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JFK et Jackie Kennedy, le couple qui a réussi à impressionner le général de Gaulle lors de leur visite officielle en France en 1961
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Bonnes feuilles

L'histoire se conjugue spontanément au tragique et préfère l'exceptionnel à l'ordinaire. Ce constat vaut particulièrement pour les figures de proue dont on connaît les grandes heures, les mots célèbres, les conflits et les fins, surtout lorsqu'elles sont dramatiques, mais à peu près rien de la vie quotidienne qui constitue pourtant l'ossature de leur existence. Quelles étaient leurs habitudes ? Comment se déroulaient leurs journées ? Extrait de "Une journée avec", sous la direction de Franz-Olivier Giesbert et Claude Quetel, aux éditions Perrin 1/2

Franz-Olivier Giesbert

Franz-Olivier Giesbert est journaliste, biographe et romancier. Il a récemment publié une Histoire intime de la Ve République en trois volumes, dont le dernier est paru en novembre 2023.

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Antoine de Tarlé

Antoine de Tarlé

Antoine de Tarlé est spécialiste des relations franco-américaines. Ancien enseignant à Sciences-Po-Paris et ancien directeur général adjoint d’Ouest-France, il a été coauteur de nombreux ouvrages, notamment Television and Political Life, Les Enjeux de la fin du siècle, Dictionnaire de la guerre froide, Intelligence de la France. Il collabore régulièrement à la revue Etudes.

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JFK à la Maison Blanche par Antoine de Tarlé

Pendant son copieux petit déjeuner composé d’œufs à la coque, bacon, toasts, jus d’orange et café, le président passe en revue la presse américaine, sa grande passion, lui qui aurait voulu être journaliste et qui y a renoncé à contrecœur quand son père Joe Senior lui a imposé de s’engager dans la politique, en remplacement de son frère aîné, Joe Junior, tué en combat aérien au-dessus de l’Allemagne. Il s’attarde sur le New York Times et le Washington Post, l’influent quotidien de la capitale où il compte de nombreux amis. Il a l’habitude d’emporter les journaux et les dépêches urgentes dans son bain pour y poursuivre sa lecture au grand dam de ses collaborateurs qui retrouvent parfois trempés des documents ultra-confidentiels. Ce jour-là, Jackie est absente. Elle a fait un saut à New York pour voir des proches, ce qui lui laisse un peu de liberté. Il pourra aménager plus facilement sa journée en fonction de ses plaisirs. Après avoir embrassé ses deux enfants, Caroline, 6  ans, et John John, 3  ans, il gagne son bureau, le fameux Bureau ovale, aménagé par Franklin Roosevelt mais qu’il a décoré à son goût. Il a déniché dans les combles de la Maison Blanche le bureau, fabriqué avec les membrures du vaisseau britannique Resolute, libéré des glaces par les Américains en 1855 avant d’être restitué aux Britanniques en gage de paix. En retour, la reine Victoria avait offert en 1878 au président Hayes ce bureau qui fut celui de deux illustres prédécesseurs de Kennedy, Woodrow Wilson et Franklin Roosevelt, deux présidents démocrates qui menèrent victorieusement leur pays à travers les deux guerres mondiales.

L’aire de travail du président est située dans l’aile ouest, la fameuse West Wing, là où sont installés ses principaux conseillers, ceux qu’il veut pouvoir consulter à tout moment. Comme chaque jour, Caroline lui prend la main et l’y accompagne avant d’aller à l’école. Elle n’a pas besoin d’aller bien loin. Jacqueline a organisé un cours particulier au troisième étage, pour ses enfants et ceux des collaborateurs du président. Un instant, celui-ci s’interroge sur le souvenir que ce séjour à la Maison Blanche laissera à des enfants si jeunes. Peut-être que John John y puisera une vocation politique et poursuivra la tradition familiale. Il n’aura malheureusement pas de petit frère, Patrick est mort à la naissance en août dernier, un drame dont John et Jackie ont du mal à se remettre. John John, de son côté, mourra à 37 ans dans un accident d’avion sans avoir eu le temps d’accomplir son destin.

En tout cas, son prédécesseur Eisenhower n’a jamais eu à se poser ce genre de question. Il était trop vieux et sa génération, celle qui avait dirigé la Seconde Guerre mondiale, devait passer la main à ceux qui avaient combattu sur le terrain, les lieutenants et capitaines de 1945. Il était donc temps que, grâce à Kennedy, la présidence bénéficie d’une cure de jeunesse. Celui-ci est donc très fier d’être, avec Theodore Roosevelt, le plus jeune président de l’histoire des Etats-Unis, élu à 43 ans. Très soucieux de son image, il gère avec maestria ses interventions à la télévision grâce aux conseils de son excellent conseiller de presse, Pierre Salinger.

Il est bien conscient aussi de constituer avec Jacqueline un couple brillant, glamorous comme disent les Américains, et qui suscite l’admiration dans le monde entier. Ils ont même réussi à impressionner le général de Gaulle lors de leur visite officielle en France en 1961. « Je suis l’homme qui accompagne Jacqueline Kennedy » a déclaré avec humour le président face à une foule parisienne en délire. Le vieux général a apprécié le charme de Jacqueline, parfaitement francophone et élégamment vêtue par Givenchy. Toutefois, le Général a aussi reconnu que le jeune pré- sident avait du fond et maîtrisait aussi bien les dossiers que son camarade de guerre Eisenhower. Paternel, il lui a prodigué quelques conseils sur la manière de gouverner, bien conscient que Kennedy cherchait surtout à grandir son image au contact du dernier dirigeant emblématique de l’époque de la guerre.

Dans le Bureau ovale, c’est le moment des briefings où se retrouve l’équipe des jeunes conseillers qui ont embarqué avec enthousiasme en 1961. Il y a les têtes d’œuf de Harvard, McGeorge Bundy, le conseiller pour la sécurité nationale, et son adjoint, Walt Rostow, ainsi que Ted Sorensen, le frère intellectuel du président et l’inspirateur de ses discours les plus importants. On y parle surtout de politique étrangère. Sur le plan intérieur, la situation est compliquée. JFK a gagné en partie son élection contre Richard Nixon grâce au slogan de la Nouvelle Société qui a enthousiasmé la jeunesse en lui proposant de se mobiliser pour changer le pays engourdi dans la prospérité de l’après-guerre. Toutefois, le Congrès traîne des pieds. La majorité démocrate, le parti du président, est dominée par les élus sudistes très conservateurs et méfiants à l’encontre de ses projets de déségrégation de la population noire qui subit de multiples formes de discrimination. Dans le Sud, on souhaite que les Noirs restent à leur place et que ce démagogue de Martin Luther King se fasse discret.

Le fait que le vice-président, Lyndon Johnson, soit originaire du Texas est évidemment un atout. Il a longtemps mené d’une poigne de fer la majorité démocrate du Sénat et les élus l’écoutent, mais il n’appartient pas au premier cercle des « kennedistes », ces brillants cerveaux issus des grandes universités de la côte Est qui n’ont que mépris pour les ploucs du Sud et du Middle West, les « red necks ». En attendant les projets de réforme sont bloqués dans les deux Chambres et l’échéance électorale de 1964 se rapproche. En politique intérieure, le bilan du sémillant président est plus que modeste et il en est bien conscient. Ce sera un sérieux handicap pour lui l’an prochain.

Extrait de "Une journée avec", sous la direction de Franz-Olivier Giesbert et Claude Quetel, publié aux éditions PerrinPour acheter ce livre, cliquez ici

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