J-1 pour Rosetta : dans les coulisses du centre européen des opérations spatiales avant que la sonde ne largue le robot Philae sur la comète 67<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mercredi 12 novembre, la sonde Rosetta lâchera l'atterrisseur Philae sur la tête de la comète 67 P.
Le mercredi 12 novembre, la sonde Rosetta lâchera l'atterrisseur Philae sur la tête de la comète 67 P.
©Esa

Sous pression

Selon la communauté scientifique, il s'agit de l'une des plus grandes manœuvres spatiales de l'histoire humaine.

Au centre européen des opérations spatiales, à Darmstadt en Allemagne, la tension est à son comble. Et pour cause, mercredi 12 novembre, les ingénieurs de l'Agence Spatiale Européenne procéderont pour la première fois à une tentative d'atterrissage d'une sonde sur la surface d'une comète. Il s'agit de l'une des plus grandes manœuvres spatiales de l'histoire humaine.

A 9h45, heure française, ils commenceront à détacher l'atterrisseur Philae de la sonde Rosetta pour le poser sur la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko d'une dimension maximale de 5,4 km sur 4,1 km. La descente devrait prendre sept heures et interviendra après un voyage de plus de dix ans et de 6,5 milliards de km au cours duquel Rosetta a suivi la comète à travers l'espace. Les scientifiques espèrent que les données recueillies par Philae à la surface de la comète leur permettront d'avoir un aperçu de ce à quoi ressemblait le monde à la naissance du système solaire, il y a 4,6 milliards d'années.

Ci-dessous un aperçu du centre de contrôle à Darmstadt

En attendant, ils sont sur le pied de guerre, surexcités. "Cela, pour moi, c'est un rêve merveilleux qui devient réalité. Rien que d'y penser, j'en ai les larmes aux yeux", confie Paolo Ferri, directeur de la mission, au Daily Mail. "Vous avez passé beaucoup de votre temps dans des situations bizarres (avec Rosetta), travaillant le week-end et recevant des appels au beau milieu de la nuit. Si cela n'est pas similaire avec une relation avec une humain, ça en est très proche." Superstitieux, Paolo Ferri sait déjà ce qu'il portera le 12 novembre : la même cravate que lors du lancement de Rosetta, le 2 mars 2004.

Par ailleurs, l'équipe a prévu depuis longtemps ce qu'elle mangera le jour J : des cacahuètes. "On a découvert que les gens de la Nasa mangeaient des cacahuètes toute la journée quand ils devaient s'occuper d'une mission spéciale. Si elle devient problématique, il y aura toujours des cacahuètes sur la table", explique José-Luis Pellon Bailon, l'un des huit ingénieurs responsables de la descente de Philae. Aussi étrange qu'ils puissent paraître, ces rituels sont censés calmer les nerfs des ingénieurs alors qu'ils effectuent des manœuvres complexes.

Car, mercredi 12 novembre, l'exercice sera tout sauf simple. "Imaginez que le Mont Blanc est la comète", raconte Paolo Ferri. "Vous volez avec un vaisseau spatial à 22 km d'altitude (deux fois l'altitude d'un avion normal). A un certain moment vous devez lâcher une boite et espérer qu'elle atterrisse sur la montagne dans un km carré précis".

Ci-dessous Paolo Ferri en pleine conversation avec le scientifique Mark McCaughrean. 

A sa descente, Philae se déplacera à précisément 0,95 mètre par seconde et devra atteindre un point très précis, la surface de 67P étant composée de falaises et de profonds cratères. Les scientifiques visent un point appelé Agilika, situé sur le plus petit lobe de la comète à double noyau. "Nous n'avons pas observé d'activité de la comète de nature à compromettre l'atterrissage de Philae au site J et l'Esa maintient donc naturellement son premier choix. Non seulement, parce qu'il offre une trajectoire de descente plus sûre, mais aussi parce que, d'un point de vue scientifique, il permettra une étude plus poussée du noyau de 67P/Churyumov-Gerasimenko", avait expliqué Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du système solaire au Centre national d'études spatiales, il y a un mois.

Au cours de l'opération, les signaux de Rosetta et Philae mettront 28 minutes et 20 secondes pour arriver au centre de contrôle, le temps nécessaire pour parcourir les 510 millions de km qui séparent la sonde de la Terre. "C'est difficile car vous commandez quelque chose dont vous voyez les réactions presque une heure plus tard", explique José-Luis Pellon-Bailon. "Si nous atterrissons, tout le monde sera très ému". "Je compare toujours ça à un orchestre", renchérit Paolo Ferri. "Chaque personne est maitre de son instrument mais nous devons nous entrainer à jouer ensemble". Afin d'être mieux préprarée au stress de l'opération, l'équipe est régulièrement soumise à des tests de simulation. "Dans ces cas-là, je pense que c'est réel. Je suis excité, je transpire et je suis très bon à cela. Mais il arrive que les gens deviennent fou pendant les simulations, or dans la vraie vie on ne peut pas se permettre de perdre le contrôle".

S'il n'est pas du genre à paniquer, Paolo Ferri avoue avoir peur. Non pas que Philae s'abime au cours de sa descente mais qu'il ne puisse pas envoyer de signal. "Cela serait tellement décevant. La mission d'atterrissage prendrait court mais nous ne saurions même pas pourquoi."

Le 12 novembre, la sonde Rosetta relâchera l'atterrisseur Philae à 09:35 heure française depuis une altitude de 22,5 km sur la comète 67 P Churyumov-Gerasimenko nommée après les astronautes Klim Ivanovych Churyumov et Svetlana Ivanovna Gerasimenko qui l'ont identifiée en 1969. Pendant la descente, deux des dix instruments de l'atterrisseur seront activés. La caméra Rolis pour photographier le site d’atterrissage et Consert pour avoir des échos radar afin de vérifier si la descente s’est bien passée, explique le site de Futura-Sciences.

Au cours de sa descente, Philae prendra des images et effectuera des expériences scientifiques à partir de la poussière, des gaz et du plasma collectés dans les environs de la comète. Les premières images devraient arriver sur Terre quelques heures plus tard.

Dès que le train d'atterrissage détectera l'impact sur le sol, le propulseur à gaz froid (Active Descent System) s'activera pour empêcher que Philae ne rebondisse ou ne se renverse. Par ailleurs pour s'ancrer au sol de la comète, le robot, qui n'y pèsera plus qu'un gramme, utilisera deux harpons lancés l'un après l'autre. Leur fil d'attache sera mis sous tension pour attacher complètement l'atterrisseur à 67 P.

Une fois arrivé à bon port, Philae prendra un cliché panoramique des alentours. Là encore, les images devraient mettre plusieurs heures pour nous parvenir. Puis, le robot commencera les expériences sur la surface de la comète. Celle-ci dureront 64 heures, en raison du temps de vie de la batterie de l'engin. Son travail à long terme dépendra de la capacité des batteries à se recharger.

En mars 2015, 67P devrait commencer à se rapprocher du soleil. Aussi, les températures de sa surface deviendront trop élevées pour Philae qui devra alors arrêter sa mission. Toutefois, la mission d'orbite de Rosetta, elle, continuera. La sonde accompagnera la comète et examinera l'augmentation de son activité, au fur et à mesure qu'elle se rapprochera du soleil avant de suivre son trajet inverse vers l'extérieur du système solaire.

Mercredi, Philae devrait atterrir à 16h34 GMT mais c'est seulement à 17h00 que l'Agence Spatiale européenne saura si elle a réussi. Si l'enjeu est de taille, Paolo Ferry tient à relativiser. Car même si l'équipe échoue à faire atterrir Philae, la mission a déjà atteint son objectif principal. "Nous devons nous souvenir que même si cet atterrissage est spectaculaire il ne représente qu'une petite partie de la mission." "Quoi qu'il se passe, les données de Rosetta ont déjà réécrit l'histoire de notre système solaire".

Raphaëlle de Tappie 

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