Israël accusé de génocide à La Haye : le piège tendu par les régimes autoritaires se referme sur les démocraties<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Stéphane Séjourné a déclaré en substance que la France ne respecterait pas le droit international dans l’hypothèse où Israël était condamné pour génocide.
Stéphane Séjourné a déclaré en substance que la France ne respecterait pas le droit international dans l’hypothèse où Israël était condamné pour génocide.
©Menahem KAHANA / AFP

Droit international

Stéphane Séjourné a déclaré en substance que la France ne respecterait pas le droit international dans l’hypothèse où Israël était condamné pour génocide.

Jean-François Cervel

Jean-François Cervel

Jean-François Cervel est inspecteur général de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) honoraire.

Voir la bio »

Atlantico : A l’occasion des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, ce mercredi, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a répondu à une question de Danièle Obono, députée La France insoumise, qui lui demandait pourquoi la France s’était refusée à soutenir les accusations de génocide contre le peuple palestinien à Gaza, portées par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ). Stéphane Séjourné a déclaré en substance que la France ne respecterait pas le droit international dans l’hypothèse où Israël était condamné pour génocide. Ne fallait-il pas mieux attendre la décision de la Cour internationale de la Haye avant de se prononcer sur ce dossier ? Cela ne fragilise-t-il pas les positions des puissances occidentales comme la France vis-à-vis du piège tendu par certains régimes autoritaires sur le respect du droit international ?

Jean-François Cervel : Stéphane Séjourné a rappelé la nécessité de faire respecter les règles de l'Etat de droit et qu’elles soient appliquées pour les Palestiniens et pour les Israéliens. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a aussi plaidé pour l’arrêt des bombardements indifférenciés et indiscriminés sur la bande de Gaza. Il est préjudiciable de dire par avance que la France ne respectera pas les décisions de la Cour internationale de justice. Les pays européens ont poussé à la création de cette cour. Il faut donc évidemment respecter les positions qu'elle adopte et les décisions qu’elle prend. Mais la difficulté dans ce dossier, selon Stéphane Séjourné, concerne le fait de qualifier l’action de l’armée israélienne comme un « génocide ». Il est disproportionné de comparer le génocide de la Shoah et les conséquences d’une guerre sur la population, même si elles sont excessives par rapport à l'objectif militaire recherché.

Des dérapages sont à craindre et Stéphane Séjourné a tenu à les dénoncer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Cette question doit être tranchée sur le plan juridique quant à la définition précise du mot "génocide". Tout ne peut etre qualiifié de génocide.

Le sort des Palestiniens préoccupe peu certains pays qui souhaiteraient poursuivre Israël pour génocide. Ils souhaitent surtout montrer l’hypocrisie des démocraties libérales qui entendent imposer le respect du droit international au reste de la planète mais qui démontrent qu’elles ne le respectent pas elle-même lorsque les décisions des institutions internationales contreviennent à leurs propres valeurs ou à certains pays alliés comme Israël. Qu’est-ce qui explique cet état de fait et cette position des pays du Sud ?

Il n'est pas anodin que le recours contre Israël devant la Cour internationale de justice ait été déposé par l'Afrique du Sud et qu'il soit soutenu par exemple par la Namibie. Le président namibien a d’ailleurs fait une référence à l'histoire de l’apartheid en Afrique du Sud et à l’impact de la colonisation en Afrique, notamment le génocide conduit par les Allemands lorsqu'ils ont conquis ce territoire. Les différents pays qui ont accumulé une rancœur vis-à-vis de la colonisation concentrent leurs griefs sur Israël et non plus sur les pays européens. Ces pays sont sensibles au sort des Palestiniens vis-à-vis d’Israël et aux débats sur la colonisation des territoires palestiniens.

Il y a une vraie sensibilité, liée au sujet de la colonisation, de la discrimination vis-à-vis des populations, de l’apartheid en Afrique du Sud, par rapport au symbole représenté par les Palestiniens.

Mais un grand nombre de pays hostiles à l’Occident se moquent bien de la situation des Palestiniens. En dénonçant les positions d’Israël et en critiquant le droit international, ils saisissent toutes les opportunités qui peuvent affaiblir le camp occidental. La guerre entre Israël et le Hamas constitue, par conséquent, une aubaine pour certains pays qui en profitent pour dénoncer les Occidentaux, pour critiquer le soutien systématique des Américains envers Israël.

Mais les puissances totalitaires, notamment l'axe composé de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Iran, exploitent ce contexte et dénoncent le soutien à Israël. Ils utilisent cela comme un instrument d’attaque contre  les pays occidentaux et notamment des Etats-Unis.

Comment échapper le mieux possible au piège tendu par les régimes autoritaires qui se referme sur les démocraties et qui montre les paradoxes des puissances occidentales sur cette décision ?

Le monde est dans une situation de conflits de puissances et de conflits de systèmes. L’un des conflits emblématiques à l’heure actuelle concerne celui entre les Etats-Unis et la Chine. Toute une série de pays comme la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord ont pour objectif de vaincre l'Occident et de détruire le système de valeurs occidentales. Ces nations utilisent tous les moyens possibles pour mettre en œuvre ce projet. Un sujet comme la crise israélo-palestinienne qui n'a pas été réglé depuis, depuis maintenant 80 ans, depuis la création de l'Etat d'Israël, constitue une aubaine pour les régimes autoritaires. Cela permet de mobiliser toutes les nations qui ont eu à subir la colonisation.

Les contradictions en Europe sur le conflit israélo-palestinien ont été exploitées pour fragiliser l'Occident. Les Chinois n’ont pas eu pour habitude de beaucoup se soucier des Palestiniens mais le conflit à Gaza et ses conséquences permettent d'affaiblir les Occidentaux aux yeux des régimes autoritaires.

Sera-t-il de plus en plus complexe pour les puissances occidentales de faire respecter le droit international dans ce contexte, notamment pour Taïwan et la Chine ?

Le cas de Taïwan est très particulier en termes de droit international. Il faut le replacer par rapport à la situation de Hong Kong. Pour ce territoire, un traité avait été signé avec le Royaume-Uni. Quand les Anglais ont quitté Hong Kong, cet accord stipulait que Hong Kong serait un territoire protégé dans le cadre d'une logique un pays, deux systèmes. Ce système devait perdurer jusqu'en 2043. Mais les Chinois ont décidé finalement d’annexer Hong Kong de manière définitive et brutale, parce qu’il y avait des mouvements de démocratisation et de libéralisation qui se développaient et que la Chine était farouchement hostile à cela. Les Chinois ont clairement violé le droit international lors de cette crise et pourtant personne n’a vraiment réagi. Le Royaume-Uni, qui était pourtant le signataire de cet accord, n'est pas intervenu pour empêcher les Chinois d'annexer Hong Kong. La Chine a imposé sa volonté par la force. Cette stratégie pourrait être aussi déployée par la Chine concernant Taïwan. La Chine ne se préoccupe pas de la dimension de liberté, de la démocratie ou du respect de la volonté des populations taïwanaises telle qu'elle a été exprimée dans les élections de la semaine dernière.

Il s’agit donc bien de l'affrontement de systèmes à travers la dénonciation de toutes les valeurs occidentales. Cela a déjà été le cas avec la Russie qui a décidé d’envahir l'Ukraine car elle ne souhaitait pas que l'Ukraine devienne un pays de démocratie libérale.

Taïwan pourrait peut-être rejoindre la Chine mais quand celle-ci sera devenue une démocratie libérale et que les populations taïwanaises en auront décidé par un vote libre.  Il s’agit donc bien d’une question politique et non d’une question de droit.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !