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Jean Lassalle : "D’une merveille, notre système s’est progressivement transformé en une dictature technocratique, capitaliste, sans cœur"
©AFP

Entretien

Le candidat à l'élection présidentielle Jean Lassalle se confie à Atlantico. Il livre notamment son analyse du deuxième grand débat organisé par CNews et BFMTV, confie son ressenti sur l'élection et dévoile -un peu- de son programme.

Jean Lassalle

Jean Lassalle

Jean Lassalle est un homme politique français, né le 3 mai 1955 à Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques). Il est élu député le 17 juin 2007, pour la XIIIe législature (2007-2012), dans la 4e circonscription des Pyrénées-Atlantiques. Il fait partie du Mouvement démocrate (MoDem) de Francois Bayrou Il préside depuis 2002 l'Association des Populations des Montagnes du Monde, réseau international de montagnards présent dans plus de 70 pays dans le monde. Il préside également l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn qui a obtenu des investissements importants pour les bergers de montagne et la préservation de l'ours.
En juin 2003, pour être sûr de se faire entendre, il entonne l'hymne béarnais dans l'hémicycle pendant les questions au gouvernement pour obtenir le maintien d'une gendarmerie près du tunnel du Somport.
Le 7 mars 2006, il entame une grève de la faim pour empêcher une "délocalisation" au sein même du département des Pyrénées-Atlantiques d'une usine du groupe Toyal Europ, filiale du groupe mondial japonais Toyo Aluminium K.K, qui emploie 150 salariés dans la vallée d'Aspe située dans le département dont il est député. En 5 semaines il perd 21 kg et souffre de baisses de tension. Le 14 avril, il est hospitalisé d'urgence à l'hôpital Poincaré de Garches, ce qui provoque l'intervention du président de la république Jacques Chirac, du premier ministre Dominique de Villepin et du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy. Ceux-ci parvenant à un accord avec la société Toyal Europ, le député cesse sa grève de la faim. Il participe ensuite activement à la campagne présidentielle de François Bayrou en 2007 . Il est élu député de MoDem aux législatives de 2007 à la suite d'une triangulaire .

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Atlantico : Dans une France à 80% urbaine, vous vous présentez comme le candidat de la ruralité. Que compte faire un berger à l'Élysée d'un troupeau si majoritairement urbain ?

Jean Lassalle : Je défends évidemment les campagnes de France, que je décréterai « grande cause nationale ». Mais je défends plus largement tous les territoires oubliés qu’ils soient ruraux ou non. Ici l’opposition entre campagnes et villes est factice. Regardez les banlieues ! Les personnes qui y vivent peuvent avoir le même sentiment d’abandon que dans les campagnes. Les zones urbaines connaissent évidemment des problématiques bien précises auxquelles je suis particulièrement sensible : restaurons par exemple la nature en ville, car les villes ont, elles aussi, besoin de revivre. Nous devons aussi lutter contre le fléau de la pollution, les problèmes liés au logement… et j’ajouterais que l’on ne se parle plus notamment dans les villes, reparlons-nous !

Face au candidat d'En Marche, vous vous présentez comme le "député qui marche". Quelle importance a eu pour vous ce tour de France à pied ? Quels sont les principales doléances des Français que vous avez rencontré ?

C'est un des plus beaux souvenirs politiques de ma vie. C'est aussi le moment où je me suis senti le plus utile, eu égard à l'idée que je me fais de mon mandat et de ma fonction. Je me suis toujours fait, depuis ma tendre enfance, une haute opinion de la fonction de député. J'ai profondément rêvé de le devenir avant de l'être – bien que je n'eusse que peu de chance de le devenir. Cette haute représentation doit réfléchir, penser, voter la loi, contrôler le gouvernement, le vote des textes annexes et en théorie le vote des textes européens. Je dis en théorie, parce qu'il y a belle lurette que l'on a rien vu passer de ce genre à l'Assemblée. Ces fonctions sont essentielles. Mais cela n'enlève pas que le député est aussi un représentant du peuple, incarnant une passion de la Nation, ce qui fait qu'il est député partout où il se trouve. Cette marche a été pour moi l'accomplissement de cette fonction. Pendant ce temps évidemment je continuais mon travail de député à distance, examinant et votant les textes grâce à certains de mes collègues. 

Cela m'a permis de beaucoup écouter et d'en retirer l'impression que notre pays a peur avec un sentiment qui va de la révolte à la résignation. Il existe encore quelques lieux bénis où l'on peut vivre d'une manière plutôt acceptable, des endroits qui n'ont pas été touché par la crise. Mais il y a des régions complètement désespérées : la Lorraine, le Nord, le Territoire de Belfort, le Creusot, l'Ardèche, la Lozère… Ce qui m'a frappé c'est que ce sont des endroits où les gens font semblant de vivre. Je raconte tout cela dans mon livre A la rencontre des Français. 

J'ai donc posé un acte de résistance à un système qui s'est imposé à nous sans qu'on l'invite. Même si on l'a pas beaucoup découragé ! D'une merveille, notre modèle s'est progressivement transformé en une dictature technocratique, capitaliste, sans cœur. Je ne veux pas me transformer en révolutionnaire patenté, mais force est de constater que la spéculation à outrance pour les bénéfices fait bien des ravages aujourd'hui, qu'on est face à des calculs qui n'ont aucun respect pour le citoyen et pour le peuple, face à un postulat de concurrence totalement effréné. 

Nous sommes pourtant dans un contexte ô combien difficile, et encore plus difficile pour nombre de ceux qui sont les plus fragiles. Pour supporter l'hystérie de ces temps, il faut être très costaud, et il est tentant dès lors de se méfier de tout, de toutes les situations et de tout le monde. Ce n'est pas la France que je veux.

Vous avez déclaré dans Causeur que la France avait perdu 750 000 entreprises en 10 ans. Quelles sont vos propositions pour que ces entreprises ne disparaissent plus ?

Il faudrait d'abord que l'on commence à s'en occuper ne serait-ce qu'un peu ! Et puis il ne serait pas inutile d'étudier les raisons pour lesquelles ces entreprises disparaissent. Il y a beaucoup d'entreprises qui sont noyées par le contexte difficile de notre société, par les contraintes comme par manque de soutien. Il faut les appuyer dans cette jungle redoutable. Il faut encourager les formations, si nécessaire, et c'est souvent le cas, car personne ne forme maintenant, surtout pas les entreprises. Il faut faciliter leur quotidien, ne pas les noyer dans les difficultés administratives, c'est essentiel pour ne pas les décourager. On avait des communes et on avait des départements. Il faut des commanditaires. La commune a été complètement détruite. C’est au sein de la commune que se joue la vie démocratique. La loi NOTRe est tout sauf une réforme, c’est une mise à mort.  Je veux reconstruire l'État qui est complètement décharné et désolidarisé. Il est comme un ver de terre. Tous les réseaux sont détruits ! Il n'y a plus que la gendarmerie nationale qui marche aujourd'hui. Donc moi j'ai besoin d'un État avec des prolongements qui aillent jusqu'au berger de mon village. Aujourd'hui tout cela est mort.

Vous réclamez une éducation "digne de Jules Ferry"? Qu'entendez-vous par cette référence ? Pensez-vous comme Vincent Peillon qu'il faut s'appuyer sur le fondateur de l'école gratuite et obligatoire pour promouvoir une "morale laïque" ?

Oui, une éducation telle que l'avaient voulues Jules Ferry et Jules Grévy. Même si les deux hommes se détestaient. Dans l'école on doit commencer par restaurer l'autorité de l'instituteur, qu'il soit respecté en tout lieu, que ce soit à l'école ou au sein de la Nation. Cette école, toute personne se trouvant sur le territoire de France est amené à la fréquenter. Chaque Français peut demander à la République une instruction gratuite, laïque, à la seule condition qu'il accepte d'apprendre en Français. 

Il faut que l'enfant qui entre à l'école puisse apprendre à lire, à écrire, à compter. Puisse apprendre au moins deux langues étrangères ou régionales. Et s'il le veut, il peut en apprendre trois. Moi j'en étais capable, donc il pourra y arriver ! 

Il faut également favoriser l’indépendance d’esprit dans un monde où les données sont disponibles partout et immédiatement. Pour ce faire, je souhaiterais que les jeunes bénéficient d’un enseignement qui leur permette de maîtriser les nouvelles technologies et non de les subir. Enfin, je propose notamment l’enseignement des arts martiaux. Les jeunes en retireront confiance en eux et équilibre. À mon sens, les arts martiaux véhiculent des valeurs fondamentales, l’humilité, l’abnégation, le respect de l’autre. 

Vous avez commencé cet entretien sur une note quelque peu négative : qu'est-ce qui vous donne encore envie de vous battre, qu'est-ce qui vous fait toujours croire que c'est possible ?

Les Français n’ont plus confiance en rien ni en personne. Ils attendent un signe d’espoir. Ne sombrons pas dans les ténèbres. Il fait nuit aux pays des Lumières mais chaque jour des êtres humains extraordinaires nous montrent qu’il est possible d’y croire encore !

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