Koz / Erwan le Morhedec : "Les Chrétiens n'ont plus peur de prendre la parole et d'affirmer haut et fort quelles sont leurs valeurs et leur foi"<!-- --> | Atlantico.fr
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Erwan le Morhedec vient de publier "Koz toujours. ça ira mieux demain" aux éditions du Cerf.
Erwan le Morhedec vient de publier "Koz toujours. ça ira mieux demain" aux éditions du Cerf.
©Reuters

Grand entretien

Dans un livre chronique publié le 25 septembre, le blogueur Koz revient sur ses dix années d'existence et explore la société à travers des débats qui l'ont marquée et sur lesquels il exprime franchement son avis. Provocateur, agitateur de la toile, Koz nous partage sa vision de la société, de la diversité catholique d'aujourd'hui, du rôle du Web et du pape François pour maintenir l'unité chrétienne.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Atlantico : Dans "Koz toujours. ça ira mieux demain", que vous venez de publier aux éditions du Cerf, vous revenez sur votre blog, sur ces dix années d’existence, sur les grands sujets qui vous ont interrogés ou marqués. Pendant 10 ans, vous avez agité la toile en réagissant à l’actualité politique, sociale et religieuse. Comment êtes-vous devenu un des blogger les plus influents chez les catholiques, et pourtant paradoxalement peu reconnu par les grands médias ?

Koz / Erwan Le Morhedec : A l’origine de mon blog, j’ai commencé à écrire sur des sujets qui n’étaient pas du tout liés à la foi. Je me suis fait connaître en étant un blogger politique. Pendant trois ans, j’ai écrit tous les jours en n’abordant que très peu - voire pas - les sujets qui pouvaient toucher au religieux. J’ai rapidement été lassé, trouvant le jeu politique trop insatisfaisant par ses aspects caricaturaux et binaires. J’ai ainsi fini par aborder les sujets en rapport avec la religion.

>>> Lire aussi : "Koz toujours, ça ira mieux demain" : pourquoi le dénigrement systématique de l'Histoire de la France freine l'intégration

Commencer à me faire ma place sur un autre domaine a été une véritable chance. Cela m’a permis de ne pas plonger dans le syndrome du "catho qui parle aux cathos". Même si cela n’est pas évident, j’ai toujours essayé de m’adresser à l’ensemble de la société. Ma motivation est née du sentiment que les Français se faisaient une image du catholique qui n’était pas celle que je voyais dans mon entourage. Une image d’un catholique compassé, qui ne débat pas et applique comme un mouton ce que le Vatican lui demande de faire. J’avais envie de contribuer à montrer que non, ce n’est pas cela être catholique, et à donner une image qui m’apparaissait plus juste.

En France, nous avons un rapport très névrosé à la religion. Dès lors que nous adoptons un point de vue religieux, nous sommes mis de côté, au nom de cette "laïcité". Il y a cette espèce de fantasme, d’une société laïque dans laquelle, à partir du moment où nous serions inspirés d’une option métaphysique, nous n’avons plus à discuter. Cela complique la possibilité d’exister et se faire sa place en tant que blogger.

Vous décrivez, à travers les différents chapitres de votre livre, l’évolution de l'église et de ses différentes tendances. Vous évoquez d’une part les catholiques "zélateurs d’une foi cantonnée à l’intime, qui ne s’échapperaient brièvement que pour rejoindre précipitamment l’église le dimanche", un "certain nombre de chrétiens qui s’interdisent de s’exprimer au nom d’une laïcité qui exigerait le silence", et d’autre part, les chrétiens qui n’ont pas peur de mettre en avant leur foi, de s’impliquer corps et âme pour la défense de leurs valeurs… Avec l’actualité de ces dernières années (Manif pour tous, GPA/PMA, débat sur l’euthanasie …) comment ces différentes tendances ont-elle évoluées ? 

Les manifs pour tous ont servi de catalyseur à une tendance qui était en cours, et que le pouvoir, par une réponse bêtement autoritaire, a fortement contribué à accélérer. Cette évolution est née avec le concile Vatican II, puisque ce dernier appelait les laïques à prendre la parole dans la société. La réception et l’intégration d’un concile est un travail long, mais avec l’actualité de ces dernières années, une bonne partie des chrétiens l’ont intégré. D’autres plus conservateurs en sont restés à "l’avant le concile" et un écart s’est crée. 

Il y a également d’autres explications à l’engagement des laïques. Notamment, celle d’un sentiment d’urgence. La crainte immédiate pour un bon nombre de catholique est la disparition. Ainsi, la pudeur qu’avaient certain, ou l’auto-censure ne semblent plus de rigueur. 

Tout cela cède sous la nécessité de redire quelles sont nos valeurs, notre foi, et ce qu’elles apportent à notre pays. Il faut malgré tout rester prudent avec nos impressions. Le numérique a le défaut d’être parfois déformant. Sur Internet, nous avons tendance à voir une certaine radicalisation politique des catholiques. Je pense qu’elle traduit une réalité. Il faut cependant analyser sa mesure avec prudence : Internet n’est pas toute la population française.

Il est certain que ce que nous pourrions désigner comme les ultra-progressistes ont perdu une visibilité. Au fur et à mesure, ils se sont dilués car ils sont partisans d'une approche discrète voire silencieuse dans laquelle on ne fait pas état de sa foi. Ils agissent en conformité avec leur foi, mais ne l’expriment ou ne la revendiquent pas. Le bilan n'est pas très favorable pour cette stratégie. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas légitime de la tenter, mais la réalité actuelle est que la transmission ne réside pas de ce côté.

Dans votre livre, vous mettez en lumière l’importance du web aujourd’hui pour les catholiques. Vous y consacrez un chapitre entier. Vous précisez que c’est sur ce média que les manifs pour tous ont permis de se mobiliser, et que c’est également là où vous avez découvert les différentes alternatives de l’Eglise. En quoi est-il un réel outil pour les catholiques et met-il en lumière l’écart des tendances ?

Je pense qu’il a l’avantage d’accompagner une réalité. Le numérique ne peut certes pas remplacer la pratique ou la rencontre. En revanche, il peut aider à créer une relation avec certaines personnes qui ne sortent pas de leur milieu.En France, nombreux sont ceux qui ne connaissent pas de chrétiens autour d’eux. Ils ont tendance à penser qu’ils sont les derniers des Mohicans. 

D’autre part, pour d’autres, Internet présente une possibilité pour nourrir sa foi.

Par définition, le web à une nature alternative. C’est-à-dire qu’il sera toujours plus présent lorsqu’il se trouve en opposition. Quand le gouvernement est à droite, les blogs ou discours de gauche sont plus présents, et inversement. Pour les catholiques, il en est de même. Dans les médias, il n’est pas de bon ton de partager son appartenance religieuse. Il est même plutôt de bon ton de a cacher. Ainsi, le web permet de faire vivre cette parole.

Certaines tendances catholiques ne s’estiment pas représentées par l’Eglise ou l’épiscopat français. Elles utilisent le web en moyen de communication alternatif.

Le pape François arrive-t-il à faire de ces différentes tendances et courants une famille chrétienne ? 

Je pense qu’il s’agit de ce que le pape a mis en lumière en lançant le jubilé de miséricorde, mais aussi en ayant un geste d’ouverture avec les prêtres de la fraternité Saint Pie X, et en recevant le même jour Monseigneur Gaillot. Il montre qu’il est un pasteur et un père pour l’ensemble, sans apporter une reconnaissance spécifique pour une option ou pour l’autre. Je pense qu’il a raison lorsqu’il écrit que nous devons d’abord panser les plaies. Nous sommes face à une société blessée. Elle ne sait pas pourquoi et par quoi. Plutôt que de lui reprocher son comportement, il faut avant tout lui montrer de l’empathie, et lui faire comprendre que l’église est au côté de la société, et pas en opposition, ou en lutte comme certains pourraient le croire.

Dans une société où, selon vous, être chrétien est de plus en plus tabou, comment les croyants doivent-ils prendre position dans l’actualité ?

Une fois encore, je m’inspirerai de la façon dont procède le pape François. La société française connait les positions des chrétiens sur les sujets qui fâchent : l’euthanasie, l’avortement, la GPA … Il n’est donc pas nécessaire ni indispensable de l’évoquer tout le temps. Il s’agit certes de sujets importants qu’ils ne faut pas contourner, mais ce n’est pas le coeur de la foi. Nous devons en parler dans des circonstances qui s’y prêtent et lorsque le débat l’exige. Mais je pense aussi qu’il faut prendre en compte l’état de notre société et être au côté des personnes qui font ces choix que nous ne partageons pas. Il faut être là pour les aider et les accompagner mais pas pour les juger.

Dans ces grands débats de société, la notion de choix est très trompeuse. Sur l’avortement "c’est mon choix" était un slogan de campagne. Or, un choix nécessite une liberté intérieure, et cette liberté n’est pas développée faute d’informations. Dans mon livre, je souligne que l’information m’apparaît délibérément tronquée. Les alternatives n’ont pas le droit d’exister et d’être partagées. Or, un choix sans alternative n’est pas un choix.

Je pense qu’il est bon que les chrétiens s’engagent dans la culture, dans les arts, le journalisme, l’enseignement, dans des associations pour faire vivre leurs convictions. Ils doivent s’engager dans n’importe quel lieux où ils peuvent s’adresser à l’opinion publique. Les politiques sont dépendants de l’opinion publique. Ils passent leur temps à analyser et courir après elle. 

Vous désirez incarner un lieu de débat au sein de cette société que vous décrivez, où vous ne cherchez pas à convaincre les autres. Comment vous faire comprendre et rendre un discours accessible à tous, sans paraître vivre dans un "monde parallèle" ?

Aux yeux de certains, je vis dans un monde parallèle. Finalement, si on se regardait tous, nous nous verrions chacun dans un autre monde parallèle. J’essaye de ne pas trop jargonner, de ne pas multiplier les références qui seraient incompréhensibles pour les autres. Je m’efforce de percevoir la société comme elle est aujourd’hui pour pouvoir m’adresser à elle. 

Je ne veux pas employer tous les moyens pour convaincre. Je considère que par moments, il est important de dire certaines choses quand bien même elles ne sont pas écoutées. Certains propos doivent exister dans le débat public, quelque soit la réception.

Ce que je souhaite avant tout, c’est faire comprendre que mes positions ne s’appuient pas sur une vision surnaturelle de la société mais qu’elles s’appuient sur une vision qui est conforme au bien de l’homme et de la personne. J’ai à coeur de mettre aussi en lumière ce qui peut-être partagé entre les croyants, et ceux qui ne le sont pas.

Propos recueillis par Cécile Picco

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