L'ancien vice-Président Al Gore, Bill Gates et les nouveaux investisseurs “verts” sont-ils en train de refonder le capitalisme (en plus d'assurer leur fortune) ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Bill Gates.
Bill Gates.
©Reuters

Green business

Dans son ouvrage "Capitalism 4.0", le britannique Anatole Kaletsky explique que le capitalisme dure parce qu'il s'adapte et se transforme progressivement, et à marche forcée lors des crises cycliques (dont la pression environnementale et l'instabilité financière actuelle serait une étape).

Harold Levrel

Harold Levrel

Harold Levrel est professeur à l’AgroParisTech, économiste écologique au sein de l’UMR Cired. L’étude comparée des politiques environnementales ayant pour objet la conservation de la biodiversité et la gestion des écosystèmes exploités ou protégés constitue son principal domaine de recherche. Ses travaux concernent les questions qui vont de l’évaluation monétaire et non-monétaire des services écosystémiques à l’analyse institutionnelle des mécanismes de régulation autour des mesures compensatoires et de restauration écologique, en passant par l’étude du rôle des coûts de transactions dans les modes de coordination autour des usages de la biodiversité et des services écosystémiques.

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Stéphane Hallegatte

Stéphane Hallegatte

Stéphane Hallegatte est économiste senior à la Banque mondiale depuis 2012, après avoir travaillé 10 ans en tant que chercheur en économie de l’environnement et science du climat pour Météo-France, le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED) et l’université Stanford. Ses domaines de recherche portent sur l’économie de l’environnement, la gestion du risque, l’adaptation au changement climatique, la politique urbaine, les mesures d’atténuation du changement climatique et la croissance verte.

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Pierre-André Jouvet

Pierre-André Jouvet

Pierre-André Jouvet est p enseignant-chercheur en économie à l'université Paris Ouest-Nanterre-La Défense. Il est aussi vice-président du conseil d'administration de cette université et directeur scientifique de la Chaire d'économie du climat.

Avec Christian de Perthuis, il est co-auteur de l'ouvrage "Green Capital : a new perspective on growth", paru chez Columbia University Press en october 2015.

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Philippe Zaouati

Philippe Zaouati

Philippe Zaouati est directeur général de Mirova, la filiale d'investissement solidaire de Natixis.

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Atlantico :  Percevez-vous le capitalisme vert comme le moteur d'une évolution inéluctable du système ou au contraire comme un épiphénomène qui n’entraînera pas un changement majeur du système d'échange international ? Pourquoi ? Les innovations vertes (voiture propre, carburant vert... ) sont-elles des marqueurs d'une nouvelle phase du capitalisme ?

Harold Levrel :Effectivement le capitalisme s'adapte. Mais ça veut simplement dire la chose suivante: les investisseurs investissent là où il perçoivent de nouvelle opportunités financières...  Et il se trouve que ces opportunités se multiplient notamment à la faveur des renforcements réglementaires dans le domaine de l'environnement. Ainsi, dès que l'on renforce la loi ou les objectifs politiques sur les énergies renouvelables ou sur la qualité de l'eau, il faut investir dans ces domaines, à travers l'implantation d'éolienne off shore par exemple (les plus gros chantiers dans le secteur de la production électrique actuellement) ou la mise en place de station d'épuration, voir de restauration écologique (qui contribuent fortement à la qualité de l'eau). Or, nous sommes depuis une quinzaine d'années dans une dynamique de renforcement des politiques environnementale même si ce n'est pas le cas sur tous les dossiers. 

Derrière cela ce sont effectivement de véritables secteurs économiques qui apparaissent, mais on ne s'en rend pas encore forcément compte. 
A titre d'exemple, aux Etats-Unis, une étude récente a montrée que le secteur de la restauration écologique générait plus d'emplois directs (126 000) que ceux de l'acier et du fer (91 000) ou du charbon (80 000) (source: Todd Bendor et al., 2015).
Ensuite il y a toutes les démarches volontaires des entreprises qui, pour des questions d'images, ne peuvent plus se passer d'un discours environnementale. Dans ces cas de figure les bénéfices écologiques réels sont souvent plus discutables et difficiles à évaluer car il est rationnel pour ces société de dépenser le moins possible sur ces sujets et de dépenser beaucoup d'argent en communication... D'où le rôle accru des éco-labels qui offrent des informations pour évaluer ce qu'il y a derrière ces démarches.

Stéphane Hallegatte : Le capitalisme et les marchés sont largement dirigés par les institutions et les réglementations. Les innovations vertes seront financées par les marchés si les investisseurs pensent que les politiques climatiques et environnementales vont se renforcer dans le futur. Si une tendance crédible vers un monde zéro carbone est affirmée par la communauté internationale (à la COP21, par exemple) et les pays et gouvernements, alors nous pouvons espérer que les marchés dirigent l’épargne mondiale là où nous en avons besoin : vers des infrastructures vertes, notamment dans les pays en développement et les pays émergents, et vers l’innovation verte. Mais les marchés ne le feront pas tout seul ! Seules des politiques climatiques peuvent déclencher une transition vers un monde « vert ».

Et dans le cas du changement climatique, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que la « crise », c’est-à-dire les impacts du changement climatique, ne fasse changer les comportements : il sera alors trop tard. Nous avons besoin d’anticiper la crise, et de faire en sorte que nous évitions la crise. Le problème du changement est donc différent d’une crise financière : une crise financière peut corriger des déséquilibres, et même si les impacts sociaux sont durs (nous le voyons aujourd’hui), ils sont temporaires. Une crise climatique serait irréversible (enfin, elle durerait plusieurs siècles ou millénaires). Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’une crise climatique, qui serait permanente et dont les plus pauvres seraient les premières victimes.

Pierre-André Jouvet: On ne produit pas qu'avec du capital physique et du travail, on produit aussi avec du capital naturel. L'une des grosses difficulté du capitalisme est lié à sa construction sur l'idée que ce capital naturel est gratuit, et ne prend pas en compte les conséquences de son utilisation.On ne produit pas avec deux facteurs de production mais avec  trois. Je pense que la capitalisme vert est très loin d'être un épiphénomène si on le définit ainsi. En revanche, investir quelques pourcent d'une activité dans du renouvelable alors, c'est potentiellement un épiphénomène.

Al Gore pratique et prône ce capitalisme "durable" orienté vers un plus long terme. Sur quels principes économiques repose ce modèle d'échange ? Comment définir le capitalisme vert?

Pierre-André Jouvet:Pour moi, le capitalisme vert, c'est la prise en compte de la contribution environnementale dans la production, et ce n'est pas investir dans des énergies renouvelables ou du non émetteur de CO2.

Philippe Zaouati : Comment définir ce qui est vert ou pas vert ? Les besoins, ce n'est pas notre boulot en tant que financiers de les définir. En tant que financiers, nous savons ce qu'il faut faire. Il faut investir massivement dans deux directions : les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Du point de vue investissement, c'est ce qu'il faut faire. Ca implique de modifier l'allocation d'actifs. L'épargne des particuliers, des fonds de pension, de l'assurance. Aujourd'hui cette épargne est investie dans le monde tel qu'il est aujourd'hui. Si on veut changer, il faut les investir dans le monde tel qu'on veut qu'il soit demain. Qu'est-ce que la finance a à voir là-dedans? On peut se dire: ben ok, c'est au monde de changer, et l'épargne changera. Les entreprises n'ont qu'à proposer de nouvelles technologiess, les Etats n'ont qu'à changer la fiscalité, et la finance s'adaptera. Ca voudrait dire que la finance est un outil neutre, ce que certains pensent. Que la finance n'a pas un role à jouer. Nous, en tant qu'investisseurs responsables, nous pensons que la finance n'est pas un outil neutre. Par son action, celui qui gère l'épargne peut avoir une influence sur le futur en modifiant son allocation. La finance n'est pas neutre et doit se poser la question sur son rôle sur l'intérêt général. 
Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Il faut deux actions : désinvestissement et investissement. Désinvestissement : il y a eu des mouvements de désinvestissement des énergies fossiles. C'est parti des US, notamment des universités américaines. Les étudiants ont éxigé de la part des fondations qui financent les universités de se désinvestir des combustibles fossiles. Le fonds souverain norvégien a également décidé de désinvestir du charbon. Il y a eu certaines annonces de de banques qui vont désinvestir du charbon ou d'entreprises du secteur du charbon. C'est un aspect important parce qu'il faut donner un signal. 
A l'inverse, il faut aussi montrer qu'on investit. Dans les nouvelles technologies, dans les énergies renouvelables, dans l'efficacité énergétique. Il n'est pas nécessaire de sacrifier de la performance et de la rentabilité. Aujourd'hui les opportunités d'investissements dans les énergies renouvelables sont énormes. Et donc un investisseur qui décide d'allouer une bonne partie de son portefeuille là-dedans peut le faire sans problème. 
Là où il y a un problème, ce n'est pas tant avec la performance qu'avec le risque : financer les grands programmes d'investissement dans les pays émergents. Les investisseurs aujourd'hui appréhendent le risque de ces investissements et considèrent qu'ils sont extrêmement risqués. Prenons l'exemple du solaire--le solaire entre le tropique du Cancer et du Capricorne. Dans cette zone géographique, le solaire est de très loin l'énergie la moins chère et la plus rentable. Mais c'est extrêmement difficile d'attirer des capitaux. Il y a l'environnement réglementaire, le risque pays, le risque politique, le risque des devises, qui font peser un risque trop important pour les investisseurs. Et donc on manque de financement. 
La solution qui commence à se développer et qui est au coeur des discussions, notamment à la COP21, c'est le partenariat public-privé. Chacun doit comprendre son rôle. Le financement public doit être là pour dérisquer l'investissement privé. Le public ne doit pas tout financer, il doit financer la petite partie nécessaire à dérisquer l'investissement. 

Harold Levrel : Le capitalisme, par définition, c'est l'accumulation du capital. Si l'on utilise la métaphore du capital (ce qui est déjà discutable) on peut évoquer plusieurs formes de capitaux. Le capital physique (la base matériel de la production dans le monde), le capital humain (la force de travail mais aussi la santé et l'éducation) et le capital naturel (toutes les formes vivantes qui contribuent directement ou indirectement à la production, et ça fait donc beaucoup d'interactions écologiques à la fin...). 

L'histoire du capitalisme s'est traduit depuis la fin du 18ème siècle par un fort investissement dans le capital physique. A partir de la fin du 19ème siècle, mais surtout du milieu du 20ème siècle, l'investissement a aussi concerné le capital humain. Et depuis une trentaine d'années seulement on commence à s'intéresser au capital naturel (au-delà des ressources exploitées comme les sols ou les stocks de pêche). Si on s'y intéresse c'est parce que la santé en dépend (qualité de l'eau ou de l'air), la production en dépend (pollinisation), le bien-être en dépend (activité de loisir en plein air) mais aussi tout simplement parce que les citoyens/consommateurs ne veulent plus une simple accumulation de capital physique. Ils sont aussi demandeur d'une meilleure qualité de vie, ce qui est souvent synonyme, en partie, d'un meilleur état de l'environnement. Et c'est là que la réglementation environnementale peut jouer un rôle fort dans l'orientation du capitalisme. Cette réglementation crée des pertes pour les secteurs traditionnelles sources de pollution ou de destruction de l'environnement mais peut être, comme je le mentionnais plus haut, une sources de revenus pour de nouveaux secteurs (il suffit de penser à l'agriculture bio / agriculture conventionnelle). 

Donc ça pourrait être ça un capitalisme vert. Un capitalisme qui investit dans le capital naturel à travers des actions de restauration des écosystèmes, d'amélioration de l'état de l'environnement, de réduction des pressions humaines.

Stéphane Hallegatte: L’idée est que sur le long-terme, les technologies et les produits « verts » seront de toute façon plus profitables que les autres, car les technologies vertes sont plus efficaces et maintiennent les ressources dont nous avons besoin. Mais aujourd’hui, il est bien documenté que les investisseurs ont un biais vers le court terme, dû au fonctionnement des marchés (par exemple, les gens sont rémunérés en fonction de leurs performances annuelles, pas de leurs performances sur 30 ans !). C’est en partie pour cela qu’il est si difficile de trouver des financeurs pour les investissements de long terme dans les infrastructures des pays en développement, alors que les besoins sont immenses. Il faut donc se demander comment remettre le long terme au cœur des stratégies d’investissement. Comme nous le discutons dans notre rapport « Décarboniser le développement », cela demande de changer les comportements et les préjugés, mais aussi de réfléchir à comment sont régulés les acteurs économiques et les acteurs financiers. Par exemple, mesurer les risques de long terme dans les régulations bancaires pourraient favoriser les investissements verts. Faire payer la pollution – avec une tarification du carbone – est aussi utile pour rediriger les investissements.

Et nous devons soutenir les investissements et l’innovation qui aident les plus pauvres à faire face. Aujourd’hui moins de 1% des investissements en recherche et développement (R&D) médicale va vers les maladies qui touchent les plus pauvres (3 milliards de dollars sur 250 milliards). Seules des politiques de soutien peuvent aider le développement de traitement pour les maladies qui affectent ceux qui ne peuvent se payer un traitement.  

Depuis 2004, via la société d'investissement Generation Investment Management, Al Gore et d'autres investisseurs ont appliqué les ces principes. Avec quels résultats sur le plan financier ? Se sont-ils enrichis grâce à des choix économique guidés par des considérations environnementales ? Ces milliardaires, dont Bill Gates, qui investissent dans le "durable" sont-ils les vrais "stars" de la Cop21?

Harold Levrel: Je ne sais pas répondre à cette question. Je ne connais pas leur fonds d'investissement. De manière générale il y a des acteurs qui pensent que les investissements privés sont un bon levier. D'autre pour qui le capitalisme est le problème et ne peut en aucun cas être la solution. Mais aujourd'hui les choses ne sont pas aussi simple. Il existe souvent des liens entre des investissement privés et de la réglementation public environnementale. On est donc sur des solutions hybrides. Après il se peut que quelques milliardaires dépenses dans la cause environnementales par conviction, et s'appuient sur le secteur privé pour cela. Mais ça ne peut pas être qu'une solution à la marge. 

Pierre-André Jouvet: Il est extrêmement difficile d'évaluer un retour financier de leurs investissements, puisque ce sont des personnes prêtes à perdre de l'argent en investissement dans des énergies renouvelables dont on sait qu'elle ne sont pas au niveau de rentabilité des énergies classiques. (...) Al Gore et les autres investisseurs auxquels vous faites allusion ont pour objectif d'orienter les investissements vers ces énergies vertes, quitte à perdre de l'argent dans un premier temps, car à long terme, de toutes façons, ce seront ces énergies-là qui vont se développer. C'est un pari sur l'avenir plutôt que la recherche d'un gain financier à court terme qui motive ces investissements.

Je ne sais pas qui sont les vrais stars de la COP21, j'aimerais que ce soit les pays émergents, soit ceux qui souffrent le plus des changements climatiques. La fondation Bill Gates est d'ailleurs plutôt orientée vers le développement de ces pays-là, que vers de l'investissement durable ou environnemental. L'enjeu du Nord est là.

Pour autant, cela signifie-t-il que le modèle peut être généralisé sur le long terme ? Pourquoi? Si oui, à quelles conditions ? Quel rôle jouera la technologie?

Harold Levrel: L'idée de généralisation n'a pas beaucoup de sens. Il y a des innovations. Si elles permettent de gagner de l'argent, elles se diffusent. C'est une dynamique qui est propre au marché et à l'investissement privé. Là où il faut être très attentifs, c'est sur la réalité des gains écologiques associés. Le "capitalisme vert" ça ne se décrète pas. Et ce n'est surement pas des entreprises toutes seules qui peuvent créer cette nouvelle forme de capitalisme, et ce d'autant plus que l'environnement est pour sa plus grande part un bien public ou commun. Ce n'est pas le marché tout seul qui peut créer les incitation à investir dans les biens publics. Il n'est tout simplement pas fait pour ça. Il faut des innovations publiques, un cadrage réglementaire, du contrôle, etc. C'est seulement à cette condition que des investissement privés pourront à la fois générer des gains environnementaux et des revenus pour ceux qui auront investis. 

Stéphane Hallegatte : Je ne peux pas répondre sur les résultats financiers, mais les technologies vertes sont évidemment un marché où des investisseurs ont réalisé des profits. La valorisation boursière de Tesla Motors – le constructeur de véhicule électrique – est de 30 milliards de dollar. C’est la moitié de GM, mais GM vend 10 million de voitures par an alors que Tesla en vend moins de 100.000. Cela montre bien que certains croient dans le futur des technologies vertes (et dans les profits possibles !). Mais les technologies vertes sont partout : matériaux de construction pour des bâtiments plus efficaces, les énergies renouvelables, une logistique plus économe, les transports en commun, la fourniture d’eau potable et le retraitement des eaux usées plus efficace, etc.

Les investisseurs privés sont très visibles à la COP parce qu’ils sont un « signal » que les choses changent, mais pour réaliser la transition vers une économie sans carbone, nous avons besoin de bien plus : les politiques devront mettre en place les bonnes politiques pour orienter les investissements vers les technologies vertes (avec des réglementations et des outils économiques comme la tarification du carbone) ; le système financier doit venir soutenir les objectifs de développement durable, bien plus qu’il ne le fait aujourd’hui, car l’épargne de quelques milliardaires est négligeable par rapport aux fonds de pension et autres investisseurs institutionnels. Et les comportements de chacun d’entre nous doivent changer: la solution ne sera pas seulement technologique, elle sera également liée aux comportements, et notamment au refus du gaspillage de l’énergie.

Pierre-André Jouvet: La condition pour que se généralisent des investissements dans le durable est que les coûts environnementaux soient réellement pris en compte dans les calculs économiques. Tant qu'on n'aura pas intégré ce coût, cette valeur environnementale, dans la micro-économie donc dans la comptabilité même des entreprises, cela ne pourra pas fonctionner. Cela signifie qu'il faut que des politiques publiques encadrent ceci, que l'on mette un prix sur les conséquences environnementales de l'activité d'une société, il s'agit de mettre en place une tarification de l'usage des ressources environnementales. L'environnement n'a pas de prix, mais son usage a un coût. Plus un bien induit une dégradation de l'environnement, plus son prix doit être élevé. Et ensuite, les consommateurs auront aussi un poids potentiel: à eux de faire des choix d'achat en fonction de l'impact environnemental de deux biens similaires.

Pourquoi certains considèrent-ils que l'expression "capitalisme vert" n'est qu'une façon de "marketer" des pratiques financières et le perçoivent comme une forme de greenwashing?

Harold Levrel: Le terme "capitalisme vert" est clairement un outil de communication et de marketing, qu'il soit utilisé par les politiques ou par les entreprises. Et il y a forcément une part de greenwashing. Mais comme souvent aussi, cela ne peut pas être que ça. Sinon le concept perdra très vite de sa pertinence auprès du public (il ne fédèrera qu'un groupe d'entreprise qui ne pourront pas communiquer là-dessus puisque le reste de la communauté n'y croira pas). 

Stéphane Hallegatte: Le greenwashing existe. Et il est parfois difficile de faire la part entre les investissements verts et du simple marketing vert. Il est donc important de regarder les annonces avec un œil critique. Mais le plus important, c’est de ne pas oublier que les marchés sont guidés par les réglementations et les régulateurs : il n’y a pas de capitalisme vert sans politiques vertes. Les actions privées ne peuvent se substituer aux actions publiques : elles sont complémentaires.

Pierre-André Jouvet: Ils ont parfaitement raison de considérer cela comme du marketing. Très peu de secteurs s'occupent réellement de la dimension environnementale de leur activité. Le simple exemple de la RSE montre qu'il y a énormément de greenwashing. C'est un effet d'image, c'est de la communication. Ceci est la conséquence de l'absence de tarification des conséquences environnementales.

Philippe Zaouati : Du greenwashing, il y en a. Mais ce n'est pas lié à au fait de chercher plus de rentabilité. C'est lié au conformisme. Beaucoup de gens dans le monde financier ne veulent pas changer, ne pas être différents. L'exemple le plus évident dans la finance, c'est la gestion indicielle. Investir dans un indice ça veut dire que je ne choisis pas ce que j'investis. Etre investisseur, ça veut dire faire des choix. Et donc on peut faire des choix bons. Ca veut pas dire qu'on cherche pas la rentabilité, de toute manière pour un investisseur c'est son job. Mais beaucoup de gens en finance sont conformistes et font du greenwashing plutôt que de se remettre en question.

Propos receuillis par Adeline Raynal, avec Pascal-Emmanuel Gobry

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