L'Édito : Commerçants, " ne vous fâchez pas, faut qu'on se parle… " <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marc Sylvestre
Jean-Marc Sylvestre
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L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Alors que les enseignes Castorama et Leroy-Merlin ont ouvert leurs magasins le dimanche malgré l’interdiction qui leur avait été faite, le Premier ministre convoque aujourd'hui les ministres concernés afin de trouver une solution et sortir de cette situation de blocage.

Après un week-end surréaliste face à des salariés du commerce, dont le slogan était : « Yes, week-end ! », le gouvernement semble avoir assoupli sa position. On en est plus à exiger que la loi soit appliquée, on en est à la possibilité d’aménager cette loi au cas par cas. Vendredi, c’était « circulez, il n y a rien à voir». Dimanche soir c’était « ne vous fâchez pas, il faut qu'on se parle ».

Il faut dire qu'entre temps, les grandes enseignes se sont mises hors la loi. Dans le climat actuel, les grandes enseignes ont suscité un mouvement de sympathie dans l’opinion publique et dénoncé les aberrations de cette loi qui règle les horaires et les jours d’ouverture. Pourquoi pourrait-on travailler le soir et le dimanche dans certains quartiers de Paris et pas dans d’autres ? Pourquoi les magasins IKEA peuvent-ils rester ouverts le dimanche, alors que Leroy-Merlin ne peut pas ? Le consommateur découvre cet imbroglio de réglementations sans savoir à quoi il répond au juste.

Le résultat, c’est qu'aujourd’hui la France s’est plongée dans un débat quasiment théologique dont nous avons le secret. A ceux qui réclament une liberté d’ouverture, une liberté de travailler et une liberté de faire des courses le dimanche, d’autres répondent qu'il faut bien ménager des temps de repos dans la semaine. D’autres vont encore plus loin en expliquant que le dimanche doit être réservé à la famille ou à l’Église. Les catholiques traditionalistes insistent beaucoup sur le dimanche jour de prière. Les socialistes qui peuvent difficilement reprendre à leur compte cet argument parlent de la nécessite de se retrouver en famille (si la famille existe) ou dans le cadre d’une activité non-lucrative, sportive ou associative. Comme si c’était au gouvernement d’organiser le temps de repos de la population. On a quand même entendu tout et n’importe quoi.

Le gouvernement se doutait bien que ce dossier allait ressortir un jour ou l’autre compte tenu des décisions de justice qui étaient attendues mais plutôt que les anticiper ils ont, comme d’habitude, laissé l’incendie se propager dans les centres commerciaux en espérant qu'ils réussiraient à calmer le jeu. Leur première réaction a été de rappeler le sens de la loi et l’obligation de s’y soumettre. Ce rappel à l’ordre n’a eu aucun effet. Leur deuxième réaction a été de rappeler qu'ils n’étaient pas responsables de la loi. Et c’est vrai. La droite n’a jamais été courageuse en matière de liberté des affaires.


Leur troisième réaction, c’est de prendre cette question au sérieux et de commencer à en parler. Comme souvent, ce gouvernement ne prend aucune initiative courageuse mais si ça chauffe un peu, il réagit et épouse la voix de ceux qui parlent le plus fort. Dans cette affaire, les commerçants et plus encore leurs salariés inquiets par la situation de l’emploi et la perte de pouvoir d’achat, parlent plus fort que leurs syndicats qui sont là, complètement déconnectés de la réalité. Une fois de plus.

Maintenant que peut faire le gouvernement ? Il va essayer d’étouffer ce début de « jacquerie » d’un mode nouveau. Peu probable que ça marche, les grandes enseignes sont prêtes à payer. Mais leurs emplois et les fonds de commerce seront abîmés. Le gouvernement va donc réunir les parties prenantes pour essayer d’aménager la loi. Ça veut dire qu'il va rajouter au texte existant déjà compliqué, des articles définissant les modalités et les conditions d’exception à la règle de base qui est « l’interdiction ». L’ouverture des magasins le dimanche n’est pas autorisée « sauf dans les cas suivant »… Et là, selon l’énergie et l’intelligence des lobbies, suivent en général une centaine de pages qui définissent les types de commerce qui ont le droit d’être ouvert, condition qui dépend du lieu d’implantation ou de l’avis de la municipalité.

Il faudra un jour s’interroger sur les raisons pour lesquelles ce pays est incapable de prendre des décisions de liberté en se fondant sur le sens de la responsabilité des agents économiques. L’article de base devrait être fondé sur le principe de liberté. L’activité du commerce est libre dans le respect du code du travail à condition que ce code du travail n’en vienne pas à entraver la liberté de travailler de ceux qui veulent travailler. Ça veut dire que tous ceux qui voudraient et pourraient travailler pourraient le faire, commerçants et salariés. Un magasin ne resterait ouvert que s’il a des clients. IKEA avait demandé et obtenu la possibilité de rester ouvert le week-end parce qu'il fait ainsi 25 % de son chiffre d’affaires.

Que l'on ne vienne pas expliquer, comme le ministre de la Consommation Benoit Hamon, que le client qui n’achète pas le dimanche achètera un autre jour. C’est faux. Plus de la moitié de la consommation porte sur des achats d’impulsion. Si le client n’achète pas le dimanche au moment où il en a envie, il ne reviendra pas le lundi. En revanche, internet peut récupérer le consommateur.

Les salariés du magasin de leur coté ne travailleront que si, et seulement si, ils y trouveront intérêt en étant payé plus que pendant la semaine. Le problème dans la mise en place « d’une loi de liberté » c’est qu'elle nécessite une négociation des partenaires sociaux. Et pour qu'elle soit sérieuse, il faut que les partenaires sociaux soient totalement représentatifs. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans le commerce. Les syndicats de salariés ne représentent qu'eux-mêmes mais font, visiblement, profiter tout le monde de leurs combats archaïques.

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