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L'Islande invente
la "Wiki-Constitution"
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Démocratie 2.0

Les autorités islandaises révisent la Constitution de 1944 en engageant les citoyens dans le processus. Toute personne peut soumettre ses suggestions, notamment via Facebook et Twitter. Manière pour la population de s'approprier le projet, et pour le gouvernement de ne pas passer à côté de l'idée toute simple et absolument géniale.

Xavier Philippe

Xavier Philippe

Xavier Philippe est Professeur de droit public à l'Université Paul Cézanne­-Aix-Marseille. Il est aussi depuis 2008 directeur de l’Institut Louis Favoreu - Groupe d'études et de recherches sur les juridictions constitutionnelles comparées.

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Atlantico : Que pensez-vous de cette « Constitution participative » islandaise ?

Xavier Philippe : Il faut faire attention aux termes employés. Précisons qu'une « Constitution participative » peut aussi définir un mode de gouvernement qui associe tous les partis représentés au Parlement.

En ce qui concerne le cas de l'Islande, il s'agit d'associer l’opinion publique  à l’écriture de la Constitution. Ce n’est pas une nouveauté. La nouveauté correspond à l’utilisation de Facebook ou Twitter pour faire participer le public. Ça c’est nouveau et c’est très intéressant.

Mais j’ai moi-même participé modestement à la rédaction de la Constitution sud-africaine en 1996 où il existait déjà la possibilité d’envoyer par SMS des propositions, une hotline permettait de faire participer le public, on pouvait voir des publicités sur les bus, on avait même demandé à Nelson Mandela de faire une publicité pour la télévision sur ce sujet. Il est certain que pour cette nation qui voyait la fin d’une grande crise, cette participation du peuple fut l’occasion de s’approprier la Constitution.

Dans le cas islandais, l’utilisation des nouveaux moyens de communication pour créer le texte constitutionnel est une idée originale qui peut donner un certain nombre de résultats positifs : de nombreuses personnes peu au fait de la façon dont on rédige une constitution peuvent avoir des idées simples, mais géniales auxquelles les constitutionnalistes n’auront pas forcément pensé. En effet, contrairement à ce que l’on peut croire, dans une assemblée constituante, on se focalise quelques fois sur des détails techniques en perdant de vue l’idée simple qui résout un certain nombre de problèmes auxquels on ne pense pas nécessairement. Surtout, cela peut permettre à la population de s’approprier le projet.

Bien-sûr, l’inconvénient c’est qu’à force de faire participer tout le monde, vous risquez d’avoir tellement d’idées que si le processus n’est pas canalisé dans un cadre précis, il existe un risque que cela parte dans tous les sens…


L’utilisation de Facebook ou Twitter aurait-il pu aider à rédiger la « Constitution » européenne qui a été finalement rejetée ?

En ce qui me concerne, je pense qu’au moins partiellement, la raison du rejet de ce texte ne tenait pas à son contenu, mais à son appellation. Si on l’avait appelé « Traité constitutif moderne des nouvelles institutions européennes », je pense que ce serait passé.  Mais le fait qu’on l’ait appelé « constitution » a semé le doute dans les esprits…

Toutefois, lancer un système de consultation correspond finalement peu ou prou à ce qu’avait fait Valéry Giscard d’Estaing qui présidait la Convention : il voulait consulter tout le monde. Seulement, à l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas encore...

Dans le cas islandais, les contributions populaires tiennent davantage dans l’idée que dans la formalisation de l’idée. Le peuple islandais ne prétend a priori pas écrire le texte de la Constitution. Il participe en donnant des idées.


En France, un tel processus pourrait-il fonctionner ?

Pourquoi pas ? Mais, vous savez, en France, on a une manie qui consiste à croire que les citoyens sont les plus mal placés pour parler de leurs institutions, alors on ne leur demande jamais leur avis ! Quand on le leur demande, c’est que le projet est déjà bouclé…

Mais si l’on prend, à une autre échelle, le projet du Grenelle de l’environnement, par exemple, où l’on a demandé au public de participer, cela a été un demi-succès. Restons toutefois honnêtes : il y a dans cette participation une bonne part de communication pour « faire passer » les choses.

Quoi qu’il en soit, quand vous faites une Constitution, il faut que tout le monde soit d’accord. Dans ce cadre, le processus employé en Islande, qui utilise des moyens modernes, permet de gagner la sympathie des gens, en toute simplicité. C’est donc plutôt une bonne chose.

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