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iPhone, iPad, iPod... mais d'où vient le "i" des produits Apple ?
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i-maginatif

Il aurait pu s'appeler Macman... mais iMac a finalement été retenu. Ken Segall revient la naissance du fameux "i" d'Apple, très révélatrice du mode de fonctionnement de Steve Jobs. Extraits de "Apple, le secret d'une incroyable réussite" (2/2).

Ken Segall

Ken Segall

Ken Segall a été directeur de création publicitaire pour NeXT et Apple. A l'origine du nom "iMac" et membre de l'équipe qui a imaginé la célèbre campagne Think different, il a joué un rôle primordial dans la "résurrection" d'Apple au tournant des années 2000. Son expérience auprès d'autres grandes sociétés d'informatique comme IBM, Intel et Dell lui a permis de mettre à jour ce qui fait réellement la différence dans la méthode d'Apple.

Il est l'auteur du livre "Apple, le secret d'une incroyable réussite" aux éditions First.

(photo :© Doug Scheider CLEARED)

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Pendant que ce nom effroyable continue de résonner dans votre crâne, j’aimerais que vous songiez un instant à l’art de nommer les produits. Le monde manque tellement de Simplicité que les noms de produits sont des exemples frappants de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Certaines entreprises trouvent des noms comme « iPhone », alors que d’autres veulent vous vendre un « Casio G’zOne Commando » ou un lecteur DVD « Sony DVP SR200P/B ». (Véridique, ces noms existent !)

On pourrait penser que les leçons à tirer des noms de produits concernent uniquement les sociétés qui fabriquent des biens de consommation, mais c’est faux. Toute personne qui communique, dans n’importe quel cadre, a intérêt à comprendre et à appliquer les principes d’une bonne dénomination.

Ces principes peuvent vous aider à trouver le titre d’un rapport ou le thème d’une conférence. Au final, le nom doit attirer l’attention et procurer l’impression voulue. Trouver des noms de produits est l’exercice suprême en matière de Simplicité. Il vous oblige à capturer en un seul mot, ou deux, l’essence d’un produit ou d’une entreprise, ou parfois à lui créer une personnalité. La Simplicité sied très bien à ce genre de défi, et la Complexité en raffole aussi, hélas. En fait, si vous étudiez les noms de produits, vous allez voir que la Complexité se débrouille très bien dans ce domaine.

[…]

Notre préférence allait à un nom que j’avais trouvé au début : « iMac ». Il semblait répondre à toutes les directives. C’était clairement un Mac. Le « i » évoquait que c’était un Mac conçu pour aller sur Internet. C’était aussi un nom d’une concision parfaite, avec juste une lettre ajoutée au mot « Mac ». Il ne faisait pas penser à un jouet ni à un appareil portable. L’emploi du mot « Mac » dans le nom du produit était plus révolutionnaire que vous ne l’imaginez. En effet, à l’époque, « Macintosh » n’avait pas encore été abrégé dans les noms officiels des ordinateurs Apple. Simplicité et minimalisme s’accordaient donc on ne peut mieux avec le nom « iMac ». Et bien sûr, il y avait un autre petit avantage à choisir le nom « iMac ». Il créait un modèle qu’Apple pourrait calquer pour le nom de ses futurs produits grand public. On pouvait très bien imaginer qu’un jour Apple eût envie de créer un autre i-produit.

Un par un, j’ai présenté à Steve Jobs les cinq noms que nous avions retenus. Je passais vite sur les premiers, tels que « MiniMac », (c’était bien avant la sortie du Mac mini), pour finir en beauté sur « iMac ». J’ai fait valoir que le nom « iMac » était non seulement concis et facile à retenir, mais que le « i » pouvait évoquer plusieurs choses. Il y avait l’association d’idées évidente avec Internet, mais « i » pouvait aussi représenter « individuel » et « imagination ». Malheureusement, la touche finale n’a pas eu l’effet escompté sur Steve. « Aucune de vos propositions ne me plaît. “MacMan”, c’est quand même mieux. » Quoi de plus décourageant ? Nous espérions rentrer chez nous en héros, au lieu de quoi nous allions repartir blessés et contraints de recommencer à chercher des noms. « Maintenant, vous avez une semaine pour trouver mieux ; sinon, ce sera “MacMan” », a conclu Steve.

Une semaine plus tard, nous avions pondu une autre série de noms. Nous avions éliminé ceux de la première série mais conservé « iMac » dans le lot, malgré l’aversion initiale exprimée par Jobs. Dans cette présentation, j’ai suivi un précepte appris longtemps auparavant d’un publicitaire avisé : « Du moment que tu as de nouvelles idées à partager, tu es libre d’en représenter une ancienne. »

De retour à Cupertino pour la présentation numéro deux, j’ai exposé à Steve les nouveaux noms en premier. Rien ne lui plaisait dans cette nouvelle liste. C’est alors que j’ai ressorti « iMac » en disant que ce nom nous tenait encore à coeur. Steve Jobs a eu la courtoisie de l’étudier à nouveau. « Bien, il ne me déplaît pas cette semaine, mais je ne suis toujours pas conquis. Maintenant nous n’avons plus que deux jours, et je continue de penser que “MacMan” est le meilleur nom que nous avons », a déclaré Steve. Aussi déprimant qu’était ce jugement, nous pouvions au moins percevoir une lueur d’espoir cette fois. Steve avait dit qu’« iMac » ne lui déplaisait plus. C’était un point positif pour moi.

J’aimerais pouvoir raconter qu’il y eut un grand revirement après cela, un moment de gloire où nous aurions pu nous féliciter mutuellement, mais ce ne fut pas le cas. Le lendemain, alors que je parlais à l’un de mes clients chez Apple, j’ai appris qu’il se tramait quelque chose. Steve demandait à tous ce qu’ils pensaient du nom « iMac ». Il l’avait fait sérigraphier sur un modèle pour voir l’effet produit.

Je n’ai jamais entendu le moindre commentaire sur cette décision. En gros, Jobs a choisi d’adopter ce nom sans nous remercier. Apparemment, il a dû apprécier le nom gravé sur l’ordinateur et recevoir des réactions positives de son entourage. C’est ainsi qu’« iMac » a été retenu. Cette anecdote est révélatrice du mode de fonctionnement de Steve Jobs. Il avait son opinion. Une opinion très ferme, le genre d’opinion capable de vous renverser et de vous botter le derrière. Mais cela ne veut pas dire qu’il manquait de raison ou était incapable de changer finalement d’avis face à des arguments sincères présentés avec conviction. Cela a été un tournant crucial pour Apple, quand son amour de la Simplicité l’a emporté pour la conduire sur la voie qu’elle poursuit encore aujourd’hui. Steve Jobs était inflexible dans sa volonté de donner un nom génial à son produit génial. Il appréciait le pouvoir des mots. Dans ce cas, il appréciait le pouvoir d’une seule lettre.

Et ce petit « i » est devenu l’une des composantes essentielles de la marque Apple.

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Extrait de "Apple, le secret d'une incroyable réussite" chez First Editions (16 août 2012) (16€)

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