L’école autrement : les alternatives pour les parents d’enfants en situation de handicap <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Education
Une élève travaille avec une éducatrice, le 24 avril 2008 à Paris à l'institut médico-éducatif "Les petites victoires", école unique pour enfants autistes qui utilise la méthode ABA (Analyse Appliquée du comportement).
Une élève travaille avec une éducatrice, le 24 avril 2008 à Paris à l'institut médico-éducatif "Les petites victoires", école unique pour enfants autistes qui utilise la méthode ABA (Analyse Appliquée du comportement).
©FRANCK FIFE / AFP

Bonnes feuilles

Olivia Cattan publie « L'école de la discorde : Enquête sur l'inclusion scolaire » aux éditions Max Milo. Cet ouvrage dresse un constat alarmant sur l’intégration des enfants handicapés à l’école : enseignants non formés, auxiliaires de vie scolaire sous-payées, enfants maltraités, familles livrées à elles-mêmes… Ce livre est aussi un plaidoyer pour une école nouvelle où les différences seraient une richesse partagée, et un essai qui souhaite réconcilier parents et enseignants. Extrait 2/2.

Olivia Cattan

Olivia Cattan est écrivaine, journaliste, présidente de Paroles de Femmes et de SOS autisme.
Voir la bio »

Lorsqu’une inclusion se passe difficilement, certains référents académiques conseillent discrètement aux parents d’élèves en situation de handicap de se tourner vers les écoles privées, qui peuvent être laïques ou confessionnelles, ou pratiquer ce que l’on appelle des « pédagogies nouvelles ». Ils leur expliquent qu’au sein de ces établissements, leurs enfants trouveront une autre écoute, une meilleure qualité d’enseignement, des cours de soutien réguliers et des classes moins surchargées dans lesquelles l’enseignant leur accordera davantage d’attention.

Mais un autre parcours du combattant commence parce que certaines écoles privées ne prennent pas d’enfants en situation de handicap, d’autres refusent de les prendre dans un cursus « ordinaire » et veulent absolument les mettre dans leur classe spécialisée. D’autres encore acceptent ces élèves, mais refusent qu’ils soient accompagnés par une AESH. Ce qui est une façon habile de ne pas les prendre dans leurs établissements sans être taxés de discrimination.

Lorsque l’on me conseilla habilement de mettre mon fils autiste dans un lycée privé afin qu’il soit « moins perdu que dans le lycée public de Courbevoie », je pensais que ces écoles aux classes moins surchargées, payantes et défendant pour certaines, les écoles confessionnelles notamment, des valeurs d’humanisme, seraient plus ouvertes pour l’accueillir. Mais j’ai vite déchanté, découvrant que ces établissements privés défendaient avant tout leur place dans le classement en matière de réussite au baccalauréat.

Au sein de ces écoles privées, il y avait, tout comme dans les écoles publiques, des personnels scolaires ouverts au handicap et d’autres beaucoup moins accueillants, avec des clichés et des préjugés d’un autre temps. Il y avait aussi ceux qui pratiquaient les « mauvaises excuses » en refusant de prendre des élèves en situation de handicap dans leur école parce que « « les classes étaient trop petites ou qu’« ils n’étaient pas assez spécialisés », deux phrases revenant à chaque demande telle une rengaine de l’exclusion.

Le cours Hattemer, école privée hors contrat est un établissement à l’ancienne, qui est même revenu au traditionnel tableau d’excellence avec des prix distribués en fin d’année lors d’une grande cérémonie. La responsable des inscriptions parle « d’enseignement exigeant » suivant les programmes de l’Éducation nationale mais « allant plus loin en français, en math et en anglais ». Concernant l’inclusion des élèves en situation de handicap, il n’y a toujours pas « de rampe » pour les handicapés moteurs. Les autistes sont accueillis mais « au cas par cas » selon « leur dossier scolaire et leur capacité à suivre le rythme de l’établissement ». Aucune adaptation des cours « n’a été faite jusque-là » et les accompagnants « ne sont en général pas acceptés ».

Quant aux écoles catholiques, certaines d’entre elles acceptent les enfants en situation de handicap, en école ordinaire ou dans leurs dispositifs spécialisés en primaire et au collège. Mais cela se complique au lycée, lorsque les établissements n’ont plus d’ULIS : l’idée d’intégrer un élève autiste avec un accompagnant en classe ordinaire pour le secondaire est loin de faire l’unanimité.

Prenons le département des Hauts-de-Seine, avec l’institution Sainte-Geneviève, sous contrat avec l’État, qui accepte les autistes et leurs accompagnants, mais qui semble être plus circonspecte concernant les troubles moteurs, on m’explique qu’il y a des rampes et des ascenseurs dans l’école, mais « peu de place dans les classes pour y mettre un fauteuil ».

Quant au responsable du collège-lycée Hautefeuille, un établissement pour garçons non attaché au diocèse mais sous contrat avec l’État, il n’a fait qu’enchaîner les mauvaises excuses pour refuser d’inscrire un élève autiste : « Un autiste serait perdu dans notre lycée parce que les autistes n’aiment pas être enfermés. […] Nous ne sommes pas spécialisés. […] Si l’enfant a besoin d’un accompagnant, c’est qu’il n’est pas vraiment auto[1]nome. […] Nos classes sont trop petites pour accueillir un élève avec son accompagnant. […] Il faudrait que cet élève autiste soit compatible avec la vie scolaire et ses apprentissages. […] » l’établissement a en même temps l’audace de prôner « certaines vertus », mais apparemment pas la tolérance, l’égalité et la fraternité !

L’établissement catholique Stanislas de Paris, sous contrat avec l’État, dans lequel notre ministre de l’Éducation nationale a fait ses études, n’accepte pas d’enfant autiste au collège en classe ordinaire avec ou sans accompagnant, sauf « cas exceptionnels » d’autistes « légers ». L’excuse ultime étant d’affirmer, sans même avoir demandé des informations sur le profil de l’enfant, que l’élève « serait en souffrance au regard des exigences des apprentissages », sous-entendant qu’il n’aurait probablement pas les nerfs assez solides ou les compétences nécessaires à cause de son handicap pour rentrer dans une école d’excellence…Encore un bel exemple de valeurs de tolérance.

Comment, aujourd’hui encore, des écoles sous contrat avec l’État continuent-elles de refuser l’inscription d’élèves autistes en classe ordinaire, étant exemptées de suivre la loi de 2005 qui devrait pourtant leur être imposée ! J’ai d’ailleurs écrit un long courrier à ce sujet au ministre de l’Éducation nationale, une lettre restée pour le moment sans réponse…

Certaines familles d’enfant en situation de handicap se tournent également vers « des écoles nouvelles », espérant y trouver une autre écoute. Ce courant d’éducation a été élaboré par des pédagogues, des philosophes, des psychanalystes, dès le début du XXe siècle.

Le pédagogue suisse, Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) a été l’un des précurseurs de cette pédagogie nouvelle, essayant d’appliquer les principes d’éducation de Jean-Jacques Rousseau. Il a créé les premières écoles rurales pour les enfants les plus défavorisés.

Le médecin français Jean Itard (1774-1838) a été l’un des premiers à démontrer avec Victor, un jeune « enfant sauvage », que des enfants déficients mentaux et psychotiques pouvaient être éduqués.

John Dewey (1859-1952) est aussi l’un des référents de ce mouvement d’éducation nouvelle. Ce psychologue et philosophe américain défendait l’idée que la fonction essentielle de l’école était « d’aider l’enfant à acquérir du caractère, c’est-à-dire une somme d’habitudes et de vertus qui lui permettrait de se réaliser pleinement ».

L’italienne Maria Montessori (1870-1952), médecin et pédagogue, reste encore aujourd’hui la grande référence en matière de pédagogie nouvelle. Elle s’est inspirée de Jean Itard et d’Édouard Séguin qui avaient élaboré des méthodes éducatives pour les enfants déficients et conçu une nouvelle approche de la maladie mentale. Avant de s’intéresser à tous les enfants, elle a tout d’abord travaillé avec des enfants handicapés auxquels elle a appris à lire et à écrire. Puis elle a créé sa propre méthode pédagogique.

Les écoles Montessori que nous connaissons aujourd’hui s’inspirent de cette approche axée sur l’instruction précoce de l’enfant, son observation, le regard posé sur l’enfant considéré comme une personne à part entière et l’avenir de la société. Malheureusement, comme le nom n’a jamais été déposé en tant que marque, certaines écoles, dites Montessori, sont parfois de simples produits marketing, bien éloignées de l’esprit et de la philosophie de sa créatrice puisque certaines d’entre elles refusent de prendre des élèves en situation de handicap.

Il y a d’autres écoles nouvelles qui se revendiquent de différentes pédagogies comme les écoles Freinet, Janusz Korczak ou encore Steiner-Waldorf…

Ce sont des écoles qui acceptent généralement les personnes en situation de handicap mais pas toujours les accompagnants, prétextant « qu’ils entravent l’autonomie de l’élève ». Ce qui exclut de fait les enfants porteurs d’un handicap lourd.

Les enseignants de ces écoles m’ont davantage parlé d’« implication active et d’épanouissement de l’élève » que d’instruction, m’expliquant que « lorsqu’un enfant se sent bien dans sa peau et bien intégré au groupe, il apprend mieux ». Et qu’il suffit de le stimuler et d’éveiller sa curiosité pour le pousser à « mieux coopérer et à devenir acteur de ses apprentissages ».

Dans ces établissements, il y a des activités manuelles, des matières artistiques, du théâtre… Ce qui permet aux élèves de travailler leur créativité et de développer leurs talents artistiques. De plus, la musique, le dessin, et le sport sont considérés comme des matières aussi nobles et essentielles que le français ou les mathématiques. Il y a des spectacles et des loisirs afin de favoriser l’apprentissage de la vie sociale et renforcer le collectif.

Mais certaines de ces écoles alternatives, dans lesquelles les parents ont une place plus importante, sont parfois critiquées d’une part pour leur côté bobo avec des classes faites en bois, des cours donnés en plein air et une alimentation végétarienne, mais aussi pour leurs liens avec l’anthroposophie, un courant ésotérique qualifié de sectaire.

Quant à « l’école à la maison », elle est parfois choisie librement par les parents d’enfant en situation de handicap parce qu’ils considèrent que les établissements publics ne sont pas suffisamment adaptés ou sécurisants. Certaines familles préfèrent ce « mode de vie » parce que cela leur permet d’instruire eux-mêmes leurs enfants, d’approfondir les apprentissages et de choisir leur propre rythme. D’autres m’ont expliqué qu’ils attendent simple[1]ment que leurs enfants soient prêts à aller à l’école. Alors à la place d’une scolarisation, ces futurs élèves sont pris en charge par des thérapeutes (orthophonistes, psychomotriciens…) ou des centres qui ont développé des méthodes de stimulation intensive.

De nombreux « parents instructeurs » ont recours au CNED, qui propose de « la petite section de maternelle à la terminale, des cours conçus par des enseignants de l’Éducation nationale dans le respect des programmes officiels »69 tandis que d’autres préfèrent bâtir leur propre programme.

Mais cette « école à la maison » peut être aussi imposée aux familles parce que l’inclusion de leur enfant à l’école publique s’est soldée par un échec.

Personnellement, j’ai vécu cette situation avec l’une de mes filles pour des raisons de santé. Je n’en garde pas un bon souvenir. Ses amis lui manquaient, elle se refermait sur elle-même, et il était parfois très difficile de la motiver pour qu’elle travaille. Elle a finalement réintégré l’école au bout de quelques semaines. Et malgré les contraintes liées à sa maladie, elle y était bien plus heureuse parce que ce système d’éducation à la maison doit rester, selon moi, exceptionnel et ponctuel. Tous les enfants ont besoin de sortir du cocon familial pour se socialiser, échanger avec des jeunes de leur âge. Ils ont besoin de se dissocier de nous pour aller vers les autres, tout en allant à la recherche de leur identité propre. Ce chemin vers l’autonomie peut être accompagné d’un soutien, mais en dehors de notre regard, qui l’entrave.

De plus, le rejet viscéral de certains parents pour l’Institution publique débouche parfois sur des comportements sectaires qui peuvent devenir toxiques pour l’enfant.

L’exemple de cette famille, que j’ai suivie sur plusieurs années, a été une source d’interrogations. Maman de trois enfants, dont l’un autiste, Perrine a fait l’école à la maison à son fils pendant sept ans. Puis elle a finalement décidé de le scolariser lors de son adolescence. Or, comme l’école ne s’adaptait pas suffisamment au handicap de son enfant, elle a décidé de le déscolariser. Mais elle a également fait de même avec ses deux filles par « solidarité pour leur frère ». La famille a quitté la ville pour la campagne sans jamais plus donner de nouvelles… J’appris quelques mois plus tard que l’une de ses filles était tombée dans l’anorexie. Je me demandai s’il y avait suffisamment de contrôle pour vérifier le bien être de ces enfants et leur équilibre psychologique. De plus, tout parent est-il un bon instructeur ?

L’article 21 du projet de loi Séparatisme et école, présenté en décembre 2020, confortant « le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme » a durci les règles de l’instruction à la maison, « en passant d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation de la part des académies ». Ce qui donne lieu encore à de nombreux débats.

A lire aussi : Le harcèlement invisible des élèves en situation de handicap

Extrait du livre d’Olivia Cattan, « L'école de la discorde : Enquête sur l'inclusion scolaire », publié aux éditions Max Milo

Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !