"Islamophobie" : l’arme peaufinée au coeur de la stratégie des Frères musulmans pour se déployer en Europe <!-- --> | Atlantico.fr
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Une campagne de l'Union européenne sur l'avenir de l'Europe à l'occasion de la Conférence sur l'avenir de l'Europe du 11 au 13 février 2022.
Une campagne de l'Union européenne sur l'avenir de l'Europe à l'occasion de la Conférence sur l'avenir de l'Europe du 11 au 13 février 2022.
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Bonnes feuilles

Florence Bergeaud-Blackler publie « Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête » aux éditions Odile Jacob. Ce livre décrypte la stratégie du mouvement islamiste issu de l’internationalisation du mouvement des Frères musulmans. Florence Bergeaud-Blackler montre comment il étend son emprise au cœur même des sociétés européennes en s’appuyant sur leurs institutions ou en subvertissant les valeurs des droits de l’homme. Extrait 1/2.

Florence Bergeaud-Blackler

Florence Bergeaud-Blackler

Florence Bergeaud-Blackler est anthropologue, chargée de recherche au CNRS dans le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités. Paris Sciences et Lettres Université (PSL University).

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Bien qu’à l’origine le Conseil de l’Europe fasse partie du processus de construction européenne, il ne faut pas le confondre avec le Conseil européen de l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale qui rassemble quarante-sept États membres, depuis l’Europe de l’Ouest jusqu’à l’extrémité orientale de la Russie, et du Groenland à l’Azerbaïdjan en passant par la Turquie. Bien que composés d’États démocratiques aussi bien que d’États autoritaires, il a pour buts de défendre et de diffuser les droits de l’homme, la prééminence du droit, la stabilité démocratique en Europe et « l’identité culturelle de l’Europe et de sa diversité ».

Le quartier général du COE est basé à Strasbourg, où siègent un Conseil des ministres, une assemblée parlementaire, une Cour européenne des droits de l’homme, une Conférence des ONG qui représentent officiellement « la voix » de la société civile au Conseil. Le Conseil de l’Europe enfin se veut garant du droit et de la démocratie, bien qu’il ne soit pas lui-même un organisme démocratiquement élu : les citoyens des pays membres sont « représentés » par le biais d’une sélection d’ONG.

La relation qu’entretient le COE avec les religions, en général, est une relation de partenariat. Ainsi le COE affirme que « les religions peuvent jouer un rôle social bénéfique », et recommande aux États membres d’« encourager les organisations religieuses à favoriser activement la paix, la tolérance, la solidarité et le dialogue interculturel ». Il préconise d’exiger d’elles « la transparence de leurs objectifs statutaires, de leurs dirigeants, de leurs membres et de leurs ressources financières ». En plus d’appeler à établir des liens entre les structures organisationnelles des communautés religieuses et les États, le COE incite les États à s’adresser directement aux communautés religieuses et par exemple à « établir également des contacts politiques directs avec les musulmans en tant que citoyens à part entière ». « Les musulmans sont chez eux en Europe, où ils sont présents depuis des siècles », affirme une résolution du Conseil de 2010 faisant référence à une recommandation de 1991 sur « la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne ».

Chaque attaque faite au nom de l’islam par l’islamisme entraîne ce type de déclaration solennelle. En 1991, alors que les manifestations pacifistes se multiplient à l’encontre de la guerre menée par le président Bush père contre l’Iraq à l’appel du Koweït et de l’Arabie saoudite, le COE veut prouver toute sa bonne volonté d’apaisement à l’égard des pays musulmans. Il affirme dans un élan de générosité assez peu mesuré que la « nouvelle Europe » est de plus en plus influencée par l’islam en raison de l’immigration, que « les trois religions monothéistes partagent les mêmes racines historiques et culturelles, et reconnaissent les mêmes valeurs fondamentales, notamment l’importance primordiale de la vie et de la dignité humaines, la capacité et la liberté d’exprimer ses pensées, le respect d’autrui et de la propriété d’autrui, l’importance de l’aide sociale ». Le COE semble si convaincu de cela qu’il n’hésite pas à sermonner les musulmans pour les appeler à s’opposer à l’islam politique : « l’islam est une religion qui prône la paix. Les musulmans devraient être les premiers à réagir avec consternation et à s’opposer à l’utilisation que les terroristes ou les extrémistes politiques font de l’islam ». Le COE semble tellement persuadé que toutes les religions européennes, dont l’islam, partagent les mêmes valeurs que, constatant que le droit à l’égalité des femmes musulmanes n’est pas respecté dans l’« interprétation traditionnelle de l’islam qui nie l’égalité entre hommes et femmes », il en impute la cause à la fois à l’islamisme radical et à l’islamophobie : « Aucun relativisme religieux ou culturel ne saurait être invoqué pour justifier des violations de la personne humaine. L’Assemblée parlementaire exhorte donc les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour éradiquer l’islamisme radical et l’islamophobie. » Le voilement serait donc, selon le COE, une conséquence de l’islamophobie. Sur la question du voile intégral, le COE se positionne de façon confuse pour une restriction du niqab dans l’espace public, tout en le déplorant au motif que « l’interdiction générale du port de la burqa et du niqab dénierait aux femmes qui le souhaitent librement le droit de couvrir leur visage ». En bref, il se positionne pour une restriction et en même temps contre une interdiction générale qui « pourrait avoir un effet contraire ». Le COE va jusqu’à inviter l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Icesco) –  dont nous avons vu précédemment la très explicite inspiration séparatiste – à « lutter contre l’islamisme et l’islamophobie ». Il n’est pas étonnant dans ce contexte de trouver parmi les ONG avec qui le COE travaille régulièrement des organismes de promotion du frérisme, comme le Femyso et l’ENAR.

Comment expliquer l’opinion irénique et la position ambiguë du COE à l’égard des religions en général et de l’islam en particulier ? Se  loge-t-il dans une volonté d’équilibrer les différentes libertés fondamentales de la déclaration des droits humains ? On peut en effet s’interroger puisque la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) affirme deux libertés fondamentales :

– d’un côté, la liberté de conscience et de religion est reconnue comme un droit fondamental en vertu de l’article 18 de la DUDH : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » ;

– d’un autre côté, la liberté d’expression est également un droit fondamental qui s’appuie sur l’article 19 de la DUDH, lequel pose que « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions ».

En réalité ces deux droits présentés comme s’opposant, et donc devant s’équilibrer mutuellement, ne s’opposent pas. La liberté d’expression n’a jamais entravé le droit à la liberté de conscience ou de religion. À l’inverse, des religions ont, dans bien des circonstances et depuis des siècles, cherché à limiter l’expression publique et le droit à la liberté d’expression.

Cette limitation se poursuit aujourd’hui sous des formes plus subtiles. Une religion ne pouvant pas exiger directement la limitation de la liberté d’expression, elle utilise le subterfuge de l’offense faite aux croyants. Les formes dévotes des religions fondamentalistes en particulier tentent de faire reconnaître par le droit et les hautes cours de justice une « sensibilité » particulière des croyants (Favret-Saada, 2015). Cette stratégie a été utilisée avant l’islam par les mouvements catholiques intégristes. À partir des années 1980, des groupes de dévots ont commencé à prétendre que leur liberté religieuse était entravée par la liberté d’expression, car cette dernière « blessait leur sensibilité religieuse ». Cette nouvelle arme sémantique, « la sensibilité des croyants », permettait d’incriminer la liberté d’expression suspecte de limiter la liberté de religion. Cette stratégie a abouti à donner droit à des revendications collectives au nom de la religion, et à menacer la liberté même de création par censure ou par autocensure. C’est d’ailleurs ce risque d’autocensure que le journal danois Jyllands-Posten a voulu tester en 2005 en demandant aux membres du syndicat des illustrateurs de presse de dessiner Mahomet « comme ils le voient ». Douze dessinateurs ont envoyé leurs dessins, publiés le 30 septembre 2005. On connaît les conséquences de leur publication : un boycott mondial du Danemark accusé d’islamophobie, des menaces de mort, des morts dans des manifestations de foules, etc. Le récit détaillé et circonstancié que fait Jeanne Favret-Saada de l’affaire des caricatures danoises révèle les mécanismes de cette nouvelle censure mondialisée d’une étendue et d’une puissance inégalées dans l’histoire. La crainte de l’« offense au croyant » suscite désormais une forme de censure individuelle et intériorisée plus durable, profonde et insidieuse encore que la censure institutionnelle. Basée sur la culpabilité et la terreur diffuse, cette forme de censure permet aux censeurs d’échapper à leur responsabilité. On comprend que le frérisme soit tenté d’user et d’abuser de ce concept flou d’islamophobie quand on regarde la puissance que l’accusation d’islamophobie possède désormais pour faire taire avant même qu’un mot soit prononcé.

Tu ne haïras point

Le Conseil de l’Europe est très impliqué dans la lutte contre « la haine antimusulmane », notamment grâce aux institutions fréristes, comme le Femyso, qui s’abritent sous son ombrelle. Pour comprendre comment le COE est devenu l’un des propagateurs de la lutte frériste contre l’islamophobie, il faut remonter au lancement du No Hate Speech Movement (NHSM). La campagne contre les discours de haine a commencé avec le Mouvement contre le discours de haine, une campagne pour la jeunesse, initiée et appuyée par le service de la jeunesse du Conseil de l’Europe. Le but était de « réduire les propos haineux sur internet » et plus positivement « promouvoir les droits de l’homme sur le réseau mondial ». Lancé en 2013, le NHSM s’est déployé aux niveaux national et local à travers des campagnes menées dans quarante-cinq pays.

L’expression « discours de haine » y est définie par le Conseil de l’Europe comme « couvrant toutes les formes d’expression qui propagent, incitent, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondée sur l’intolérance, y compris : l’intolérance exprimée par le nationalisme agressif et l’ethnocentrisme, discrimination et hostilité envers les minorités, les migrants et les personnes d’origine immigrée ». Par le biais de sa branche jeune, le Femyso, les Frères ont réussi à faire entrer l’islamophobie ou « haine antimusulmane » dans cette définition et à exiger des mesures légales contre lui, en vertu de la recommandation 4 du texte qui exige des États membres qu’ils « revoient leur législation et leur pratique nationales afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux principes de non-discrimination ». Depuis 2014, l’islamophobie est reconnue comme une forme spécifique de racisme, ce qui oblige l’Union européenne à prendre des mesures. Le Conseil de l’Europe mobilise des ressources considérables de propagande « anti-haine »  : mise en place d’un site dédié européen (www.nohatespeechmovement.org), espace destiné à recevoir les vidéos autodidactes et les photos de jeunes sur leurs expériences de discours de haine, diffusion massive de lettres d’information incitant à participer à la campagne (http://hatespeechwatch.org) pour dénoncer tout contenu jugé haineux, coordination dédiée à la jeunesse (www.coe.int/youthcampaign) dans les pays membres, campagnes d’information pour les coordinateurs nationaux, partenaires européens,  etc. Le site dédié publie également chaque mois une lettre envoyée à tous les abonnés institutionnels. À cela s’ajoutent une série de manuels et de ressources d’éducation aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des journées d’actions spécifiques dont le 21  septembre, désormais Journée d’action contre l’islamophobie et l’intolérance religieuse. L’appel à la journée s’accompagne chaque année d’une sommation à marquer cette Journée européenne contre l’islamophobie par une condamnation publique du phénomène, et la mise en place de lois combattant les discriminations à l’égard des musulmans. Les actions fréristes bénéficient du label européen et d’une mobilisation encadrée par la défense des droits de l’homme. Elles sont l’occasion de réactiver les réseaux fréristes et leurs alliés dans toute l’Europe, d’exiger des États des mesures politiques et législatives, de faire du lobbying auprès des élus, des ONG et des entreprises privées. Grâce à cela, le Femyso a pu recevoir le soutien de l’Intergroupe antiracisme et diversité du Parlement européen (ARDI) (cf. l’affiche officielle ci-dessus distribuée par le Parlement) mais aussi celui d’Helena Dalli, la commissaire à l’Égalité, et Michael O’Flaherty, le directeur d’EU Agency for Fundamental Rights, le coordinateur « contre la haine antimusulmane » de la Commission européenne Tommaso Chiamparino, pour sa campagne provoile sous le titre moins manifestement prosélyte : Tackling Gendered Islamophobia in Europe organisée avec l’EFOMW.

La campagne Bring joy and accept hijabs du Conseil de l’Europe

Une campagne sur Twitter a été lancée le 28 octobre 2021 par le CoE’s Inclusion and Anti-Discrimination, le compte Twitter de la division inclusion et antidiscrimination du Conseil de l’Europe (les images ont été retirées du site du Conseil de l’Europe, mais sont toujours visibles sur Internet). Cette campagne sponsorisée par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne met en scène des visages de femmes dont la moitié est voilée et l’autre non, et diffuse des illustrations supposées convaincre que le hijab n’est qu’un vêtement comme un autre. Le mot « hijab » est associé via les hashtags à des mots comme « beauté », « liberté », « joie ».

Deux messages sont ainsi envoyés : le premier consiste à banaliser, mettre à la mode et idéaliser le hijab comme parure, sans considération du fait que certaines femmes dans le monde peuvent être violées, vitriolées ou brûlées si elles ne le portent pas. Le second message est plus subliminal et s’adresse à l’Umma. Un musulman prosélyte ou même simplement croyant sans être militant ne sera pas indifférent à ce visage européen à moitié voilé : signe de l’accomplissement de la mission qui doit assurer la présence de l’islam partout dans le monde.

Cette campagne de communication a été lancée en octobre 2021, peu après la Journée de l’islamophobie du 21 septembre. En préparation de cette journée le COE avait mobilisé son dispositif de communication intitulé « WE CAN for Human Rights Speech », cofinancé avec le programme Droits, égalité et citoyenneté de l’Union européenne. Ce dispositif conçu pour aider les organisations et les jeunes militants à lutter contre « les discours de haine » en leur fournissant des boîtes à outils médiatiques, en les aidant à organiser des séminaires thématiques ou en les coachant dans l’organisation de campagnes de communication a été utilisé par le Femyso, organisation reconnue par le COE. C’est à ce dispositif que l’on doit la diffusion massive de ces slogans que l’on croirait pourtant sortis d’un manuel islamiste  : « célèbre la diversité et respecte le hijab », « apporte la joie, accepte les hijabs », « essaye de comprendre plutôt que juger une femme hijabi », « le hijab est une partie de moi, une partie de mon identité », etc. L’accent a été mis sur les « discriminations islamophobes genrées ».

La campagne disait reposer sur les conclusions du rapport de l’ONU intitulé La Liberté de religion et de conviction sur la haine antimusulmane et l’islamophobie, qui pointait une recrudescence des actes antimusulmans notamment à l’encontre des femmes. C’est du moins ainsi que le COE présentait les faits. Car, en regardant de près, on s’apercevait que les recommandations de l’ONU provenaient des données émanant des contributions à ce rapport du COE lui-même et de l’Union européenne, rapports produits par les organisations de lutte contre l’islamophobie. Le COE créait ainsi sa propre chambre d’écho et diffusait la propagande frériste par le biais des organisations fréristes sous les couleurs bleue étoilée de l’Europe.

En 2021, le haut-commissariat aux Nations unies pour les droits de l’homme a rendu un rapport sur l’islamophobie. L’introduction montre le parti pris de ce rapport signé Ahmed Shaheed qui parle d’« épidémie d’islamophobie », accuse les États de réagir de façon disproportionnée en ciblant les musulmans : « À la suite des attaques terroristes du 11  septembre 2001 et d’autres actes terroristes horribles prétendument perpétrés au nom de l’islam, la suspicion institutionnelle à l’égard des musulmans et de ceux qui sont perçus comme tels a pris des proportions épidémiques. De nombreux États – ainsi que des organismes régionaux et internationaux – ont répondu aux menaces sécuritaires en adoptant des mesures qui ciblent de manière disproportionnée les musulmans et les définissent comme étant à haut risque et susceptibles de se radicaliser. S’appuyant sur des essentialisations impérialistes de longue date des musulmans en tant qu’“autres” culturels, les lois, politiques et pratiques ont également perpétué des stéréotypes et des tropes nuisibles qui dépeignent les musulmans, leurs croyances et leur culture comme une menace. Les conséquences pour les droits de l’homme, en particulier le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de croyance, ont été lourdes. »

De quelles agressions islamophobes parle ce rapport ? Il en donne quelques exemples, comme les restrictions au « couvre-chef musulman » au nom de la laïcité, le fait de ne pas systématiquement répondre aux demandes de construction de mosquées, la restriction d’institutions caritatives ou humanitaires comme BarakaCity et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) pourtant interdits en France pour incitation à la haine. La défense de la laïcité et la sécurité du territoire sont des agressions islamophobes d’après ce rapport de l’ONU, qui mêle situation des musulmans en France et en Chine où les Ouïgours sont placés en centre de rétention. Les discriminations à l’emploi des personnes de confession musulmane sont attribuées à leur religion, l’islam, sans aucune démonstration, sans prise en compte de leurs autres caractéristiques culturelles, linguistiques, sociales qui pourraient expliquer une inadaptation au marché du travail, un problème d’intégration, des pratiques racistes chez certains employeurs, plutôt qu’une exclusion au motif religieux.

Parmi les solutions, qui se résument surtout à vilipender des États soi-disant islamophobes, le rapport propose de contrôler les médias qui devraient « adopter des lignes directrices pour les reportages sur les musulmans et l’islam, en intégrant les bonnes pratiques qui consistent notamment à éviter les stéréotypes et les généralisations, à présenter la diversité et à expliquer le contexte, et former les journalistes et autres producteurs de contenu médiatique en conséquence ». Ces  rapports, produits par des organisations puissantes ou prestigieuses comme l’ONU ou le Conseil de l’Europe, donnent à la notion d’islamophobie une résonance toujours plus large et contribuent, en l’entérinant, à donner corps à l’idée qu’elle correspond à une réalité incontestable. Leurs résolutions et conseils ruissellent ensuite dans les États, dans les régions, dans les villes, les petites associations locales et servent de base à ceux qui exigent la correction du droit au nom de la lutte contre les discriminations.

La lutte contre le racisme et les discriminations en Europe est devenue un vecteur important de la communication frériste sur l’islamophobie notamment grâce à l’ENAR.

LE CAS DE L’ENAR (EUROPEAN NETWORK AGAINST RACISM)

L’ENAR est un réseau belge qui se présente comme antiraciste. Ce n’est pas un réseau des Frères musulmans en tant que tel mais un réseau d’organisations d’horizons divers, d’obédiences, de culture, de religions variées, orienté et piloté par les jeunes générations fréristes.

L’ENAR est à la pointe de la mobilisation de la journée anti-islamophobie qu’elle a contribué à faire reconnaître par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. L’ONG a également joué un grand rôle dans la nomination par la Commission européenne en 2015 d’un coordinateur européen de la lutte anti-islamophobie. Grâce à l’ENAR, la machine à hurler à l’islamophobie s’active dans toute l’Europe, après chaque attentat, ou après chaque mesure de rétorsion contre des associations ou des membres fréristes. Le réseau travaille sur ce thème en étroite collaboration avec le CCIF, avec son homologue belge Collectif contre l’islamophobie en Belgique (CCIB devenu CIIB), et le nouveau Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE, créé par les dirigeants du CCIF après sa dissolution suite à une décision du ministre de l’Intérieur français pour son rôle joué dans l’assassinat de Samuel Paty), le Center for Danish Muslim Relations, l’European Forum of Muslim Women (EFOMW), le Just West Yorkshire, le Musulmans contra la Islamofobia, et bien sûr le Forum Femyso, l’EuroMediterraan Centrum Migratie & Ontwikkeling (Emcemo), le Karamah (Muslim Women Lawyers for Human Rights), le Muslimska mänskliga rättighetskommittén, etc.

Toutes ces organisations alimentent la Database 2012-2020 on anti-muslim hatred de la Commission européenne (base de données qui permet de rechercher la jurisprudence et les jugements internationaux relatifs aux « crimes de haine et à l’incitation au discours de haine contre les musulmans »). Une brève visite de cette base de données permet de se faire une idée de leur conception de la « haine antimusulmane ». La base de données exhibe les très nombreuses plaintes de femmes se jugeant discriminées en raison de l’interdiction du port d’un voile, parfois intégral, qu’elles se sont imposée. Pour ces associations, ne pas être autorisée à porter un voile, y compris intégrale, serait être victime de « haine antimusulmane ». Grâce au lobbying d’ENAR qui fait remonter ces informations et joue un rôle actif auprès des membres du parlement, des lobbyistes des ONG et des entreprises du quartier européen de Bruxelles, le réseau frériste a réussi à convaincre la Commission d’instituer un poste de « surveillant européen de l’islamophobie ». David Friggeri a officiellement été nommé coordinateur contre la haine antimusulmane sous la direction de la DG justice et consommateurs de la Commission le 1er décembre 2015, mais aussi sous la surveillance informelle d’ENAR et de ses watchdogs fréristes.

Comme ce coordinateur était jugé trop mou et ne satisfaisait pas ENAR et ses membres autoproclamés propriétaires du problème public « islamophobie », ces derniers mirent sur pied une coalition d’ONG se faisant appeler « Coalition européenne contre l’islamophobie », coordonnée par l’ENAR pour exiger sa démission. La coalition exigea de l’Union européenne qu’elle lutte plus efficacement et « politiquement » contre ce qu’elle appelle « les formes structurelles de discrimination et de racisme affectant les musulmans ou ceux perçus comme tels ». La lutte contre l’islamophobie devait être intégrée, selon la coalition, aux domaines politiques clés au niveau national afin « de lutter contre ses dimensions structurelles », et mesurer « son impact sur les résultats économiques et sociaux des musulmans ». En clair, il fallait des aménagements politiques, économiques et sociaux spécifiques pour les musulmans. On croirait lire le programme de Qarâdâwi. 

Extrait du livre de Florence Bergeaud-Blackler, « Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête », publié aux éditions Odile Jacob

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