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Jeanne d’Arc, les leçons d’une combattante confinée
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Rassemblements interdits

Le Premier ministre Edouard Philippe vient de prolonger l’interdiction de célébrer publiquement la messe après le 11 mai. Auteur de "Jeanne d’Arc sur la terre comme au ciel" (Presses de le Renaissance), Pauline de Préval nous livre ses réflexions sur celle qui fut, au terme de son épopée, confinée et privée de sacrements.

Pauline de Préval

Pauline de Préval

Pauline de Préval est journaliste et réalisatrice. Auteure en janvier 2012 de Jeanne d’Arc, la sainteté casquée, aux éditions du Seuil, elle a publié en septembre 2015 Une saison au Thoronet, carnets spirituels.

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Les temples de la consommation qui rouvrent leurs portes et des fidèles qui demeurent privés de messe dans les églises : comment mieux signifier le matérialisme de ceux qui nous gouvernent ! Quand on sait en outre que la dernière interdiction du culte remonte à 1793, quel symbole ! Rarement pourtant les besoins spirituels des hommes n’ont été aussi grands qu’en cette période de crise qui replace chacun en face de la mort et renouvelle son interrogation sur le sens de la vie. La preuve encore récemment avec le succès d’audience d’une émission sur Thérèse de Lisieux diffusée sur France 3. Face à cette crise, un catholique a une force : sa communion avec le Christ mort et ressuscité. En ce sens, il n’a pas seulement besoin de pain et de jeux virtuels, mais du « pain de la vie éternelle » dont certains mystiques ont même pu vivre exclusivement. Et contrairement à ce qu’affirme M. Castaner, communier à ce pain nécessite des lieux de rassemblement.

Nous célébrerons dans quelques jours le centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc. Confinée dans sa prison, au terme de son épopée, la Pucelle, elle aussi, fut privée de communion. C’était la torture qu’avaient imaginée ses juges, non contents d’infliger à cette fille de plein soleil et de plein vent la claustration, le port de chaînes, la présence jour et nuit de gardiens à ses côtés, la vermine et la pestilence pour lui faire avouer que Dieu ne l’avait pas inspirée. L’eucharistie était le centre de sa vie. À une époque où la plupart des fidèles ne communiait qu’une à deux fois l’an, elle demandait à le faire à chaque messe, et sa joie était alors si débordante qu’elle en pleurait parfois. Elle ne pouvait vivre qu’incorporée au Christ, non seulement spirituellement, mais physiquement. C’est de l’intimité de cette union que découlait son action. D’où son caractère plus que révolutionnaire : participant du pouvoir de transfiguration du monde en Christ. Au cours de son procès, elle a pourtant dit à ses juges que si elle était en état de grâce, Dieu lui permettrait d’entendre la messe qu’ils le veuillent ou non. Une réplique à méditer dans la situation qui nous est faite : si notre désir de Dieu est assez pur et assez puissant, nous pourrons entendre la messe par-delà toutes les interdictions. Et alors chaque foyer pourra être une petite église, accumulant en elle la puissance spirituelle pour en bâtir une plus grande et triompher de l’adversité au grand jour.

Avant de subir son martyre, Jeanne n’était pas restée inactive. Elle s’était battue pour défendre les droits de Dieu sur terre. Car pour elle, c’était le meilleur moyen de défendre les droits de l’homme, contre un pouvoir temporel oppresseur ou contre un pouvoir spirituel dévoyé. Parce qu’elle avait Dieu pour seul maître, elle a pu démasquer les idéologies de son temps et défier tous les puissants pour libérer son pays. Parce qu’elle n’avait accordé sa foi à personne d’autre, elle a pu justifier son droit de s’échapper de prison. Et parce qu’il devait être « premier servi », elle a trouvé la force de préférer la liberté dans la mort plutôt que la soumission.

Thérèse de Lisieux était une grande admiratrice de Jeanne d’Arc. Elle avait transposé au carmel son combat sur le plan spirituel. Avec une rhétorique guerrière autrement plus puissante que celle d’Emmanuel Macron, elle écrivait : « Mon glaive n’est autre que l’Amour, avec lui je chasserai l’étranger du royaume. Je vous ferai proclamer Roi dans les âmes qui refusent de se soumettre à votre Divine Puissance. Sans doute, Seigneur, un aussi faible instrument que moi ne vous est pas nécessaire, mais Jeanne votre virginale et valeureuse épouse l’a dit : “Il faut batailler pour que Dieu donne la victoire.”

A l’image de la Pucelle et de la petite Thérèse, battons-nous pour défendre les droits de Dieu sur la terre. Chacun selon sa vocation, car le premier exemple que nous donnent ces deux saintes, c’est qu’il faut apprendre à être à l’écoute de la voix de Dieu en nous et y répondre à la hauteur où nous sommes attendus. Si cette période de confinement pouvait servir à l’approfondissement de notre foi et de notre vocation, un monde meilleur pourrait peut-être advenir et être autre chose qu’une incantation, un vœu pieux.

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