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JP Morgan : 
beaucoup de bruit pour rien !
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Mini Kerviel

Pour Barack Obama, la perte de trading qui a coûté au moins 2 milliards de dollars à JP Morgan illustre la nécessité d'une réforme de Wall Street. Mais dans les faits, ce ne sont pas nécessairement la gestion de risques ou les procédures de contrôle qui sont à remettre en cause... Mais plutôt le cadre global des pratiques.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Comme les quatre grandes banques américaines, JP Morgan est un intervenant géant sur le marché des produits dérivés de toutes sortes, en particulier les CDS (contrats d'assurance contre le défaut de paiement). JP Morgan est même un très gros intervenant, et comme ses confrères vends des milliards et de milliards de contrats de protection, d'assurance contre les défauts de divers débiteurs.

Autrement dit, la position fondamentale de JP Morgan est risk-on. En plus clair, pour celles et ceux qui n'auraient toujours pas compris, JP Morgan ne croit fondamentalement pas que le risk va se matérialiser.

Dans le cadre de la gestion complexe de ce type de position, JP Morgan intervient sur le marché des indices de CDS. Il était très gros vendeur de PUT (option contractuelle de vente permettant au souscripteur de l'option de vendre un titre ou un autre actif) sur ces indices, ce qui pour faire simple était équivalent au fait de donner des options de vente de groupes de CDS à des spéculateurs ou hedgers (fonds d'investissement).

Autant dire que JP Morgan était donc très optimiste, puisque convaincue que la valeur des contrats CDS allait baisser, et donc que le facteur risque allait se réduire. En misant sur le risk-on, JP Morgan était en réalité secrètement persuadée que le risk-off n'était que temporaire.

Il y a quelques semaines, le sentiment a changé pour les quatre grands vendeurs d'assurance. Ces derniers ont redouté que la situation
ne se gâte vraiment en Europe, notamment suite aux résultats pressentis à l'élection présidentielle française, et surtout à la lecture des sondages en Grèce, qui donnaient les partis de gouvernement battus. Le risque devenait alors colossal, non pas du fait de la mauvaise gestion de risques par JP Morgan, mais du fait d'évènements exogènes non prévus ou mal anticipés.

Pour retourner la position, et en réalité manipuler le marché et la presse, JP Morgan s'est empressée, comme dans le cas de la Société Générale, de conduire une opération "grosse baleine". En d'autres termes, les positions de la baleine étaient connues, avalisées, suivies de près, et c'est un choix de gestion que d'avoir balancé la baleine.

Ensuite, on laisse courir comme dans le cas de la Société Générale, jusqu'à ce que ce soit utile, voire indispensable, de balancer non pas un lampiste mais un opérateur. Personne n'est dupe, et il serait mal avisé de ne pas avoir noté les compliments de Jamie Dimon (directeur des opérations chez JP Morgan) au responsable du service qu'il est obligé de sacrifier en apparence.

L’élément important dans cette affaire est la révélation pour le public du fait que les grands, les quatre grands vendeurs de CDS sont structurellement
risk-on, et qu'en cas de fort renversement des anticipations, il y a des dégâts ! L'affaire JP Morgan ne fait qu'effleurer un problème sous-jacent : le risque dans le monde augmente fortement en ce moment.

Attention toutefois à ne pas surestimer la perte de 2 milliards essuyée par JP Morgan, ce n'est rien en termes de volume financier, simplement une rounding error ou erreur de calcul, d'arrondi ! Et l'impression ne peut être que confirmée par les profits semestriels réalisés, qui sont de l'ordre du double... Et sans compter les réserves latentes enfouies dans les positions en cours, qui permettaient très bien d'absorber ces 2 milliards de pertes, sans même que cela puisse se voir. Au risque de me répéter, la question ne porte pas sur la gestion du risque et les contrôles, mais bel et bien sur le cadre dans lequel cette opération (révélée) plus vaste s'inscrit.

Par ailleurs, à la faveur de l’opération "grosse baleine", JP Morgan a déchargé sur le marché une bonne partie de ses positions fragiles. Les idiots utiles ayant considéré que c’était une affaire de se mettre en face de ces liquidations. Comme cela s'est d'ailleurs passé avec Jérôme Kerviel, le marché a fait la contrepartie persuadé que c’était une aubaine...

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