L'endettement public est devenu addictif dans les démocraties libérales, et la France bat tous les records<!-- --> | Atlantico.fr
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La dette a atteint 110,6% du PIB fin 2023 en France.
La dette a atteint 110,6% du PIB fin 2023 en France.
©Miguel MEDINA / AFP

Atlantico Business

Après l'assurance chômage, les arrêts de travail et les retraites, le gouvernement va une fois de plus essayer de réduire les excès de dépenses sociales pour ne pas trop déplaire au marché et pouvoir continuer à s'endetter. La dette est le mal nécessaire de la démocratie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le gouvernement va essayer de réduire légèrement les dépenses publiques et sociales afin de présenter à nos banquiers un programme budgétaire un peu plus convenable pour qu'ils acceptent de renouveler les lignes de crédit. Cela ne changera rien sur le fond, mais cela permettra de tenir debout à un coût supportable. Le gouvernement n'a pas d'autres solutions que de réduire encore et toujours, sachant que cela ne règle pas le problème. La dette est ainsi devenue une sorte de paracétamol auquel on s'est habitué, un analgésique qui évite de s'interroger sur les vrais problèmes qui guettent une démocratie libérale.

Le gouvernement, celui-ci comme les précédents depuis le début des années 1980, n'a pas d'autres solutions que de s'endetter pour pouvoir continuer à fonctionner. La logique voudrait que l'État équilibre son budget, qu'il ne dépense pas constamment plus qu'il ne génère comme richesses ou comme revenus. Mais, sauf exception, cette logique s'avère très difficile à respecter dans le cadre d'une démocratie libérale. Pourquoi ? Parce que c'est le peuple qui vote le budget. Et le budget est paralysé par l’hétérogénéité des votes populaires.

D'un côté, les impôts ont désormais atteint un niveau tel qu'ils sont dissuasifs pour travailler et produire de la richesse. Les "hauts taux tuent les impôts". On ne peut pas les augmenter. D'un autre côté, les dépenses publiques et sociales répondent à tant de besoins, tant de nécessités qu'elles sont devenues incompressibles.

Les gouvernements (tous les gouvernements) sont confrontés cette double contradiction. Si les gouvernements penchent à droite, ils essaieront de baisser les dépenses publiques et sociales mais doivent affronter les lobbies, les résistances. Si les gouvernements penchent plus à gauche, ils essaieront d'augmenter la pression fiscale mais risquent de freiner la création de richesse.

C'est exactement ce que tente de faire le gouvernement qui n'est officiellement ni de droite ni de gauche. D'un côté, il tente d'augmenter certaines ressources fiscales, il va fermer certaines niches et affronter "les chiens" qui les protègent. D'un autre côté, il va passer en revue les dépenses publiques et sociales et voir ce qu'il peut gratter. Au total, cela représente plus de 60 % du PIB. Du côté des fonctionnaires, il s'agit principalement de dépenses de rémunérations, donc c'est intouchable. Sur le volet social, il va tenter de durcir un peu les conditions de l'assurance chômage, de corriger certaines dépenses maladies ou de réduire les arrêts de travail. Il peut même tenter d'aller chercher de l'argent sur les systèmes de retraite les mieux gérés comme l'AGIRC et l'ARRCO. De toute façon, ces manœuvres se feront au forceps parce que la classe politique épaulée par les partenaires sociaux s'y opposera. Sans parler de la force des courants populistes.

Ce qu'il faudrait faire, tout le monde le sait mais personne n'osera s'en charger. Il faut réduire le périmètre de l'État, privatiser ce qui est privatisable ou laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de gérer la sphère sociale. Ou alors, introduire dans la gestion des services publics des ressorts d'efficacité que sont la concurrence, la responsabilité individuelle, et les mécanismes d'intéressement aux résultats qui sont totalement tabous dans la sphère publique. La sphère publique a une obligation de moyens ; il lui faut donc toujours plus de moyens. La sphère publique n'a pas d'obligation de résultats autre que des résultats politiques. Conclusion, les services publics ne fonctionnent pas dans l'intérêt du public mais dans l'intérêt des groupes de pression. L'école, la santé, l'administration, les transports, etc., ils fonctionnent de plus en plus mal alors qu'ils coûtent de plus en plus cher.

Les gouvernements dans les démocraties libérales n'ont donc pas d'autres solutions que d'acheter la paix sociale et civique avec de l'argent emprunté. C'est ce qui se passe en France depuis plus de 40 ans, c'est ce qui se passe dans toutes les grandes démocraties à l'exception des pays du Nord de l'Europe qui baignent dans une culture très protestante comme l'Allemagne, ou alors dans les pays qui ont des ressources naturelles très abondantes comme la Norvège. Le record mondial des démocraties qui vivent à crédit appartient aux États-Unis qui accumulent les déficits budgétaires profonds et les dettes extérieures colossales.

Le vrai problème des démocraties libérales n'est pas de veiller à mettre en place un modèle de fonctionnement qui leur permettrait de s'affranchir des banquiers ; leur problème est de trouver et sécuriser des financements. Ces financements viennent du monde entier, ils permettent de "rouler la dette", comme disent les traders. On trouve des crédits qui servent à rembourser ceux qui arrivent à maturité. Selon l'OCDE, le total des dettes dans le monde dépasse les 100 000 milliards de dollars dont la moitié sont des dettes souveraines (dettes d'État) et le tiers sont américaines. Tout va bien tant que les dettes sont soutenables (c'est-à-dire que les épargnants acceptent de prêter...) c'est-à-dire que tout va bien si la croissance mondiale est supérieure au coût de l'argent... Sinon tout va mal et tout va mal pour tout le monde).

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