Israël : Ce qui se cache derrière le déclenchement de la guerre de Simhat Torah (et les tsunamis qu’elle prépare)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le bouclier anti-missile Israélien, photo AFP
Le bouclier anti-missile Israélien, photo AFP
©JACK GUEZ / AFP

Répercussions et réponses

Samedi 7 octobre 2023, Israël a fait l'objet d'un assaut en provenance du Hamas. Des milliers de roquettes ont été tirées et des combattants se sont infiltrés sur le territoire. Ils ont pris plusieurs civils en otage. Les combats continuent ce lundi.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Atlantico : Israël a vécu le 7 octobre 2023 des attaques au terrible bilan humain. Un choc historique à la hauteur du 11 septembre 2001 ou de la guerre du Kippour en 1973. Comment comprendre ces attaques ? Comment ces attaques s’inscrivent-elles dans un contexte international beaucoup plus large que ce qui se passe à Gaza ou en Cisjordanie ?

Dov Zerah : En lançant une opération de très grande envergure sur terre, sur mer et dans les airs, le HAMAS poursuit plusieurs objectifs :

  • Récupérer leurs prisonniers dans les prisons israéliennes. Au-delà de cet objectif officiel affiché, il est possible de repérer plusieurs objectifs cachés.

  • Torpiller la perspective d’un accord entre Israël et l’Arabie saoudite. La première réaction du Prince héritier, Mohammad ben SALMANE, condamnant Israël laisse présager une remise en cause de cet accord. Néanmoins, il est vraisemblable qu’il s’agit d’une déclaration de circonstances tant l’intérêt de la Mecque pour cet accord est primordial.

  • Profiter de la situation intérieure israélienne traversée de fractures avec le sujet de la réforme judiciaire ; depuis un an, les échanges entre responsables politiques et citoyens israéliens étaient violents, les manifestations rassemblaient des dizaines de milliers de personnes… et, circonstance aggravante, des volontaires ont refusé de faire leurs périodes de réserve… Ces divisions ont probablement été interprétées comme un signe de faiblesse. Néanmoins, dès les premières alertes, tous les réservistes se sont rendus à leur centre, les citoyens se sont rendus en grand nombre dans les hôpitaux pour donner leur sang… Toute la société s’est mobilisée.

  • Saisir l’opportunité ouverte par les manifestations de faiblesse de l’Occident : destitution du Président du Congrès américain, remise en cause tant en Europe qu’aux États-Unis de l’aide à l’Ukraine, invasion du Haut Karabakh par les Azéris, tensions au Kosovo… La concomitance de tous ces événements laisse présager une volonté coordonnée de POUTINE, d’ERDOGAN et de KHAMENEI de marquer des points, de bousculer les frontières…

  • Commémorer la guerre du Kippour déclenchée le 6 octobre 1973 à un jour près pour opérer Chabat et profiter du jour de congé et de l’absence des militaires de leurs bases.

Pour la première fois depuis plusieurs décennies, le mot guerre a d’ailleurs été employé par Benjamin Netanyahu. Israël était fracturé politiquement comme humainement depuis la formation du gouvernement Netanyahu en place. À quel impact politique domestique s’attendre Quelles conséquences à court terme peut-on imaginer ?

Cette guerre va entraîner des conséquences importantes en Israël à court et moyen terme. On peut même prévoir un véritable tsunami.

Tout d’abord par l’importance des morts. 600 morts, plus de 100 otages civils et militaires, 2 000 blessés dont un tiers dans un état grave. Certes, en 1948-1949 au cours de la guerre de libération, il y a eu près de 5 000 morts, en 1973 pendant la guerre du Kippour, il y a eu plus de 2 500 morts, mais ce ne fût pas sur un jour ! Par ailleurs, le décompte actuel n’est pas clos car la guerre est loin d’être terminée. Néanmoins le bilan actuel permet de mesurer le choc subi par les Israéliens. Celui peut être apprécié avec deux autres comparaisons ; en proportion de la population, c’est comme si les États-Unis avaient enregistré, lors du 11 septembre, 22 000 au lieu des 3 000 morts, les victimes du Bataclan auraient été de 660 au lieu de 90 !

Les incroyables défaillances des services de renseignement vont inévitablement conduire à la création d’une commission d’enquête, comme après la guerre du Kippour. Sans évoquer l’affaire LAVON, chaque fois qu’Israël a eu à faire face à une crise de cette nature, il y a eu des conséquences politiques. Certaines commencent à courir sur les difficultés du chef d’état-major à rencontrer le premier ministre.

La perspective d’un gouvernement d’urgence nationale ou d’union nationale est de plus en plus crédible. Dans un 1er temps, Yaïr LAPID a marqué sa volonté de constituer un gouvernement d’union nationale à trois, le Likoud de Benjamin NETANYAHU, Kahol Lavan de Benny GANTZ, et son propre parti, Yesh Atid de Yaïr LAPID, ce qui aurait entraîné l’éviction des deux partis extrémistes de Itamar Ben GVIR et Betsalel SMOTRICH. Benjamin NETANYAHU a refusé, car il considère que son gouvernement a une majorité au Parlement et sa remis en cause aurait créé une crise politique ; il a, en revanche, proposé à GANTZ et LAPID de recourir à la formule mise en place en 1967 juste avant la guerre des six jours, à savoir rajouter des ministres sans portefeuille mais participant au cabinet restreint qui prend toutes les décisions sécuritaires.

Dans l’attente de cette éventuelle évolution politique, pour le moment, les préoccupations portent sur la sécurisation de toutes les localités occupées par les terroristes du Hamas, et plus généralement du sud du pays, la remise en état de la barrière de sécurité, la recherche des cellules dormantes, et la réaction… Certes, les otages civils et militaires qui seraient plus d’une centaine, vont accaparer les esprits même si leur récupération est peu vraisemblable sauf à libérer tous les prisonniers palestiniens et à se constituer une véritable bombe à retardement.

La réaction va être violente, car Israël doit remporter une victoire nette, flagrante pour décourager toute nouvelle initiative de ce type. Elle sera totalement différente de celles connues depuis une dizaine d’années, à savoir une sorte « de jeu de chat et de la souris », attaques de roquettes interceptées par le « dôme de fer » auxquelles Israël répondait par des bombardements et évitant de rentrer avec des troupes dans Gaza. Hier soir, à la télévision israélienne, certains n’hésitaient pas à dire « arrêtons de parler occidental. Parlons arabe »

Il est encore trop tôt pour savoir si le Gouvernement se fixera l’objectif d’éliminer les dirigeants du Hamas. La réaction devra arbitrer entre d’une part la rapidité pour essayer de récupérer les otages dans les plus brefs délais et d’autre part prendre son temps pour éviter un embrasement au Nord avec le Hezbollah, à Jérusalem, voire dans les villes arabes israéliennes…

Au regard de la surprise qu’a représentée cette offensive du HAMAS, peut-on dire que les Israéliens se sont endormis sur les lauriers de la certitude de leur supériorité militaire ? Ou peut-être que le doute qui habite le pays sur sa propre nature depuis la montée en puissance de l’extrême-droite -comme on l’avait vu sur la mise en retrait de certains réservistes par exemple- aurait fragilisé les structures mêmes de l’Etat ?

Oui, les Israéliens, comme en 1973, ont pêché par excès de confiance dans le dôme de fer (dont on sait parfaitement que le système peut être saturé par un envoi simultané de nombreuses roquettes), la solidité de la barrière de sécurité (alors que depuis plusieurs mois tant celle séparant Israël de Gaza que celle à l’est laissaient apparaitre des failles) …

Oui, très probablement, la situation politique a fragilisé les structures étatiques, mais l’apparition du danger semble momentanément gommer les différences, les oppositions.

Pensez-vous que les Palestiniens de Cisjordanie vont aussi se sentir en guerre ? Quid par ailleurs des Arabes israéliens ? Ce 7 octobre 2023 porte un potentiel de dérapage beaucoup plus large dans le cadre de la confrontation grandissante entre démocraties occidentales et régimes autoritaires ?

Une extension du conflit au Hezbollah est possible et pourrait entraîner une confrontation avec l’Iran. Il est fort probable que la HAMAS ait bénéficié d’un appui logistique, technique du Hezbollah et de l’Iran (certains évoquent une attaque cybernétique qui aurait paralysé les communications et expliquerait certaines des défaillances). Cela pourrait conduire l’État juif Israël à saisir l’opportunité de frapper les sites nucléaires iraniens… Dans ce cas de figure, la boîte de Pandore serait ouverte et le Proche Orient serait connecté avec tous les conflits existants ou potentiels en Europe et en Asie.

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