L’Allemagne décide d’être moins complaisante face à la Chine. Ou pas…<!-- --> | Atlantico.fr
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Christian Lindner, Olaf Scholz, Annalena Baerbock et Robert Habeck lors d'une conférence de presse à Berlin pour présenter leur accord pour le gouvernement post-Merkel.
Christian Lindner, Olaf Scholz, Annalena Baerbock et Robert Habeck lors d'une conférence de presse à Berlin pour présenter leur accord pour le gouvernement post-Merkel.
©©TOBIAS SCHWARZ / AFP

Plus ferme, vraiment ?

L’accord de gouvernement sur lequel s’est accordée la nouvelle coalition mentionne une politique étrangère fondée sur le respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques fondamentales. Mais le diable se cache dans les détails

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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L’accord de gouvernement sur lequel s’est accordée la nouvelle coalition mentionne une politique, un think tank qui étrangère fondée sur le respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques fondamentales. Est-ce au moins dans la lettre une volonté de cibler la Chine ?

Je ne crois pas que ce soit une surprise. Il ne faut pas voir la coalition comme autre chose que comme une occasion d’accélérer la mise en place d’un programme « ordo-progressiste » qui s’insère bien dans la politique de la Commission Européenne et de l’Alliance Atlantique version Biden. La volonté de faire pièce à la Chine était rejetée quand c’était Trump, le « gaullien », défenseur de la souveraineté des nations, qui mettait la Chine sous pression. A présent que cet agenda peut être placé dans une perspective droit-de-l’hommiste, cela ne pose plus aucun problème aux partisans de la gouvernance mondiale sous impulsion occidentale progressiste. Le gouvernement d’Olaf Scholz est aligné sur la question chinoise comme il l’est sur la vaccination obligatoire. 

Quelles positions tiennent les trois partis de coalition en la matière ? Et le futur chancelier Scholz en particulier ?

Les libéraux seront le frein de la coalition, essayant d’empêcher tout court-circuit idéologique. Les Verts ( surtout avec l’inénarrable Annalena Baerbock aux Affaires Etrangères) vont pousser les trompettes du droit-de-l’hommisme tous azimuts. Qiant à Olaf Scholz, il arbitrera. Profondément, c’est l’héritier de Gerhard Schröder, c’est un pragmatique. Mais il est dépendant du réseau des hauts fonctionnaires, des experts, des lobbyistes, qui par exemple par l’intermédiaire de la DGAP (la Deutsche Gesellschaft für Aussenpolitik, Société Allemande de Politique Etrangère)  un think tank qui donne souvent le la de la politique étrangère allemande, à partir du consensus « ordo-progressiste » occidental.  

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Pour autant, peut-on réellement croire que la nouvelle coalition se montrera plus ferme vis-à-vis de la Chine ? Qu'est ce qui peut nous en faire douter ? 

J’étais le premier à me réjouir du tournant vers une politique plus ferme vis-à-vis de la République Populaire de Chine quand Donald Trump était aux commandes. On était alors dans le cadre d’une politique réaliste, d’équilibre, qui a produit d’extraordinaires résultats: la Chine a perdu à peu près 1 point de croissance par an en 2018 et 2019 (2020, année Covid, n’est pas significative). On avait une politique fondée sur le principe de la souveraineté des nations. Trump a d’ailleurs été empêché d’aller au bout de sa vision qui visait à détacher la Russie de la Chine. En revanche, je me méfie d’une politique droit-de-l’hommiste qui ne cible pas la Chine pour les bonnes raisons. Trump combattait sur les questions commerciales et de rééquilibrage militaire. Ce que l’administration Biden met en avant, c’est la question des « droits de l’homme ». Combiné à l’aubaine, pour le Pentagone, d’une nouvelle « guerre froide » contre la Chine mais aussi contre la Russie, cela devient dangereux. Autant une France fidèle à l’héritage du Général de Gaulle aurait dû être l’alliée de Donald Trump, au service ded l’équilibre du monde; autant, aujourd’hui, il faut se tenir à l’écart des manoeuvres du mondialisme à l’occidentale. Et ceci d’autant plus que l’Allemagne, visiblement, se laisse entraîner. Les Allemands nous ont poignardé dans le dos après la perte du contrat de sous-marin australiens. Je réponds donc à votre question après un long détour: on ne peut pas juger selon des critères de diplomatie classique. Il y a un fol emballement « ordo-progressiste » en Occident, qui pourrait mener à un conflit avec la Russie à propos de l’Ukraine. La question n’est pas de savoir si l’Allemagne est assez ferme vis-à-vis de la Chine mais si elle est prête à revenir à l’inspiration de Willy Brandt et de Gerhard Schröder, en menant une diplomatie en partie indépendante et francophile. C’est mal parti. 

L'Allemagne est-elle trop dépendante de la Chine pour pouvoir réellement assumer une position dure vis-à-vis de Pékin ?

Certes, les Allemands sont à la merci d’un durcissement du régime de Xi JIngping. Et c’est le rôle des libéraux de Lindner: protéger les intérêts de l’industrie allemande; empêcher qu’elles aient à subir, outre la concurrence de plus en plus forte des entreprises chinoises, des sanctions liées au tournant anti-chinois de la politique occidentale.

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