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L'Elysée, ce lieu où certaines collaboratrices sont surnommées "Peggy la cochonne", entre autres délicatesses...
©Rémi Mathis / CC BY-SA 3.0

Bonnes feuilles

L'arrivée de François Hollande au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré promettait le changement : jamais l’Élysée n’avait autant communiqué ni ouvert ses portes que ces dernières années, conférant au palais l’image d’une maison de verre où rien n'échapperait à la vigilance médiatique. Trompeuses apparences... Extrait de "L'Elysée off", de Stéphanie Marteau et Aziz Zemouri, aux éditions Fayard 1/2

Aziz Zemouri

Aziz Zemouri

Aziz Zemouri est reporter au Point.

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Stéphanie Marteau

Stéphanie Marteau

Stéphanie Marteau est journaliste indépendante.

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Certaines collaboratrices de la présidence de la République ont enduré pendant des années les allusions, voire les gestes déplacés, de leurs supérieurs. Si le cabinet de François Hollande a fini par faire le ménage, le moins que l'on puisse dire est qu'il l'a fait discrètement et sans jamais prendre de sanction. Au palais, l'un des scandales les plus retentissants fut le départ du chef du service financier et du personnel.

Nomme à l'Elysée en 2007, il a été conservé à son poste par Sylvie Hubac, la directrice de cabinet de François Hollande. Une nomination qui en a surpris plus d'un, tant la réputation du haut fonctionnaire était sulfureuse. En août 2009, l'une de ses anciennes collaboratrices avait même adressé une lettre officielle à Christian Frémont pour dénoncer ses agissements. En quelques mois, Sylvie Hubac est tombée des nues en découvrant les plaintes récurrentes contre le DRH du Palais.

Un matin de fin février 2013, elle débarque dans le bureau de Christian Gravel, le responsable du service de presse : "Il va y avoir un peu de mouvement, lui annonce-t‑elle. Voila ce que tu dois savoir." Sylvie Hubac lui explique qu'elle a reçu le chef de service en présence de son adjoint, Alain Zabulon, car elle dispose de plusieurs témoignages de jeunes femmes qui se plaignent de harcèlement sexuel. Aucune, toutefois, n'a déposé plainte. Confronté à ces lettres, le DRH "n'a pas moufté. Il n'a pas protesté, n'a jamais crié au scandale, ni dénoncé son éviction", comme l'assure l'un des très rares témoins de l'affaire. Elle lui laisse deux jours pour faire ses cartons, et aussitôt, la rumeur se répand dans le palais : "C'est une secrétaire qui l'a fait tomber", chuchote-t‑on dans les couloirs.

En effet, le 27 janvier 2013, alors que le président de la République et son staff se rendent en avion aux obsèques de sa vieille amie Marie-Claude Chassagne, la mère de sa chef de cabinet, Isabelle Sima, la secrétaire de cette dernière s'assoit à côté du chef de l'Etat et lui parle de l'intéressé : "Il fait des avances au personnel, il se comporte très mal. Il y avait déjà eu un souci sous l'ancienne mandature, mais ca avait été enterre", se plaint l'assistante. Le président se fige : "Je ne veux pas d'histoires comme celle-là. Voyez-ça avec Sylvie Hubac dès que possible." Même si aucune plainte n'a jamais été formellement déposée, c'est l'accumulation de récits sur celui que les filles des bureaux surnomment le "DSK de l'Elysée" qui a eu raison de lui. Six ans durant, son statut lui permet d'obtenir le silence des secrétaires atterrées par ses manières : "Il avait la main sur tout, les ressources humaines, les finances, le service social. Tout était rattaché à son service (1)", raconte un collègue. Il décide notamment des renouvellements de contrats, des attributions de logements de fonction. Le chef tout-puissant surnomme même certaines collaboratrices "Peggy la cochonne" ou "la grosse vache", pour rire, frôle de façon trop insistante le bras nu d'une attachée de presse, demande à son assistante si elle est en couple, elle qu'il trouve si "excitante avec ces nouvelles chaussures", quand il ne lâche pas des blagues racistes a la sortie d'un pot chez l'ex-directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, Christian Frémont. "Quelle est la différence entre les noirs et les blancs ? Les noirs c'est le Q, et les blancs c'est le QI". Le DRH a quitte l'Elysée, rejoint le ministère des Finances et dirige aujourd'hui un centre départemental de Finances publiques (2). Il n'est pas le seul.

1. Entretien avec les auteurs.

2. Sollicité à plusieurs reprises, voici sa réponse : "Mon départ de l'Elysée s'inscrit dans la chaîne de ceux des huit chefs de service [le sixième] et d'une centaine d'agents intervenue dans les douze mois de la prise de fonction du nouveau président. Fonctionnaire mis à disposition, je n'ai pas à la commenter, pas plus que les rumeurs que vous évoquez, dont les fondements demanderaient certainement à être vérifiés et solidement établis." Contacte, l'Elysée n'a pas souhaite commenter les raisons de ce départ, précisant juste que "la personne concernée a été écartée".

L'ex-intendant du palais, salarié de l'Elysée durant quatorze ans, a également été remercié en mai 2013 après avoir été mis en cause par une jeune femme de la Marine rattachée à son service. Bien qu'elle n'ait pas déposé plainte, les faits qu'elle dénonce sont particulièrement graves : exhibition sexuelle, violence physique, menaces… La (rapide) enquête interne ne permet pas, une fois de plus, de recueillir la moindre preuve. L'ancien intendant n'hésite donc pas à porter l'affaire devant les prud'hommes. Dans un jugement d'octobre 2014, la justice paritaire lui donne raison et somme le palais, qui a fait appel, de lui verser 26 000 euros pour "licenciement sans cause réelle et sérieuse", au motif que "rien ne vient corroborer les griefs allégués≫ par l'employeur présidentiel. Ses collègues se souviennent tout de même "des petites fêtes, des apéros avec des gonzesses" qu'il donnait a l'Elysée, le week-end, quand le palais se vidait. "C'était fréquent que des nanas entrent au château dans des voitures aux vitres fumées sans que les gendarmes ne les voient ! Clairement, il profitait de la maison. Il piquait du champagne à la cave", raconte un habitué de ces parties. Bernard Vaussion, l'ex-chef du palais, avait d'ailleurs eu des mots avec lui. L'intendant avait postulé, en vain, pour devenir responsable de l'intendance à Matignon. Désormais, il travaille sur une plage privée du sud de la France.

Quand les pratiques de harcèlement – ou discriminatoires –sont à ce point passées sous silence, elles ont tendance à se banaliser. A l'Elysée comme ailleurs, elles visent le plus souvent les personnels précaires. Les petites mains du château sont ainsi les premières victimes des économies réalisées sur le train de vie de l'Elysée. "L'entourage du président de la République est très dur", dénonce un cuisinier. "Je connais l'Elysée depuis dix ans. Jamais il n'y a régné une telle violence sociale. Ils ne regardent que les chiffres et serrent la vis, mais que sur les petits. On n'en revient pas de tant de dureté, de la part d'un gouvernement de gauche." 

Extrait de "L'Elysée off", de Stéphanie Marteau et Aziz Zemour, aux éditions Fayard, avril 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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