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Investir dans les pays émergents : une stratégie d’influence dont la Chine commence à faire les frais
©Reuters

Dominer, à quel prix ?

Les investissements chinois dans les pays à risque ne cessent de progresser. Pékin a notamment prêté plus de 60 milliards de dollars au Venezuela ces dernières années, alors que le pays connaît de sérieuses difficultés financières liées à la baisse des prix du pétrole. Il est alors légitime de se demander si cette stratégie ne risque pas de coûter trop cher à la Chine à terme.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Atlantico : Depuis plusieurs années, la Chine investit massivement dans les pays en voie de développement, en Afrique et ailleurs. Elle a notamment prêté ces dernières années 60 milliards de dollars au Venezuela, qui connaît actuellement des difficultés financières avec la chute des cours du pétrole. Quel intérêt la Chine a-t-elle à appliquer cette stratégie ? Ne risque-t-elle pas d'y perdre beaucoup financièrement ?

Jean-François Di Meglio : Tout d’abord, il faut se souvenir que la Chine est dépendante d’une certaine façon du Venezuela, qui fournit environ 5% du pétrole qu'elle importe, d’une qualité conforme aux besoins chinois, orientés vers les "huiles lourdes" par opposition au "light sweet" venant du Moyen-orient, et d’Arabie Saoudite en particulier, même si elle importe aussi de là. Donc un maintien relatif de la stabilité au Venezuela est important pour la Chine. Par ailleurs, les actifs situés dans des pays en difficulté ont une valeur relative inférieure à ce que la Chine achète ailleurs dans le monde. C’est l’une des explications aussi de son soutien, qui part avant tout du besoin bien compris de diversification de son "portefeuille". Cette diversification, quelle que soit l’inspiration des investisseurs, présente des risques comme toute diversification ou tout investissement "atypique", c’est ce qui caractérise ce type d’investissement.

Au-delà des pertes financières envisageables, notamment au Venezuela, est-il possible de dresser un rapport coût-bénéfices de la stratégie chinoise ? Les intérêts politiques l'emportent-ils sur le risque économique ?

Les intérêts politiques, peut-être pas, mais la visée à terme en moyenne plus long que celle des investissements pratiqués par des acteurs jouant la rentabilité du capital dans un horizon plus court. Le coût du capital, instrument-clé de la mesure de la rentabilité d’un investissement, est soit très bas, soit très mal mesuré, quasi-nul même en Chine. C’est ce qui lui permet de jouer le long terme sans se préoccuper des effets immédiats de risque. Si la valeur stratégique d’un investissement ainsi que la durabilité de ses effets présente des avantages, la Chine est prête à prendre ces risques. Y voir systématiquement un intérêt politique, alors que la Chine insiste, souvent à juste titre, pour répéter qu’elle ne se mêle pas de la vie politique de ses partenaires, est certainement exagéré.

Au cours des derniers mois, l'investissement en provenance de Pékin et à destination de l'Afrique a subi une baisse importante, notamment en raison du ralentissement économique chinois. S'agit-il également d'un retournement de stratégie de la part de la Chine, ou va-t-elle persévérer dans sa tendance expansionniste ? Dans quel but ?

Indéniablement, la Chine diversifie ses investissements au fur et à mesure que le volume absolu de ces investissements à l’étranger augmente. Ces deux facteurs ont tendance à "diluer" l’Afrique et ont pour conséquence la montée de l’Europe, en particulier dans le classement des destinations d’investissement chinois, désormais probablement même en tête. D’ores et déjà, pour la première partie de 2016 les investissements chinois semblent (sous réserve de confirmation de leur exécution finale) avoir dépassé le volume atteint sur toute l’année 2015. Le ralentissement n’est donc pas pour demain. Concernant l’Afrique, effectivement, ce qu’elle peut proposer (outre les services, qui représentent quand même, avec l’investissement dans Standard Bank, en Afrique australe, une part non négligeable dans le stock d’investissements chinois en Afrique), ce sont des ressources naturelles. Dans le cadre du redéploiement de l’économie chinoise en cours, vers une structure plus tournée vers le marché intérieur, il est naturel que les investissements en direction de l’Afrique ralentissent.

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