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Mélenchon fait-il 
la plus belle campagne 2012 ?
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Gauche dure

Le candidat du Front de gauche est crédité de 8% dans les sondages et fait salle comble à travers la France pour des meetings conçus comme de véritables shows.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Atlantico : Jean-Luc Mélenchon est crédité d'environ 8% dans les sondages. Dans votre livre "Qui choisir", vous passez au crible la stratégie et le potentiel de tous les candidats à la présidentielle. Que pensez-vous de la campagne de Jean-Luc Mélenchon ? Est-il en mesure d'être le 4ème homme derrière Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine Le Pen ?

André Bercoff : Jean-Luc Mélenchon, de l’extérieur, fait tout pour apparaître comme un mélange de Général Castagnetas et de révolutionnaire pur et dur : il est en fait un homme de sang froid et de réflexion. Il contrôle parfaitement ses soi-disant excès de langage, qui font mouche parce que ledit langage est bien articulé. Mais la vraie raison de son succès est qu’il met ses pas dans les pas du Mitterrand des années 70-80, c’est-à-dire avant que la gauche au pouvoir n’apprenne à gérer admirablement le capitalisme. Hollande ayant choisi la social-démocratie, il se positionne en  gauchiste radical – et surtout pas en radical de gauche – pour rafler les voix, non seulement des orphelins de Besancenot et Laguiller, mais aussi d’une fraction de la population qui ne veut plus qu’on lui ordonne, pour tout horizon, de se serrer un peu plus la ceinture. Il leur répète qu’il existe une autre voie, et ses électeurs potentiels se disent : pourquoi pas ? Il peut donc être le quatrième homme. Il est incontestablement plus légitime que Bayrou dans la défense de « l’anti-système. »

Dans quelle mesure ses qualités d'orateur peuvent jouer en sa faveur dans la campagne ? N'en fait-il pas trop ?

Dans un univers de consensus encore mou, l’ancien professeur de littérature tranche. Ses agressions verbales contre la classe médiatique plaisent, et ses invectives contre l’establishment font oublier qu’il en a fait partie pendant une bonne trentaine d’années. Quand il chante la France belle et rebelle, quand il adjure de faire France de tout bois, quand il brocarde le capitaine de pédalo et la « semi-démente », il sait jusqu’où il peut aller trop loin. Cela fait du buzz, et un certain équilibre entre ceux qui n’aiment pas son populisme et ceux qui, au contraire, en redemandent.

Le calcul d'attaquer de "front" Marine Le Pen est-il le bon ?

Il ne le faisait pas au début de sa campagne, concentrant ses attaques sur François Hollande ou sur Nicolas Sarkozy. Mais le dessin de Plantu dans « Le Monde » les mettant côte à côte, et la récente manchette du même quotidien évoquant leur rivalité, témoignent qu’il est déterminé à éviter à tout prix l’amalgame des populismes. Je crois qu’il perd un  peu de temps dans cette polémique, d’autant plus que toutes les études qualitatives montrent que la population ouvrière née après 1960, dans sa majorité, ne croit plus à la droite ni à la gauche traditionnelles. Contrairement aux clichés rebattus, les ouvriers et les employés qui votent à droite sont beaucoup plus nombreux que prévu par les progressistes. Et une partie des « abandonnés »  de la classe moyenne se retrouve dans les propos de Marine Le Pen, comme elle se retrouvait dans ceux de son père. 

Comment peut-il prendre des voix à François Hollande ?

Tout dépendra de la campagne de celui-ci dans les semaines à venir. Soit Hollande gauchit son discours et il fait remonter Bayrou ; soit il le social-démocratise et les déçus du hollandisme peuvent regarder du côté de Mélenchon. Cela m’étonnerait quand même. Le vote « utile » de ceux qui veulent à tout prix se débarrasser de Sarkozy favorisera évidemment Hollande.

  1. Sa nécessité de penser à l'après-campagne ne risque-t-elle pas de le conduire à être plus modéré en fin de campagne ?

Aujourd’hui, il ne pense qu’à ça, c’est-à-dire à son score du premier tour. Plus celui-ci sera haut, plus il pèsera dans les négociations de l’après-campagne. Or, ce n’est pas en modérant son discours qu’il agrandira sa part de marché électorale, mais bien au contraire, dans cette période de crise européenne, de faillite de la Grèce et de risque d’explosion de l’euro, en le radicalisant et en présentant une alternative, possible ou imaginaire. Il a tout intérêt à être fidèle à lui-même. Jusqu’au 23 avril.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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