Islamisme : Roubaix après la diffusion du reportage de Zone Interdite sur M6<!-- --> | Atlantico.fr
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Amine Elbahi publie « Je ne me tairai pas ! Menacé de mort, il brise l'omerta face à l'islamisme » aux éditions Robert Laffont.
Amine Elbahi publie « Je ne me tairai pas ! Menacé de mort, il brise l'omerta face à l'islamisme » aux éditions Robert Laffont.
©Capture d'écran CNews / DR

Bonnes feuilles

Amine Elbahi publie « Je ne me tairai pas ! » aux éditions Robert Laffont. L'auteur a grandi dans un quartier de Roubaix, ville la plus pauvre de France. En août 2014, le départ de sa grande soeur pour rallier Daech en Syrie, marque le début de son engagement contre l'islam radical. Son cri d'alarme dans Zone interdite lui vaut un tombereau de menaces de mort. Extrait 2/2.

Amine Elbahi

Amine Elbahi

Amine Elbahi est juriste en droit public.

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J’ai programmé le réveil sur mon téléphone à 6 heures. L’appareil n’était pas cassé : mon coup de sang de la veille avait fendu l’écran, mais il demeurait globalement fonctionnel et lisible. Avant de m’endormir vers 23 heures, j’avais posté un message Facebook avec le lien du replay de l’émission. Le lendemain, il affichait 500 commentaires. Ma limite de contacts LinkedIn, fixée par le site à 5 000, avait été atteinte durant la nuit. Mon nombre d’abonnés sur Twitter était passé de 1 000 à 16 000. Les hashtags #ZoneInterdite et #Roubaix avaient trôné en haut du classement des tendances du réseau social tout au long de la soirée. J’avais tellement d’appels en absence et de SMS non lus que j’ai aussitôt pris une résolution qui m’a sans doute empêché de devenir fou : utiliser exclusivement la messagerie WhatsApp pour communiquer, un filtrage arbitraire qui a aussitôt réduit le volume des interactions. Puis j’ai commencé à répondre aux sollicitations médiatiques qui m’avaient été envoyées via l’appli.

J’ai donné ma première interview dès le lundi matin à 11 heures, dans l’émission de Jean-Marc Morandini sur CNews. Je n’ai rien renié des propos diffusés la veille, mais j’étais aussi conscient de l’effet de loupe qu’une telle émission pouvait créer. J’ai donc insisté sur un angle mort du reportage : le communautarisme n’est pas le salafisme, et ce dernier courant de pensée rigoriste, antichambre de l’islamisme radical et violent, ne concerne qu’une infime minorité de musulmans en France. Une façon aussi d’éviter tout amalgame entre mon discours et celui de l’extrême droite qui n’a jamais été ma chapelle. Le soir, j’étais l’invité de Touche pas à mon poste ! Dans le taxi qui m’a conduit au studio, j’ai reçu un message vocal sur mon répondeur de portable. « Toi t’es mort. Je vais t’égorger », a lancé l’inconnu d’une voix qui suintait la haine. C’était la première fois depuis la mise en ligne du teaser que je recevais une menace de mort aussi explicite par quelqu’un qui avait réussi à se procurer mon numéro, et non en commentaire d’un post sur les réseaux sociaux. Sur le plateau, les échanges ont été parfois musclés, c’est le principe de l’émission. Il m’a fallu répéter que l’écrasante majorité des musulmans respectaient les lois de la République, mais que cette réalité ne devait pas occulter le pouvoir de nuisance d’une minorité agissante. En fin d’intervention, alors que Cyril Hanouna m’interrogeait sur les menaces dont j’étais la cible, j’ai sorti mon téléphone, je l’ai approché du micro et j’ai partagé en direct le message vocal reçu quelques minutes plus tôt, faisant ainsi régner un silence de tombe sur le plateau.

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Un avocat parisien, Me Jean Tamalet, a vu la séquence et m’a contacté par LinkedIn. Il a salué mon courage et m’a dit se tenir disponible pour déposer plainte pour menaces de mort en mon nom. Je n’avais pas sérieusement envisagé cette possibilité, pensant que je payais la désagréable mais juste rançon de mon exposition médiatique. Pourtant, il avait raison : les insultes, passe encore, mais on ne devrait jamais risquer la mort pour avoir défendu ses convictions. Le vendredi 28 janvier, cinq jours après la diffusion, nous avons fait constater les messages incriminés par huissier et déposé plainte auprès du procureur de la République de Paris. Dans la foulée, Me Tamalet a contacté le ministère de l’Intérieur pour réclamer une protection policière qui m’a été aussitôt accordée. À Paris comme à Roubaix, je suis depuis lors escorté dans tous mes déplacements par deux policiers du service des personnalités. Lors de mes rendez-vous, privés ou non, je suis obligé de les tenir informés du lieu où je me rends et de la durée de chaque événement. Ils me déposent en voiture banalisée, attendent dans le quartier, viennent me chercher, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la journée, où ils me raccompagnent à mon hôtel ou à mon domicile.

En arrivant aux oreilles des journalistes, l’information de mon nouveau statut de personnalité protégée a créé un deuxième appel d’air médiatique. Car, dans le même temps, Ophélie Meunier, la présentatrice de l’émission, venait elle aussi d’être placée sous protection policière après avoir été la cible de mes‑ sages similaires. Des rédactions parisiennes et des personnalités comme l’avocat de Charlie Hebdo et de Mila, Richard Malka, sont alors montés au créneau pour dénoncer un risque de musellement de la liberté d’expression sur la question de l’islam radical. « Pourquoi cela les dérange tellement que l’on montre la réalité ? Parce qu’ils savent que la liberté est leur ennemi, ou que le rire est leur ennemi. Donc ils veulent supprimer tout cela », a-t-il brillamment défendu dans une interview à RTL. Cette deuxième vague de sollicitations médiatiques était d’une plus grande ampleur encore : C à vous, RTL, BFMTV, et bien d’autres… Cette fois je n’étais plus « l’homme qui a eu le cran de dénoncer le salafisme dans sa ville » mais « l’homme que les salafistes veulent faire taire ». En clair, j’étais devenu, malgré moi, le symbole d’une liberté d’expression en danger.

C’est à ce moment-là que la presse écrite, assez discrète jusque-là, s’est réveillée. Plusieurs titres ont publié une tribune de soutien à Ophélie Meunier, et, parmi eux, certains ont souhaité me rencontrer pour un portrait au long, comme La Voix du Nord, Le Parisien, ou Le Nouvel Obs. En s’asseyant face à moi au café des Deux Magots, la reporter de l’hebdomadaire de gauche m’a confié son malaise : au sein de sa rédaction, l’idée de ce portrait ne faisait pas l’unanimité. J’étais manifestement trop à droite, trop offensant pour les musulmans, trop suspect de faire le jeu de qui l’on sait. « Ah oui ? Mais où est donc passé la gauche Charlie ? S’est-elle reniée, ou a-t-elle simplement la boule au ventre ? » ai-je ironisé. Mon interlocutrice a acquiescé en soupirant.

Au total, la frénésie médiatique qui a suivi le reportage m’a porté sur les plateaux pendant trois semaines entières. J’ai fait le compte : j’ai répondu à soixante-quinze demandes d’interview. Ce chiffre comprend les sollicitations de la presse étrangère comme le Washington Post, le Sunday Times, des magazines et quotidiens allemands et même suédois. La tonalité des articles, à de rares exceptions près, était plutôt positive, louant ma témérité. Parmi les médias français, je note que Le Monde m’a superbement ignoré. Mediapart aussi, même si le journal en ligne d’Edwy Plenel m’a rendu hommage à sa façon en publiant une « contre-enquête » censée démontrer que le reportage de M6 n’était qu’une mise en scène aux relents islamophobes. Conclusions de cette entreprise de démontage ? La librairie où Michaëlle a filmé l’achat des poupées sans visage n’était pas vraiment une librairie car elle vendait aussi des vêtements. C’est tout à fait exact : la commerçante vendait des livres, des jouets, et des vêtements. Pour le reste, les images du contre-reportage confirmaient celles diffusées par M6, jusqu’à ces poupées sans visage que la journaliste de Mediapart a trouvé mises en vente sur la même étagère que sa consœur de Zone interdite quelques mois plus tôt. Je garde globalement un bon souvenir de la plupart de mes interventions dans la presse, avec une mention spéciale pour Pascal Praud. L’animateur m’a reçu sur ses deux antennes, RTL et CNews, et s’est montré particulièrement chaleureux à mon égard, m’assurant hors micro avoir été « impressionné » par le courage dont j’avais fait preuve en apparaissant à visage découvert. Il nous arrive encore aujourd’hui d’échanger des SMS de temps à autre.

Certains observateurs ont forcément interprété cette longue séquence de service après-vente médiatique comme un exercice d’autosatisfaction égotique. En vérité, mon ego a vite été repu. Si je me suis prêté au jeu de la presse sur la durée avec autant de zèle, c’est parce que j’avais là une opportunité formidable et sans doute unique de porter mes idées et solutions politiques – celles-là mêmes que j’ai exposées dans les chapitres précédents – sur la scène nationale. Dès ma première interview post-reportage chez Jean-Marc Morandini, j’ai invité le candidat Macron – avec un empressement un peu naïf, je l’admets – à débattre avec moi. J’ai réitéré publiquement cette proposition plusieurs fois, jusqu’au jour où mon avocat m’a signifié avoir été contacté par le cabinet de l’Élysée. Le président devait se rendre le lendemain à Tourcoing, à deux pas de Roubaix, pour un déplacement officiel sur le thème de l’Europe, dont la France venait de prendre la présidence tournante. Une « réflexion » était en cours pour me proposer une rencontre à Tourcoing en marge du déplacement, ou plus tard à l’Élysée en cas de planning trop serré. J’ai bien sûr donné mon accord de principe, mais le lendemain, je ne suis pas allé à Tourcoing : faire le pied de grue dans un café en attendant un hypothétique appel, même du président, très peu pour moi. Je pariais, sans trop y croire, sur un futur rendez-vous informel à l’Élysée. Mais une fois ce premier contact établi, silence radio. Je n’en ai jamais su la raison, mais je soupçonne la grande amitié qui lie l’ancien maire de Tourcoing, Gérald Darmanin, et Guillaume Delbar d’avoir pesé dans ce revirement soudain. Même furtive, cette marque d’intérêt montrait que l’Élysée était attentif à mes interventions, et donc à mon message – une petite victoire en soi. Elle m’a fait oublier l’intervention grotesque de la députée LREM de Roubaix, Catherine Osson, qui, le surlendemain de la diffusion, s’est fendue d’une question au gouvernement sur le film, vantant le « vivre-ensemble » comme « une réalité » sur son territoire. Le déni, encore et toujours.

D’autres candidats à la présidentielle n’ont pas eu la pudeur d’Emmanuel Macron. Éric Zemmour, alors en pleine dynamique dans les sondages, a rédigé pas moins de cinq tweets pendant la diffusion de l’émission, dont l’un m’était directement destiné : « Mesdames et messieurs, savez-vous que vos impôts financent parfois des associations islamiques, à cause de la compromission de vos élus ? Je salue le courage d’Amine Elbahi qui nous le révèle. » En sortant d’un plateau sur BFMTV, j’ai croisé Antoine Diers, son directeur adjoint de la stratégie de campagne, « l’homme à la moustache » replet et dandy alors chouchou des plateaux télé. Nous nous connaissions de vue : originaire de Dunkerque, il a milité, comme moi, à l’UMP du Nord. Il m’a demandé mon numéro et, quelques heures plus tard, m’a laissé un message vocal m’invitant à rejoindre la campagne du « Z ». Je n’y ai pas répondu. Marine Le Pen a aussi très vite réagi, dénonçant sur Twitter « un aperçu de ce qui attend la France si nous ne stoppons pas d’urgence le communautarisme ». « Merci à mon ami Amine Elbahi pour le combat qu’il mène depuis si longtemps », a de son côté salué Sébastien Chenu, élu RN du Nord. Ancien de l’UMP, proche de Xavier Bertrand, il m’avait proposé de rejoindre la liste du parti d’extrême droite aux régionales de 2015, puis en 2021. J’avais là aussi refusé, et, depuis lors, il savait que mon enrôlement était une cause perdue. C’est probablement la raison pour laquelle le RN s’est gardé de solliciter mon soutien politique, même en privé.

Extrait du livre d’Amine Elbahi, « Je ne me tairai pas ! Menacé de mort, il brise l'omerta face à l'islamisme », publié aux éditions Robert Laffont

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