JO : les syndicats ont inventé un système d’enchères olympiques. Tout le monde veut sa prime, mais qui paiera ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Grèves organisées par les syndicats de la SNCF lors de la réforme des retraites, le 7 mars 2023.
Grèves organisées par les syndicats de la SNCF lors de la réforme des retraites, le 7 mars 2023.
©Lionel BONAVENTURE / AFP

Menaces de grève

Chaque jour, une grève, et après la grève, une autre menace d’arrêt de travail, sauf si on dégaine une prime. Les Jeux Olympiques sont sacrés, donc on paie... avec de la monnaie de singe, parce qu’il faudra bien faire les comptes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que Paris se retrouve bloqué un jour sur deux, pour cause de travaux, d’aménagement ou d’arrêt de travail dans les transports publics, la liste des primes octroyées à différentes professions qui seront mobilisées lors des Jeux Olympiques s’allonge et leur montant s’envole.

La liste s’allonge tous les jours...

À la SNCF, alors que les syndicats viennent d’obtenir un retour en arrière sur la réforme des retraites qui « durcissait » un peu leur système, les voilà qui déposent des avis de grève afin d’obtenir une prime exceptionnelle pour travailler pendant la période des Jeux Olympiques. La prime qui leur a été offerte leur paraît insuffisante (50 euros par jour). Les syndicats de cheminots souhaitent l'équivalent de ce qui a été alloué aux salariés de la RATP, soit entre 1000 et 2500 euros par mois.

Les contrôleurs aériens, eux, ont obtenu dans la plus grande discrétion 4500 euros. Adjugés, vendus. Qui va dire mieux aux enchères sociales, prochainement ?

Les agents de la force publique qui seront tous mobilisés, les personnels de l'entretien de Paris et notamment les éboueurs, les personnels de mairie, les pharmaciens, les personnels de santé et notamment les infirmiers, et pourquoi pas les chauffeurs de taxis...

Ce qu'on sait, c’est que des discussions ont eu lieu dans certaines entreprises privées pour octroyer des primes spéciales Jeux olympiques : chez Accor, le groupe hôtelier, chez Sodexo qui va fournir les repas sur le village olympique, dans certains restaurants parisiens, certains grands magasins, certains théâtres qui sont fermés l'été et qui exceptionnellement resteront ouverts à Paris tout l’été.

En moyenne, la période entre le 14 juillet et le 20 août devrait rapporter entre 1000 et 2000 euros de primes exceptionnelles, sans compter les heures supplémentaires et les contrats de prestations pour ceux qui sont auto-entrepreneurs...

Ne soyons pas naïfs. Et l'organisation et le fonctionnement des JO appartiennent à l’exception. D’abord, parce que la journée entière de la cérémonie d’ouverture sera vue en direct dans le monde entier. On estime pas moins de 2 milliards de téléspectateurs... Toutes les compétitions seront vues en moyenne par 1 milliard d’êtres humains sur la planète.

Ensuite, la France entière, qui reçoit déjà 80 millions de visiteurs par an, attend sur Paris plus de 15 millions de visiteurs supplémentaires au moment des Jeux. Il faut donc que tout marche si on veut que la fête ne tourne pas au fiasco : et d’abord les transports, la logistique et la sécurité... et pour que tout marche, il faut des hommes et des femmes sur le terrain, dans les arrière-cuisines et dans les bureaux... Il faut que tout le monde soit présent, content et souriant... il faut donc que tout le monde soit payé. Et bien évidemment, les syndicats ont compris qu'ils avaient là un rapport de force favorable et classique... Notamment dans la fonction publique où cette culture de la menace de grève est largement partagée dans toutes les entreprises publiques et parfois dans le privé. Les Français ont l’habitude d’être pris en otage, surtout quand ils prennent le métro et le RER... mais les visiteurs étrangers beaucoup moins.

Les agents de la fonction publique profitent évidemment des circonstances. Ils savent l'importance de l'événement, et ils jouissent d’un monopole. Ils sont donc intouchables et personne au niveau de l’État n'osera prendre le risque de leur refuser une demande d’argent. Ils ont donc un pouvoir de nuisance et de « bordelisation » maximum.

Les dirigeants d’entreprises ont ou non reçu de consignes, toujours est-il qu’aucun dans tous les services publiques  refusera d'ouvrir une négociation. Les seuls qui peuvent s'y opposent sont les dirigeants dans le privé qui n'ont pas le cash ou la trésorerie pour financer de telles revendications qui ne sont d'ailleurs pas courantes, parce que la gestion du personnel n’est pas fondée comme dans la fonction publique sur le rapport de force permanent.

Dans les entreprises publiques en revanche, l'État va payer et comme l'État n'a pas d'argent, il va payer à crédit. L'État aura donc rendez-vous après les Jeux. Il faudra régler les factures qui ont posé un problème budgétaire. Il va falloir assumer et amortir le mécontentement de l'opinion publique et cela va poser un problème politique. Après les JO, il y aura un rapport avec les syndicats et l'opinion un peu tendu et il faudra bien régler la facture sociale. Ce jour-là, les syndicats qui ont poussé les enchères olympiques vont s'apercevoir que leur image est hypothéquée. Politiquement, la pression pour limiter et réglementer le droit de grève sera maximale... la pression contre les monopoles dans les transports publics, l'ouverture à la concurrence seront non seulement évidentes, mais légitimes. Pour beaucoup de syndicats, le coût des primes olympiques, obtenues au forceps du chantage, leur sera facturé au prix cher.

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