Comment Jeanne d'Arc est devenue cette icône qui parle à tous les Français<!-- --> | Atlantico.fr
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L'image de « la fille au dur corsage » sur le cœur...
L'image de « la fille au dur corsage » sur le cœur...
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Jeanne superstar

Monopolisée ces dernières années par le Front national, on célèbre cette semaine 600ème anniversaire de Jeanne d'Arc, cette enfant du peuple qui transcende tous les partis. Extraits de "Jeanne d'Arc, la sainteté casquée" de Pauline de Préval (2/2).

Pauline de Préval

Pauline de Préval

Pauline de Préval est journaliste et réalisatrice. Auteure en janvier 2012 de Jeanne d’Arc, la sainteté casquée, aux éditions du Seuil, elle a publié en septembre 2015 Une saison au Thoronet, carnets spirituels.

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Quatre siècles d’oubli suivront  la mort de Jeanne. Le procès dit en réhabilitation qui eut lieu en 1456 n’a fait en vérité qu’annuler sa condamnation. Charles VII ne voulait pas que l’on dise qu’il tenait sa couronne d’une hérétique. C’est l’unique raison pour laquelle il demanda au pape Calixte III d’organiser un procès en nullité de sa condamnation. Mais une fois ce point acquis, il s’empressa de disperser une seconde fois ses cendres au vent de l’oubli. Et tous les monarques à sa suite. Sans doute Jeanne fut-elle la dernière à croire pleinement au sens sacral de la monarchie, à « la force mystérieuse de ce préjugé sublime », pour reprendre les mots de Léon Bloy. Nous entrerions ensuite dans l’ère du réalisme et de l’instrumental dont la République serait le plus logique couronnement. Quant à Pie II, successeur de Calixte III sur le siège de Pierre, il écrivit vers 1460 : « C’est là une chose qui doit être confiée à la mémoire, même si dans la postérité il faille lui accorder plus d’admiration que de foi », préférant pour les siècles à venir couronner de lauriers plutôt que d’épines le pauvre cœur de Jeanne.

Ce n’est donc que par un paradoxe apparent qu’il est revenu à un historien républicain et libre-penseur, Michelet, de la ressusciter. Et nous ne serons qu’à moitié surpris de voir que ce sont les anticléricaux, les premiers, qui ont fait d’elle une sainte, quand longtemps encore la plupart des catholiques la considéreront comme une héroïne sulfureuse. Les uns et les autres, pour ne plus savoir unir le ciel et la terre, se combattant à fronts renversés et à coups d’images fragmentaires. Ainsi Joseph Fabre, député radical, propose-t-il dès 1884 d’instituer une fête nationale en l’honneur de Jeanne d’Arc, à la date du 30 mai, au motif que Jeanne était « la sainte de la France » et qu’on célébrait toujours les saints le jour de leur mort ! Et Gambetta, auteur du célèbre slogan « le cléricalisme, voilà l’ennemi », de se payer le luxe de se dire « dévot de Jeanne ». En 1869, l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup, tente de réagir à ce mouvement en proposant au Vatican de la canoniser. Mgr Touchet mettra toute son ardeur à le relayer. Il trouvera une oreille attentive en la personne de Pie X, qui la béatifiera le 18 avril 1909, mais il faudra attendre le 16 mai 1920 pour que le Vatican la porte enfin de ses caves à ses autels. (…)

À peine quelques semaines après sa canonisation, l’Assemblée nationale vote, le 24 juin 1920, l’instauration d’une journée de fête en l’honneur de Jeanne d’Arc, chaque deuxième dimanche de mai. L’« Union sacrée » de la Grande Guerre est passée par là. Tous les combattants, ouvriers, bourgeois, paysans, curés, instituteurs, de droite comme de gauche n’ont-ils pas traversé les « orages d’acier », une petite image de « la fille au dur corsage » sur le cœur ? Maurice Barrès qui, avec Joseph Fabre, n’avait cessé de soutenir ce projet voyait son rêve se réaliser : « Il n’y a pas un Français dont Jeanne d’Arc ne satisfasse les vénérations profondes. Chacun de nous peut personnifier son idéal en Jeanne d’Arc. Elle est, pour les royalistes, le loyal serviteur qui s’élance à l’aide de son roi ; pour les césariens, le personnage providentiel qui surgit quand la nation en a besoin ; pour les républicains, l’enfant du peuple qui dépasse en magnanimité toutes les grandeurs établies ; les révolutionnaires eux-mêmes la peuvent mettre sur leur étendard en disant qu’elle est apparue comme un objet de scandale et de division pour être un instrument de salut. Aucun parti n’est étranger à Jeanne d’Arc et tous les partis ont besoin d’elle. Pourquoi ? Parce qu’elle est cette force mystérieuse, cette force divine d’où jaillit l’Espérance. »

Pour lire plus d'extraits du même livre, c'est ici

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Extraits deJeanne d'Arc, la sainteté casquée, Seuil, Collection Points Sagesses(12 janvier 2012)

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