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L'avenir des maladies infectieuses en 2017
©Reuters

Prévisions 2017

Alors que l'année 2016 touche à sa fin, Atlantico propose à ses lecteurs une série de prévisions pour le millésime 2017. Selon Stéphane Gayet, cette année pourrait être celle du retour nécessaire des Français au vaccin, face aux "maladies émergentes".

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Les maladies infectieuses font toujours partie des maladies les plus fréquentes et, à l’échelle mondiale du moins, les plus meurtrières.

Les bouleversements environnementaux réalisés par l’homme, les changements climatiques qui en résultent souvent, les modifications des relations entre l’homme et les animaux du fait de l’évolution de la production d’alimentation d’origine animale ainsi que de celle des autres rapports entre l’homme et les animaux, les mouvements de populations liés aux conflits armés ou aux famines, sont autant de facteurs qui ont un impact sur l’épidémiologie des maladies infectieuses, c’est-à-dire sur la répartition quantitative et qualitative dans le temps et dans l’espace de ces maladies.

Une maladie infectieuse est caractérisée par son agent infectieux (virus, bactérie, parasite), le réservoir de celui-ci (humain, animal, environnemental) et son mode de transmission à l’homme (transmission interhumaine directe ou indirecte ; transmission lors de soins ; transmission par l’eau et les aliments ; transmission par contact direct ou indirect avec un animal ; transmission par un animal invertébré ["vecteur"], insecte volant le plus souvent [exceptions : tiques et puces], rarement par un mollusque aquatique [bilharziose]). Il apparait que le mode de transmission à l’homme est aujourd’hui l’un des principaux déterminants des fluctuations épidémiologiques des maladies infectieuses. Les maladies infectieuses dont l’agent infectieux est strictement humain sont souvent appelées des anthroposes [tuberculose humaine, méningite à méningocoque, infections à streptocoque A, rougeole, rubéole, oreillons, grippe B, etc.]. Les maladies infectieuses liées à un agent microbien qui passe de l’animal à l’homme et réciproquement ont longtemps été appelées des anthropozoonoses, mais il est aujourd’hui convenu de les appeler des zoonoses étant donné que l’homme est un animal parmi les autres [peste, brucellose, tularémie, salmonellose, grippe A, rage, fièvre jaune, fièvre Ebola, syndrome respiratoire aigu sévère à coronavirus ou SRAS, etc.].

Les maladies infectieuses dont l’agent pathogène est transmis de façon interhumaine directe — sans intermédiaire — ont en règle générale comme unique réservoir de microorganisme le corps humain. Leur épidémiologie ne nous réserve pas de grosses surprises en pratique, à moins d’une mutation phénoménale. S’il s’agit d’infections bactériennes, leur épidémiologie évolue en partie au gré des résistances aux antibiotiques et des vaccinations quand c’est le cas.

Les maladies infectieuses bactériennes strictement humaines concernées par la vaccination sont la diphtérie, la coqueluche, la fièvre typhoïde, la méningite à méningocoque, la pneumonie et méningite à pneumocoque, ainsi que la méningite à hémophilus de type B. La tuberculose et le tétanos sont à part : le vaccin contre la tuberculose — vaccin BCG — n’apporte pas une véritable immunité, mais une simple prémunition, et son efficacité contre la tuberculose pulmonaire est plutôt faible ; le tétanos n’est pas à proprement parler une maladie strictement humaine, car cette bactérie se trouve dans la partie basse de l’intestin, certes de l’homme, mais aussi de différents animaux, et sa spore peut survivre dans le sol pendant de nombreuses années. Ainsi, pour ces différentes maladies, la tendance générale est à la baisse du nombre de nouveaux cas et il ne faut pas s’attendre à des surprises, à moins bien sûr d’un phénomène totalement nouveau et vraiment imprévisible. C’est l’occasion de rappeler ici que l’épidémiologie de la tuberculose est aujourd’hui fortement liée à celle du sida qui la favorise [la tuberculose faisant partie des nombreuses infections dites opportunistes, survenant fréquemment au cours de l’infection par le virus VIH].

Les maladies infectieuses bactériennes strictement ou principalement humaines et non (encore) concernées par la vaccination sont fréquentes. Il s’agit notamment des infections à staphylocoque doré [furoncle, anthrax, abcès divers], à streptocoque [angine streptococcique, impétigo, érysipèle, scarlatine, fièvre puerpérale, cellulite nécrosante, infection néonatale à streptocoque B], et à colibacille [infection urinaire, diarrhée bactérienne, septicémie]. L’épidémiologie de ces infections est plus sporadique [cas isolés] — à part la cellulite nécrosante — qu’épidémique [cas groupés liés entre eux] ; elle évolue en fonction de l’application des mesures préventives [hygiène des mains], des prescriptions d’antibiotique et des résistances à ceux-ci. Comme pour les maladies vues précédemment, il ne faut pas s’attendre à d’importantes modifications de la fréquence. À part certaines souches de colibacille devenant très résistantes aux antibiotiques (par production d’une carbapénémase, enzyme inactivant les antibiotiques haut de gamme), on a encore aujourd’hui un arsenal antibiotique suffisant pour parvenir à traiter efficacement les infections dans la plupart des cas. Si l’on parle actuellement beaucoup de bactéries résistantes aux antibiotiques, la situation en France est loin d’être critique et les souches bactériennes les plus résistantes sont le plus souvent importées d’un pays étranger du Sud ou de l’Est.

Les maladies infectieuses virales strictement ou principalement humaines concernées par la vaccination sont bien connues. Étant donné que la vaccination est leur principale prévention, leur épidémiologie évolue selon les pratiques vaccinales, mais aussi les conditions de vie et les mouvements de population. Sont à classer dans ce groupe la rougeole, la rubéole, les oreillons, la grippe B, la poliomyélite antérieure aiguë, l’hépatite A, l’hépatite B, la varicelle et le zona. Là encore, la tendance générale est à la baisse et il ne faut pas s’attendre à d’importantes modifications en 2017.

Les maladies infectieuses bactériennes — ou beaucoup plus rarement virales — dont l’agent infectieux est transmis par les soins [infections liées aux soins : infections nosocomiales en milieu hospitalier] ont une épidémiologie assez stable. Elle est directement liée aux activités de soins et à l’application des mesures d’asepsie, ainsi qu’à la résistance croissante aux antibiotiques des bactéries impliquées [klebsiella, enterobacter, bacille pyocyanique, acinetobacter, en plus du staphylocoque, streptocoque et colibacille]. D’un côté, on fait sans cesse des progrès dans la définition des mesures préventives d’asepsie et d’antisepsie – mais pas dans leur application…, de l’autre, on intervient chez des personnes de plus en plus âgées et fragiles. Il en résulte que ces infections iatrogéniques [liées aux soins] ont une fréquence assez stable ; les vraies épidémies sont en réalité très peu fréquentes. La résistance croissante des bactéries aux antibiotiques — tout particulièrement en milieu hospitalier — est assurément un problème préoccupant, mais il n’y a aucun parallélisme — et c’est même souvent le contraire — entre la résistance d’une souche bactérienne aux antibiotiques et son pouvoir pathogène [son agressivité et sa toxicité].

Les maladies infectieuses bactériennes, virales ou parasitaires dont l’agent infectieux est transmis par l’eau ou les aliments [cadre général des "toxi-infections alimentaires" ou TIA, expression consacrée par l’usage] ont une tendance à la baisse — en France du moins —, en raison d’une réglementation fort contraignante et assortie de contrôles [mais toutefois en nombre encore très insuffisant], qui pousse les professionnels de l’agroalimentaire et de la restauration à prendre de plus en plus de précautions vis-à-vis du risque microbien. Quant aux zoonoses liées aux animaux de compagnie, elles ne constituent que des cas sporadiques [isolés], mais pas d’épidémies : la réglementation est également contraignante dans ce domaine, en particulier en matière d’importation d’animaux. Il n’y a aucune raison pour que des modifications épidémiologiques significatives apparaissent dans ce secteur, sauf accident vraiment imprévisible.

C’est finalement avec les maladies infectieuses dites vectorielles, c’est-à-dire celles dont l’agent pathogène est transmis à l’homme par un animal invertébré ["vecteur"], dans la grande majorité des cas un insecte volant hématophage, que l’on puisse s’attendre à des évolutions épidémiologiques plus ou moins importantes. Car la répartition géographique de ces maladies vectorielles est avant tout liée à celle de leur invertébré vecteur, elle-même dépendante généralement de la température, de l’humidité et de la végétation. C’est pourquoi le réchauffement de la planète et le changement hygrométrique qu’il induit, ainsi que la déforestation, ont un impact indéniable sur l’écologie des invertébrés vecteurs de maladie. Il convient de préciser que l’invertébré vecteur hématophage se charge en agents infectieux à partir du sang d’un premier individu, puis libère une partie de ces agents infectieux dans le sang d’un second individu. Chaque année, il y a dans le monde plus d’un milliard de cas et plus d’un million de décès imputables à des maladies infectieuses vectorielles, telles que le paludisme, la dengue, la schistosomiase, la trypanosomiase humaine africaine, la leishmaniose viscérale, la maladie de Chagas, la fièvre jaune, l’encéphalite japonaise ou encore l’onchocercose. Ces maladies infectieuses vectorielles sont responsables de plus de 17 % de tous les cas de maladie infectieuse. Ainsi, en raison des variations de température et de précipitations, ainsi que des pratiques agricoles qu’elles induisent, mais aussi de la mondialisation du travail, des voyages et du commerce, ainsi que de l’urbanisation non suffisamment planifiée, on observe que certaines de ces maladies, comme la dengue, le chikungunya, les infections à virus Zika et celles au virus West Nile, apparaissent dans des pays qui en étaient jusqu’alors exempts. On peut véritablement se servir des données climatiques pour surveiller la répartition du paludisme et des autres maladies vectorielles sensibles au climat, ainsi qu’estimer les tendances à plus long terme concernant leur répartition planétaire. Voilà des changements importants à attendre en matière de maladies infectieuses à l’échelle mondiale : un lent déplacement vers le Nord des maladies vectorielles dont l’invertébré vecteur est climat-dépendant, ce qui est en fait fréquent. Ce phénomène est de surcroît accentué par la banalisation des voyages intercontinentaux, auxquels il faut encore ajouter les migrations de population. Le SRAS asiatique ou moyen-oriental, la grippe A, la grippe aviaire asiatique et la fièvre Ebola africaine font très peur, alors qu’elles ne sont pas des maladies vectorielles, mais des zoonoses. Pourtant, elles ne sont responsables que d’épidémies de durée déterminée, certes parfois meurtrières. Mais, si des maladies vectorielles virales ou parasitaires des pays tropicaux gagnaient les pays tempérés, elles pourraient s’y installer et donner, non pas des épidémies, mais des endémies, c’est-à-dire avec une durée indéterminée.

Toutes ces maladies infectieuses — le plus souvent virales, mais parfois parasitaires — dont la fréquence et la répartition géographique se modifient de façon significative et parfois inquiétante, font partie de ce qu’il est convenu d’appeler couramment aujourd’hui les "maladies émergentes" (groupe comprenant en sus de véritables nouvelles maladies). Cette expression à elle seule peut faire peur et elle le fait en général. Alors, il est plus que probable que les Françaises et les Français finissent par ne plus bouder les vaccins, dont il faut rappeler l’exceptionnellement bon rapport bénéfices sur risques.

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