L’automobile allemande fait marche arrière sur l’électricité, mais elle met tous les constructeurs européens dans la m…… Une fois de plus<!-- --> | Atlantico.fr
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Sans prévenir personne, l'Allemagne a donc annoncé sa décision de ne pas voter la directive qui devait interdire en Europe la vente des voitures à moteur thermique en 2035.
Sans prévenir personne, l'Allemagne a donc annoncé sa décision de ne pas voter la directive qui devait interdire en Europe la vente des voitures à moteur thermique en 2035.
©TOBIAS SCHWARZ / AFP

Atlantico Business

En décidant au dernier moment de renoncer à son engagement de fabriquer des voitures thermiques en remplacement de l’électrique, l’Allemagne met tous les constructeurs européens en difficulté.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Chez Renault, on est fou furieux! « On s’est fait niquer » comme on dit à la direction. Chez Stellantis, on est plus délicat. La classe très protestante des Peugeot et l’élégance italienne des Fiat, sans doute ! Mais on n’en pense pas moins. 

Ça s’est passé vendredi soir à Bruxelles, à la nuit tombante, alors que la plupart des fonctionnaires et des correspondants de presse étaient déjà partis en week-end. Sans prévenir personne, l'Allemagne a donc annoncé sa décision de ne pas voter la directive qui devait interdire en Europe la vente des voitures à moteur thermique en 2035.

En fait, les Allemands, emmenés par Volkswagen, se sont octroyés un sursis avant de passer leur industrie au tout électrique, annonçant concrètement ce qui s’est passé hier mardi au parlement, puisque les députés allemands se sont abstenus lors du vote définitif de cette directive.

Cette directive avait été imaginée il y a plus de deux ans par le groupe des écologistes mais défendue par la plupart des gouvernements pour réduire les effets du changement climatique. « Si on voulait véritablement donner un signal fort de notre ambition, il fallait rendre l’électrique obligatoire » expliquaient les Verts.

L’Italie avait annoncé dès le début qu’elle ne voterait pas le texte. Elle voulait protéger ses Ferrari. La Pologne aussi, elle voulait protéger ses quelques usines de montage. La Bulgarie s’est abstenue. Mais ces trois pays n’avaient aucun poids dans l’industrie automobile et surtout, ils ne pouvaient pas bloquer le parlement.

La France ou l’Allemagne avaient les moyens de tout arrêter.

Officiellement, les représentants français n’ont rien dit. Ce sont les Allemands, avec les députés du FDP, qui se sont arrêtés avec le ministre des finances. Le Premier ministre social- démocrate Olaf Scholz s’y est opposé mais a finalement laissé faire.

Inutile de dire que dans l’industrie automobile allemande, on pavoise. L’Allemagne ne s’oppose pas au projet de passer au tout électrique, mais explique que 2035 c’était beaucoup trop, trop court.  Les chaines de fabrication n’auraient jamais été prêtés, les batteries non plus. Alors que les constructeurs chinois sont fin prêts pour inonder les marchés occidentales de voitures propres pour 2035. Une situation qui nous conduisait à la crise économique et sociale, explique-t-on chez BMW.

Du strict point de vue allemand, leur décision est logique. Les Allemands défendent leur industrie et ils ont raison. Alors, pour amortir le choc auprès des écologistes qui sont puissants en Allemagne, le ministre des Finances allemands a justifié cette demande de sursis en expliquant qu’ils voulaient dans une phase intermédiaire étudier l’utilisation de carburants synthétiques. Personne n’est dupe : ces carburants synthétiques sont énergivores et pas très écologiques. Par ailleurs, tout le monde sait que c’est Porsche, devenu le grand patron de cette industrie en Allemagne, qui demandait l’usage de ces carburants synthétiques.

En attendant, les députés allemands au parlement européen ne savent plus très bien où ils habitent. Mais ils savent maintenant que leur mission est de défendre et de protéger la souveraineté et la puissance industrielle de l’Allemagne.

En attendant, les industriels français sont fous furieux. Ils se sont battus des mois pour obtenir des délais plus raisonnables, ils ont expliqué en long et en large que l’obligation de construire des véhicules électriques allait mettre la filière en difficulté, et c’est vrai que la première industrie française en emplois et en chiffre d’affaires va se retrouver complètement démembrée.

Mais rien n’y a fait, la France est partie la fleur au fusil combattre le réchauffement climatique. Les industriels, Renault et Stellantis, avec des marques françaises très brillantes (Peugeot, Citroën, DS, Fiat et ses filiales, Opel) ont obtempéré et entrepris un changement complet des modèles, des gammes, des process de fabrication, des méthodes de ventes pour être fin prêts en 2035 pour proposer à leurs clients des véhicules électriques. Sauf que ces incertitudes qui ont fait faire aux Allemands machine arrière s’imposent aussi aux Français.

D’abord, personne ne sait si on aura des batteries de fabrication européenne à des prix concurrentiels. Ça n’est pas gagné, d’autant qu’on ne sait même pas si on aura assez d’électricité à fournir pour faire fonctionner ces voitures.

Ensuite, personne ne sait comment les réseaux de distribution réussiront à s’adapter et à muter vers l’électrique.

Enfin, une grande inconnue, celle qui pèse sur la solvabilité du marché. Toutes les voitures électriques vont, en moyenne, couter entre 20 et 40% plus cher que les voitures à moteur thermique. Il faudra sans doute aider le marché à se mettre à l’électrique par des chèques d’aide et de subventions aux frais du contribuable.

Cette affaire est d’autant plus grave que l’Europe n’a pas prévu de s’opposer à l’invasion des modèles chinois.

Il faudra évidemment tirer les leçons de cette affaire. S’interroger pour savoir comment l’Europe peut fonctionner en toute cohérence et commencer à prendre conscience que le problème appartient à chaque gouvernement. Les anti-européens vont se frotter les mains parce qu’une fois de plus, elle aura prouvé qu’elle est incapable de définir une politique industrielle et de l’appliquer…. Mais en réalité, le problème ne vient pas de la bureaucratie. Cette affaire montre à l’évidence que le pouvoir n’est pas détenu à Bruxelles ou à Strasbourg. Le vrai pouvoir appartient aux États membres. L’Allemagne a décidément montré une fois de plus que son gouvernement savait l’utiliser.

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