logistique au Mali, le 23 janvier dernier, qui a blessé deux soldats français, rappelle que la guerre est toujours présente dans la Bande Sahélo-Saharienne (BSS). Grâce au blindage de leur camion de ravitaillement CaRaPACE, les deux militaires du Service des essences des Armées n’ont été que blessés dans l’explosion du dispositif posé par les jihadistes du GSIM. Cette attaque jette une lumière crue sur la réalité des opérations contemporaines qui, loin de n’être faîtes que de combats de l’avant, sont marquées par une menace constante aussi bien au front que le long des lignes d’approvisionnement. La question de la vulnérabilité de celles-ci est d’autant plus importante que les forces sont dispersées, devant couvrir un théâtre grand comme un continent.

La BSS c’est avant tout un territoire de près de 5 millions de kilomètres carrés, dix fois la France métropolitaine, que sillonnent sans relâche les unités chargées du soutien des forces combattantes pour leur permettre manger, se reposer et combattre. Au-delà, les forces armées françaises sont déployées dans le monde entier, dans des missions qui relèvent aussi bien de la protection des lignes maritimes que de la souveraineté territoriale ou de la formation d’armées alliées et partenaires. De la Polynésie au Golfe de Guinée en passant par le Levant et le Sahel, les militaires français en opérations extérieures doivent être soutenus et ravitaillés pour être en mesure d’accomplir leurs missions de manière optimale, y compris dans le soutien post-catastrophe naturelle, comme ce fut le cas pour l’ouragan Irma en 2017. 

Au sein de cette problématique de la logistique, se pose la question spécifique de l’énergie. Avec le besoin de mobilité, mais également l’évolution de la demande énergétique des Armées, celles-ci ayant besoin de connecter toujours plus de matériels électriques et électroniques, l’énergie acquiert une importance stratégique. La complexification des matériels, aériens, maritimes et terrestres, à qui l’on demande aujourd’hui d’être tout à la fois outils de combat et interfaces de communication en temps réel, les drones, les satellites, les divers dispositifs de commandement, sont autant d’éléments consommateurs d’une énergie qui repose toujours de manière quasi-exclusive sur les produits pétroliers. Comme le remarquait le général américain G. Patton « mes hommes peuvent manger leur ceinturon, mais mes tanks doivent avoir leur carburant ». La consommation pétrolière du soldat américain a ainsi été multipliée par 3 depuis les années 1940.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le pétrole d’Afrique du Nord aussi bien que du Caucase avait été un objectif majeur et, in fine, un des facteurs de la défaite des armées nazies. Si les conflits de haute intensité ont – pour le moment – disparu, il n’en demeure pas moins que l’énergie continue à jouer un rôle majeur dans la capacité des forces armées à se déplacer et à se battre. 

Toutefois les Armées prennent également en compte cette situation. Après les Etats-Unis, durement touchés sur leur chaîne logistique pétrolière en Afghanistan et en Irak – 3000 morts et blessés entre 2003 et 2007 -, qui avaient les premier inaugurés l’idée d’une évolution de l’énergie militaire vers de nouvelles sources ainsi que des dispositifs de stockage, la France – depuis le discours de F. Parly aux Universités d’été de la défense en 2019 – a pris le problème à bras-le-corps. Domaine d’innovation technologique, la recherche et le développement dans l’énergie pourrait avoir des retombées duales, bien au-delà du seul domaine de la défense. Avec une efficacité énergétique accrue, les performances des différents éléments des forces armées sont multipliées tout en diminuant les risques le long de la chaîne logistique.

Longtemps cantonnée à un rôle de l’ombre - « la logistique suivra » selon l’adage – l’énergie doit être au cœur des opérations, de l’entraînement et la planification jusqu’au développement des matériels les plus modernes. Toute cette chaîne énergétique doit être intégrée afin de proposer une meilleure résilience des forces, ainsi qu’une empreinte environnementale plus faible. Infrastructure critique à protéger lors des conflits, secteur prioritaire pour le renseignement, l’énergie est également un multiplicateur de forces – ou de vulnérabilités – dans les opérations militaires. Elle doit maintenant être considérée de manière globale pour que les efforts financiers, humains et technologiques concourent vers un même but : un système énergétique mieux connu, mieux protégé et mieux exploité dans l’accomplissement de toute la variété des missions confiées aux Armées. 

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