J-7 pour acheter un aspirateur puissant... avant que Bruxelles ne vous en empêche pour des raisons absurdes<!-- --> | Atlantico.fr
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A partir du 1er septembre, les aspirateurs de plus de 1600 watts ne seront plus autorisés à la vente
A partir du 1er septembre, les aspirateurs de plus de 1600 watts ne seront plus autorisés à la vente
©REUTERS/Lucy Nicholson

Mauvaise idée

A partir du 1er septembre, les aspirateurs de plus de 1600 watts ne seront plus autorisés à la vente. Mais les économies d'énergie attendues pourraient ne jamais avoir lieu, puisqu'un aspirateur moins puissant sera souvent utilisé plus longtemps.

Raphaël  Homayoun Boroumand

Raphaël Homayoun Boroumand

Raphaël Homayoun Boroumand est Professeur d’économie à l’ESG Management School et chercheur affilié à la City University London. Il est également chargé d’enseignements en Formation Continue à l'université DAUPHINE. Expert du secteur de l’énergie et ancien économiste au CNRS-CIRED, Il a publié plusieurs articles scientifiques dans des revues académiques internationales. Il présente régulièrement ses travaux lors de conférences académiques internationales et intervient dans les médias sur le thème de l’énergie. Avant de rejoindre le secteur académique, Raphaël Homayoun Boroumand a travaillé plusieurs années comme consultant en stratégies d’entreprises dans des cabinets internationaux de conseil en management.  Docteur ès Sciences Économiques, diplômé d'un Magistère et d'un Master de Dauphine, Il est également titulaire d'un MBA américain, obtenu à Washington DC.

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Atlantico : A partir du 1er septembre, les aspirateurs qui dépassent 1600 watts seront interdits par une directive émanant de Bruxelles. Cette mesure permettra t-elle de faire des économies d'énergie conséquentes ? 

Raphaël Homayoun Boroumand :  Cette  mesure n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels l’Europe doit faire face en termes d’efficacité énergétique. Elle va s’avérer contre-productive puisqu’il existe une corrélation négative entre la puissance d’un aspirateur et sa durée d’utilisation. Au global, il n’y a donc aucune garantie d’économies d’énergies, alors même qu’il s’agit d’une priorité pour l’Europe.

Le projet va plus loin en expliquant que la puissance maximale des aspirateurs sera abaissée encore à 900 watts pour 2017, soit la moitié de certains aspirateurs actuels. Peut-on fabriquer des appareils fonctionnant avec 900 watts aussi efficaces que ceux de 1800 watts ?

Certains fabricants peuvent développer des technologies qui permettront à puissance plus faible de disposer d’appareils performants. La véritable question est ailleurs. Quel impact aura cette nouvelle directive sur un plan macroéconomique?

Prenons le cas de la France et de ses 20 millions de ménages. La puissance installée est de 63 Gigawatts. La directive propose de réduire de 1600 watts à 900 watts le plafond de puissance des aspirateurs, soit 700 watts d’économies. Si l’on prend comme utilisation moyenne une durée de deux heures par mois cela fera 2 watts d’économie par ménage. Au niveau global, cela fera environ 40 Mégawatts, soit moins de 0.07% de la puissance électrique installée. C’est un scénario "optimiste" car nous avons supposé que chaque appareil était utilisé à sa puissance maximale sur toute sa durée d'utilisation. Or, en moyenne, un aspirateur ne fonctionne pas 100% du temps à sa puissance maximale. Si l’on considère que le ratio est de 30%, alors ce ratio s’appliquera également aux économies d’énergies.

Les fabricants critiquent ces décisions en expliquant que les appareils seront moins puissants et donc utilisés plus longtemps. Qu'est-ce qui est le plus nocif pour l'environnement entre un appareil consommant beaucoup d'énergie utilisé pendant un court laps de temps et un appareil qui en consomment moins mais utilisé plus longtemps ?

Il est bien évident que cette mesure va entraîner des durées d’utilisations plus longues. In fine, cela sera plus nocif plus l’environnement. La directive sera alors contre-productive.

Les fabricants vont aussi devoir noter leurs appareils à l'aide des mesures énergétiques allant de A à G déjà présents sur plusieurs appareils électroménagers. Sont-ils de bons indicateurs de consommation d'énergie ? 

La directive va compliquer la tâche des fabricants et des distributeurs (points de ventes). Elle va accroître ce que les économistes appellent "les coûts de transaction". La multiplication des sigles va réduire la lisibilité/transparence des prix et risque d’entraîner une hausse des prix de certains appareils pour une performance énergétique supposée. La mesure est donc inutile et potentiellement négative sur le pouvoir d’achat.

L'accumulation de directives imposées par Bruxelles permet-elle de mener une politique environnementale efficace ? 

L’Europe a besoin d’une politique énergétique cohérente avec des objectifs environnementaux clairs et réalistes. L’accumulation de directives n’est pas à la hauteur des enjeux en termes d’économies d’énergies. Il faut sensibiliser les ménages européens sur leur consommation d’énergie en déployant massivement les compteurs communicants  (les fameux « smart meters ») afin de permettre aux consommateurs de modifier leurs usages à partir de mécanismes contractuels incitatifs pour l’effacement. Cela permettra de réduire la consommation d’électricité et de renforcer la sécurité du système électrique européen en période de tension entre l’offre et la demande. Le développement à l’échelle européenne des Certificats d’Economies d’Energie (ou CEE, C2E, certificats blancs) constitue également un  levier efficace.

Il serait dommage que l’Europe soit pionnière mais non leader en matière d’efficacité énergétique. Elle doit s’engager dans une transition énergétique cohérente sans chercher à mettre en place des directives dont l’utilité n’est nullement démontrée.

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