L’élection présidentielle de 2022, ce référendum sur l’immigration<!-- --> | Atlantico.fr
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Un citoyen s'apprête à aller voter. L'immigration est l'un des enjeux majeurs de l'élection présidentielle de 2022.
Un citoyen s'apprête à aller voter. L'immigration est l'un des enjeux majeurs de l'élection présidentielle de 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Thèmes de campagne

L'immigration est au coeur de la campagne présidentielle et de la course à l'investiture chez Les Républicains.

Philippe Labrecque

Philippe Labrecque

Philippe Labrecque est l'auteur de Comprendre le conservatisme en 14 entretiens. 

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50 ans de refoulement de la question migratoire ne peuvent être ignorés indéfiniment sans un sursaut populaire et électoral proportionnel à l’impact démographique sans précédent que décrit le récent rapport de France Stratégie.

Au sein d’un tel contexte aux allures du sulfureux roman Le camp des saints de Jean Raspail, le contrôle des flux migratoires ne pouvait que devenir l’enjeu principal, le thème axiomatique de cette campagne.

Avec l’ascension d’Éric Zemmour qui fait de « l’invasion migratoire » son cheval de bataille, la présidentielle de 2022 semble déjà prendre la forme de ce sursaut qui survient à un point d’inflexion démographique où la dynamique de changement de population ne peut plus être démentie par la rectitude politique tellement le réel supplante le déni.

À droite comme à gauche, tous ont compris, au grand désarroi de certains, que l’élection présidentielle de 2022 était devenue un plébiscite interposé sur l’interruption des flux migratoires et l’avenir démographique de la France et chacun se positionne en conséquence, pour ou contre.

À droite, tous pour le référendum

Portée principalement par sa nature ultra-antagonique envers l’immigration sous toutes ses formes, la candidature encore hypothétique d’Éric Zemmour révèle un aveuglement maladif chez les prétendants à droite alors que ces derniers feintent de découvrir tardivement les attentes pourtant évidentes de leur électorat.

Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Michel Barnier, et Éric Ciotti ont tous emboîté le pas à Éric Zemmour et sa ligne dure face à cette immigration galopante que certains n’osaient voir il y avait à peine quelques semaines, comme si leurs équipes de communicants découvraient qu’il ne s’agit pas de camoufler un thème qu’ils trouvent épineux pour que celui-ci disparaisse.

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Leurs promesses technocratiques à propos de l’augmentation du « pouvoir d’achat », de la réduction de la fonction publique ou bien de la « refiscalisation du financement de la retraite », pour ne nommer ceux-ci, malgré leurs pertinences gestionnaires, ne suscitent que très peu d’intérêts chez les adhérents de leurs partis respectifs et encore moins au sein des Français dans leur ensemble comparativement à la grande question de l’immigration.

Même Marine Le Pen, qui devrait naturellement incarner le vote anti-immigrationniste étant donné les racines frontistes de sa famille politique, se voit forcée de recentrer et durcir son discours autour de cette thématique, comme si le sujet principal qui explique et justifie l’existence du RN plus que tout autre leur avait échappé à 6 mois des présidentielles.

Dépassée par l’engouement du mouvement que génère la campagne de Zemmour qui répète à qui veut l’entendre que la France est en « danger de mort » et au bord d’une guerre civile inéluctable impliquant les populations immigrées, islamisées et enclavées dans les territoires perdus de la République, Le Pen semble, paradoxalement, incapable de capitaliser électoralement sur la nature extrême des événements anticipés et annoncés dans un passé pas si lointain par son père, Jean-Marie Le Pen.

Après une décennie à rapprocher le RN du centre droit, Marine Le Pen se retrouve entre deux chaises, à gauche de Zemmour principalement par sa malléabilité idéologique face à l’immigration et l’islam, et à droite de LR de par son histoire et ses réticences envers l’influence de Bruxelles. On peut se demander si l’électorat cherche une option dans cet espace politique particulier dans lequel le RN se retrouve malgré lui.

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Cette gauche du « Grand remplacement »

La gauche ne peut échapper au discours qu’engendre la perspective de la thèse honnie de Renaud Camus, ce « Grand remplacement » qui se concrétise jour après jour.

À l’inverse de Zemmour, ce camp politique ne peut que souhaiter ce remplacement des peuples, comme les appels récents à la « créolisation » de la France d’un Jean-Luc Mélenchon le révèlent.

La gauche a d’ailleurs longtemps théorisé (et appliqué) sa version du Grand remplacement quand elle a choisi de substituer le prolétaire franchouillard, trop blanc, trop patriote, encore trop catholique, pas suffisamment soumis, pas suffisamment repentant; par l’Autre, par ces masses venues des anciennes colonies après Mai 68, déçu du manque d’enthousiasme de la classe ouvrière pour la révolution libérale-libertaire de cette nouvelle version d’une gauche embourgeoisée.

Bien sûr, cette gauche doit nuancer ses propos, entretenir la confusion pour mieux masquer la substitution démographique qu’elle souhaite, parfois subliminalement, dans l’objectif de maintenir ce qu’il lui reste de prolétaires comme base électorale, soit ces derniers électeurs du PCF qui croient toujours à la lutte des classes, mais réfractaires à l’idée de devenir minoritaire sur un territoire qu’ils ont encore l’audace de considérer comme étant « chez eux ».

Prisonniers d’une posture sans-frontiériste, verrouillée par un certain clientélisme et par la pénétration idéologique indigéniste, Mélenchon, le reste de la gauche et même les écolos, ne peuvent s’imaginer proposer une simple baisse minime des seuils d’immigration, car son avenir politique, électoral et idéologique en dépend.

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L’inversion des politiques migratoires, un arrêt des flux venant du sud de la Méditerranée comme Zemmour le promet, serait la plus grande défaite de la gauche en ce début de 21e siècle.

Coupé de ce qui devient rapidement sa base électorale principale et de son fétiche idéologique par excellence que représentent cet Autre et sa fascination morbide pour un islam conquérant, la gauche ne peut que se ranger dans le camp des grands remplacistes, toute autre question n’étant qu’accessoire.

Et Macron ?

À l’extrême centre, le président Emmanuel Macron, jamais en reste et maître du « en même temps », s’est également positionné au sein du débat en réduisant de moitié les visas accordés au Maroc et à l’Algérie, peu de temps après les différentes annonces à propos d’un référendum sur l’immigration pour signaler ses préoccupations envers un électorat centre-droit bourgeois qui pourrait pencher de plus en plus vers Zemmour.

Rappelons que le président avait démontré sa volonté de « déconstruire » l’histoire et l’identité française lors d’un passage sur les réseaux américains voilà moins d’un an.

Il ne serait pas surprenant que Macron tienne un discours strict envers l’immigration pour plaire à cet électorat de centre droit tout prenant une posture à l’opposé envers la gauche, surtout que celle-ci risque fortement de se retrouver sans candidat au second tour.

La forteresse médiatico-politique cède

En prenant compte du rôle crucial que les médias ont joué à voiler l’ampleur et les conséquences de l’immigration depuis des décennies, l’aise avec laquelle Zemmour a su forcer l’appareil médiatico-politique à accepter de facto ce concept de « Grand remplacement » au cours des dernières semaines dans le cadre de la promotion de son plus récent livre est potentiellement le développement le plus révélateur de ce début de campagne.

L’univers médiatique, château fort du déni d’une élite dominante envers toute réfutation du bienfait absolu de l’immigration, se montre soudainement impuissant à maintenir un champ lexical qui avait comme fonction de nier les conséquences du phénomène migratoire pour la France.

Alors que le simple fait de verbaliser un constat évident sur les plateaux de télévision — le changement de population — vous garantissait l’ignominie dans un passé pas si lointain ainsi qu’une réfutation immédiate et l’étiquette de conspirationniste d’un commentateur bien intentionné.

Soudainement, à l’inverse, refuser de reconnaître l’étendue du phénomène de substitution de population, si ce n’est que par mutisme sur le sujet de ces mêmes commentateurs, est une condamnation à l’irrecevabilité politique d’une part significative, peut-être majoritaire de l’audience et de l’électorat.

Un nouveau paradigme électoral ?

Les victoires inattendues de Donald Trump et du Brexit en 2016, toutes deux largement portées par le rejet des élites postnationales et par un sentiment d’insécurité identitaire profond des classes populaires américaines et britanniques face à l’immigration de masse pointent vers un nouveau paradigme, une superstructure électorale qui élève le rétablissement des frontières et qui prend en compte les changements démographiques comme étant au sommet des attentes des différents peuples occidentaux.

Les élections présidentielles de 2022, ce référendum sur l’immigration par d’autres moyens, pourraient bien confirmer cette lourde tendance en Occident.

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