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Joe Biden, le Hollande Américain ?
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46e Président des Etats-Unis

Alors que le mandat de Joe Biden débute, Emeric Guisset et William Thay s'interrogent sur cette nouvelle page de l'histoire des Etats-Unis qui s'ouvre avec Joe Biden.

William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Emeric  Guisset

Emeric Guisset

Emeric Guisset est secrétaire général adjoint du think-tank Le Millénaire.

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Alors qu’il est courant de penser que les phénomènes politiques Américains sont en avance sur les phénomènes Français, l’élection d’un Barack Obama anticipant celle d’Emmanuel Macron, cette fois-ci nous pourrions assister au phénomène inverse. En effet, l’élection Américaine de 2020 a eu de forte similarité avec l’élection Française de 2012, Joe Biden jouant le rôle de François Hollande, battant sur le fil un Trump sur la contestation de sa personne plus que son bilan. Si le président élu a rassemblé de Bernie Sanders, Alexandria Occasio-Cortez à l’aile droite du parti, la gouvernance pourrait s’avérer aussi compliquée avec l’aile gauche jouant à chaque fois le rôle de frondeur.

2012 – 2020 : Deux élections similaires

Malgré les années et les kilomètres, les élections présidentielles française de 2012 et américaine de 2020 ont connu les mêmes dynamiques de fond. Comme François Hollande, Joe Biden était le candidat idéal pour faire battre un président sortant jugé par la gauche et une grande partie des médias comme populiste. En effet, la coalition électorale de Nicolas Sarkozy en 2007 est très proche de celle de Donald Trump. Les deux candidats ont bousculé la ligne traditionnelle de leur parti pour séduire, au-delà de leur électorat habituel, les électeurs des classes populaires. Ces derniers, frappés par les conséquences de la mondialisation et de la désindustrialisation ont été séduit à chaque fois par le président de droite, qu’ils vivent respectivement dans les états de Rust Belt et dans les régions des Haut de France et Grand-Est. Sur les thématiques sécuritaires et identitaires, la carte électorale montre des résultats importants de Nicolas Sarkozy sur le pourtour méditerranéen, aux États-Unis, de Donald Trump en Floride notamment et la force du message politique du mur avec le Mexique.

Face à ces deux présidents à forte personnalité, suscitant autant l’adhésion que le rejet, le Parti Socialiste et les Démocrates ont adopté la même stratégie en investissant un candidat à l’image consensuelle. Dans les deux cas, le choix a été fait de réunir les différentes tendances de gauche et le centre, non pas autour d’un projet commun, mais d’un rejet important du président sortant. Les élections de François Hollande et de Joe Biden ont été davantage des référendums contre Sarkozy et Trump qu’une adhésion aux projets socialiste et démocrate. En effet, un sondage CSA montre que les Français ayant voté François Hollande en 2012 l’ont fait davantage pour s’exprimer contre Nicolas Sarkozy (52% des électeurs de Hollande), et pour le président socialiste (45% de ses électeurs). Aux États-Unis, un sondage Morning Consult montre que parmi les électeurs de Joe Biden, 54% l’ont fait pour l’avoir comme président alors que 44% l’ont fait contre Donald Trump.

De la même manière, des candidats au programme de centre gauche et d’inspiration social-démocrate ont donné des gages à la gauche la plus radicale pour former une alliance de circonstance. De son côté François Hollande déclarait que son « ennemi [était] la finance » pour séduire une gauche à la fibre anticapitaliste, alors même que son conseiller économique était Emmanuel Macron, un ancien banquier. De l’autre côté, Joe Biden a dû donner des gages à la gauche racialiste américaine, notamment lors des événement Black Lives Matters, alors même que sa construction politique semble peu compatible avec les mouvements de Cancel

Culture ou « Woke ». En ce sens, la conversion de Joe Biden à la politique environnementale illustrée par son Green Deal, illustre l’importance de la thématique écologiste dans cette nouvelle coalisation électorale de gauche aussi bien en France qu’aux États-Unis.

Joe Biden l’Hollandais

Élu par défaut, Joe Biden n’est pas encore investi président que les divisions au sein de sa majorité se font déjà sentir. Alors que le président élu s’était initialement prononcé contre la mise en œuvre d’une procédure d’impeachment pour « réconcilier les deux Amériques », il a récemment tenu des propos plus ambiguë lorsque les journalistes l’interrogeaient sur la procédure en cours. La chambre des représentants, marquée par une présence importante de la gauche la plus radicale, a souhaité provoquer une surenchère anti-Trump comme lors de la première procédure d’impeachment. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Joe Biden risque de vivre un mandat présidentiel similaire à François Hollande sur le plan politique.

Le premier risque de Joe Biden est de se faire déborder par sa gauche, d’être prisonnier de son aile la plus radicale, de perdre le contrôle de sa majorité, de s’éloigner du centre de gravité des souhaits des électeurs. Joe Biden risque ainsi de rompre avec ce pourquoi il a été élu, c’est-à-dire ses promesses originelles et son image d’homme du consensus. Si le fonctionnement bipartisan du système américain réduit le risque de scission au sein de la majorité et la création d’un groupe de frondeurs, la séparation stricte des pouvoirs de la Constitution américaine offre plus de pouvoirs au Congrès dans l’élaboration des lois. À la différence de la France où le fait majoritaire, le droit de dissolution et l’inversion du calendrier législatif rend l’Assemblée nationale presque aux ordres du président français, la Chambre des représentants ou le Sénat peut bloquer le projet du président américain. De plus, la majorité très fragile au sénat et le danger des midterms risquent de rendre la majorité parlementaire très dépendante de ses éléments les plus radicaux,  des membres de la majorité qui ne partagent pas grand-chose avec Joe Biden possédant un profil plus centriste.

Le second danger pour Joe Biden est de voir son mandat hanté par le celui de son prédécesseur. Son résultat électoral le rend très dépendant des revendications des anti-trumpistes qui conservent une hostilité forte à l’égard de Donald Trump comme le souligne cette procédure d’impeachment ou encore la censure des GAFA. Selon les indiscrétions des coulisses politiques de Washington, il s’agit à la fois de condamner symboliquement le président américain mais aussi avec l’objectif de le priver de ses droits civiques ce qui l’empêcherait d’être candidat en 2024. Le risque pour Joe Biden est de tomber dans le même écueil que François Hollande en faisant de son mandat celui de la déconstruction du trumpisme plutôt que de la construction d’une nouvelle ère. Les démocrates semblent déjà être tombés dans ce piège, annonçant que leurs premières mesures serait l’annulation du Muslim Ban, de la construction du Mur, et en définitive de toutes les mesures symboliques du trumpisme. Mais ce faisant, les démocrates ne font que renforcer la base électorale de Donald Trump qui pourra justifier sa position d’outsider. À la manière de Nicolas Sarkozy qui avait tenté un retour en 2016, le mandat de Joe Biden pourrait être marqué par un Donald Trump omniprésent dans l’opposition, cherchant une victoire symbolique en 2022 avant d’obtenir une revanche électorale en 2024.

Finalement, en ayant été élu par défaut en opposition à un président qui défiait l’establishment, Joe Biden risque de suivre le même destin que François Hollande. Alors qu’il souhaitait réconcilier l’Amérique après le mandat de Donald Trump, les dynamiques profondes de l’élection Joe Biden risquent de rendre incompatible cet objectif avec la nécessité de garder le contrôle de sa coalition parlementaire. Condamné à être un Hollande Américain, Joe Biden sera jugé sur sa véritable mission :  éviter le retour au pouvoir en 2024 de Donald Trump ou de son héritier politique.

William Thay, politologue et président du think-tank Le Millénaire, spécialisé en politiques publiques et portant un projet gaulliste et réformateur au service de la grandeur de la France. 

Emeric Guisset, secrétaire général adjoint du think-tank Le Millénaire

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