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Iran 2015 : qui gouverne à Téhéran (et comment) ? Des risques d’arrestation, d’enlèvement voire d’exécution
©Reuters

Bonnes feuilles

Etat des lieux de l'économie et de la politique iranienne actuelle, mentionnant également les personnes responsables, les grandes entités politico-religieuses, les élections et les cinq étapes de la révolution islamique. Extrait de "Iran 2015 : qui gouverne Téhéran, et comment ?", de Camille Verleuw, publié chez MA éditions (2/2).

Camille  Verleuw

Camille Verleuw

Camille Verleuw a étudié à l'Université Libre de Bruxelles et à l'Institut de philogie et d'histoire orientale. A vécu 40 ans en milieu chiite iranien, au Moyen-Orient, en Asie centrale, etc... Auteur ou co-auteur d'études et d'ouvrages, sous nom ou pseudonyles, dont "Atlas de l'Islam radical", CNRS Editions, 2007 ; "Trafics et crimes en Asie Centrale et au Caucase", PUF, 1999 ; "Atlas Mondial de l'Islam activiste", Paris La Table Ronde, 1991, etc.

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Face à ces cas, résolus des mois après, d’autres montrent que les autorités judiciaires et militaires, d’abord de l’AGRI, peuvent poursuivre des politiques opposées aux intérêts du gouvernement. C’est le cas de Robert Levinson, retraité du FBI, né en 1948, parti rencontrer, le 9 mars 2007, dans l’île iranienne de Kish, un « contact » pouvant établir un canal de communication avec de hautes autorités iraniennes. Il enquêtait alors sur des fonds provenant de ventes (frauduleuses ?) de pétrole, blanchis par des exilés iraniens de Toronto (Canada), au profit de certains dirigeants iraniens. Selon diverses informations, Levinson a été arrêté alors qu’il discutait à l’hôtel Maryam avec Davud Salahuddin, un Afro-Américain converti à l’islam, ex-garde de sécurité à l’ambassade iranienne à Washington. L’homme est recherché par Interpol pour avoir assassiné ’Ali-Akbar Tabâtabâ’i, le directeur de l’Iran Freedom Foundation, à Bethesda (Maryland), le 22/07/1980 contre 5.000 dollars US261.

Levinson semble avoir agi sur demande d’amis analystes à la CIA262. Par suite de la découverte de ce « contrat privé », hors programme officiel de l’agence, trois de ces analystes ont été congédiés et sept autres punis. L’agence a déjà payé 2,5 millions de dollars US à la famille, pour un futur procès263. La famille a aussi reçu anonymement deux vidéos fin 2010 et début 2011 montrant un Levinson barbu et amaigri, mais rien depuis, le gouvernement iranien affirmant ne rien savoir de ses kidnappeurs ni de son lieu de détention - s’il est encore en vie, 100 mois après le rapt.

Autre cas délicat, celui de l’ex-marine américain, d’origine iranienne, Amir Hekmati, arrêté en août 2011, lors d’une visite à sa grand-mère. Accusé d’espionnage, il a été condamné à mort, une peine capitale annulée en mars 2012 par la Cour suprême iranienne264. Là aussi, le procès est resté secret. C’est surtout, sinon essentiellement, le secret entourant l’arrestation, l’incarcération et le procès qui affectent péniblement l’entourage de la personne dont on n’apprend qu’incidemment dans un article de presse qu’elle est accusée de divers «crimes» exprimés dans des formules très générales. La liste des condamnations prononcées trahit un manifeste parti pris de la part des juges choisis en grande majorité parmi les fondamentalistes : c’est ainsi qu’un manifestant réformiste, sans acte de violence, peut aisément être condamné à 5 ou 10 ans de prison ferme alors qu’un casseur d’un groupe ultra-conservateur, même surpris de coups et blessures, sera relaxé. Ce sont ces injustices qui sont chaque année dénoncées par une trentaine d’ONGs et par le Conseil des droits de l’homme aux Nations-Unies.

Il en est de même avec la jeune artiste, Atenâ Farghadâni, incarcérée d’août à novembre 2014 pour un dessin humoristique sur sa page Facebook. Elle fut battue en prison par ses gardiens pour avoir utilisé des gobelets en papier applatis pour y dessiner. Ré-arrêtée fin 2014, elle a été condamnée le 19/05/15 à 12 ans et 9 mois de prison pour «propagande contre le régime, conspiration contre la sécurité nationale et insulte aux députés par ses peintures»...266 Pour en revenir aux risques d’arrestation pour les hommes d’affaires pour des motifs totalement étrangers à leur entendement, il suffit de noter que les autorités iraniennes ont créé un système de surveillance de la population qui n’a d’équivalent qu’en Corée du Nord. Le 26 janvier 2015, le ministère de la Guidance et de la Culture islamiques a institué un groupe de travail pour organiser la surveillance de tous les SMS envoyés dans le pays. Ce nouveau projet confirme le rôle d’espionnage de masse du Conseil suprême du cyberespace institué par le faqih en mars 2012. C’est ainsi que des dizaines de milliers de sites sont interdits aux internautes iraniens et que tous leurs messages sont enregistrés par les hébergeurs qui doivent les mettre à la disposition de la police et de l’Armée des pâsdârân. Comme ces derniers sont impliqués dans quasiment toutes les activités commerciales et industrielles, tout contact d’un étranger via Internet avec un partenaire ou un acheteur iranien ne restera confidentiel que quelques minutes ou heures.

Cette étroite surveillance de l’Internet permet de supposer une complicité d’une entité officielle iranienne dans l’attaque en février 2014 de hackers contre le groupe Las Vegas Sands Corp. (LVSC) dont le P.D.G., Sheldon Adelson, avait suggéré en octobre 2013 d’attaquer l’Iran avec des armes nucléaires si ce pays n’abandonnait pas son programme d’enrichissement du minerai d’uranium. Adelson, également propriétaire du journal Israel YaHom, est un proche du PM israélien Benjamin Netanyahu. L’attaque qui a détruit trois quarts du réseau informatique de LVSC était à l’évidence politique, car les données sur les clients de ce groupe de huit casinos (dont le Venetian et le Palazzo à Las Vegas et le Marina Bay Sands à Singapour) ne furent pas compromises. C’est cette même surveillance qui a conduit à la condamnation en avril 2014 de 8 jeunes blogueurs à un total de 127 ans de prison par un tribunal révolutionnaire : même si la peine a ensuite été réduite à 114 ans, soit 14 ans 1/4 par blogueur, elle est sans commune mesure avec les propos critiques de ces jeunes mais les juges ont choisi de ne retenir contre eux que des charges énormes, comme «atteinte à la sécurité nationale», «insultes contre l’Islam et les autorités officelles», «propagande contre l’État»...

Extrait de "Iran 2015 : qui gouverne Téhéran, et comment ?", de Camille Verleuw, publié chez MA éditions, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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