Nicolas Sarkozy et la durée légale du travail : ce que les propositions du président des Républicains changeraient pour les entreprises<!-- --> | Atlantico.fr
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En matière de chômage, l'ancien chef de l'Etat propose de "suspendre pour l'UNEDIC les règles du paritarisme" et pense "qu'il faut revenir à la dégressivité des allocations chômage à partir de 12 mois (...) afin d’encourager le retour à l’emploi".
En matière de chômage, l'ancien chef de l'Etat propose de "suspendre pour l'UNEDIC les règles du paritarisme" et pense "qu'il faut revenir à la dégressivité des allocations chômage à partir de 12 mois (...) afin d’encourager le retour à l’emploi".
©Reuters

A chaud

Le jour même de la présentation du Projet de loi de finances pour 2016 en Conseil des ministres, le journal Les Echos publie une interview dans laquelle l'ancien chef de l'Etat tacle sévèrement la politique économique du gouvernement et avance ses pions pour 2017 en abordant ses principales propositions en matière de régulation du temps de travail, de chômage, de fiscalité, etc.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy déclare dans une interview accordée aux Echos: "toute entreprise qui souhaitera s'exonérer des 35 heures devra pouvoir le faire. C'est la liberté qui doit primer", avant d'ajouter: "la durée du travail sera fixée dans l’entreprise par le dialogue entre les salariés et l’employeur."  Concrètement que changeraient ces mesures pour les entreprises ? Pour les salariés ? Pour l'économie dans son ensemble ?

Eric Verhaeghe : Aujourd'hui, il existe déjà des mécanismes dérogatoires qui permettent de transgresser les 35 heures. Mais la norme reste les 35 heures annualisées, qui s'appliquent par défaut. Le vieux projet, déjà évoqué par Sarkozy en 2008, mais qui n'a pas abouti à cause de la frilosité de Laurence Parisot à l'époque, est de transformer cet état de fait, en faisant de la liberté une norme, et des 35 heures une exception. Ce projet se heurte à trois problèmes majeures. Premier problème: l'opposition probable des syndicats de salariés. Deuxième problème: l'absence de dialogue social simple dans les très petites entreprises, qui crée des disparités. Les grandes entreprises n'auraient pas forcément de problème pour mettre en place ce genre d'accord. Les artisans, les commerçants, ne pourront pas le faire simplement du jour au lendemain. Et ce sont pourtant eux qui ont le plus besoin d'une main-d'oeuvre polyvalente et flexible. Troisième problème: l'angoisse des employeurs de réveiller l'hydre de Lerne. Car dès que le sujet de l'allongement de la durée du travail sera sur la table, la question de l'augmentation des salaires sera aussi posée. La France est aujourd'hui dans un équilibre sous-optimal dont elle a du mal à sortir.

Cette possibilité d'une suppression des 35 heures hebdomadaire prescrites d'office aura-t-elle du succès ? Les entreprises ne se sont-elles pas déjà largement adaptées à la durée légale des 35 heures ? 

En fait, les entreprises sont aujourd'hui confrontées à des problématiques nouvelles où la question de la durée du travail n'est plus forcément centrale. Le sujet du télétravail se développe de plus en plus rapidement. La numérisation des procédures rend en effet superflue la présence en continu des salariés dans un même espace. La remise en cause des 35 heures répond imparfaitement à ces problématiques. En outre, une grande partie du sujet porte sur le statut de cadre au forfait-jour, dont la réglementation mériterait d'être fiabilisée et simplifiée. Tout ceci mériterait donc une approche plus large que la simple question du temps de présence dans l'atelier tel qu'il pouvait se poser en 1950. 

Quel serait le coût d'une telle mesure après le coût déjà engendré par le passage aux 35 heures?

C'est tout le problème. Les 35 heures se sont accompagnées d'une modération salariale. Leur remise en cause suscitera des appétits bien légitimes et il n'est pas sûr que les entreprises aient la trésorerie disponible pour faire face à ce genre de revendications. L'intérêt du dispositif par accord d'entreprise est toutefois de laisser chaque entreprise prendre sa décision. 

En matière de chômage, l'ancien chef de l'Etat propose de "suspendre pour l'UNEDIC les règles du paritarisme" et pense "qu'il faut revenir à la dégressivité des allocations chômage à partir de 12 mois (...) afin d’encourager le retour à l’emploi". Comment de telles mesures pourraient se répercuter sur le marché de l'emploi, à l'heure où la France affiche un taux de chômage de 10,3% (au sens du BIT) ?

Il me semble que la proposition se fait vraiment en deux temps. La question de la dégressivité est probablement essentielle techniquement. Elle correspond à un besoin réaliste: aujourd'hui un demandeur d'emploi à bas salaire ou à salaire moyen a peu de raison objective de préférer l'emploi à une situation où il complète son allocation chômage par des petits boulots au noir. Disons que l'absence de dégressivité donne une liberté au salarié privé d'emploi de regagner du pouvoir d'achat. Veut-on remettre en cause cette liberté? si oui, alors "dégressons"! A côté de ce point technique, Sarkozy propose une mesure plus intéressante: la mise entre parenthèse du paritarisme pour faciliter les décisions. C'est un engrenage intéressant, parce qu'on sait que les cotisations chômage sont payées par les seuls employeurs et que le paritarisme, en France, prend trop de place, et la prend mal. 

Nicolas Sarkozy propose de "ramener le niveau de la fiscalité qui pèse sur elles (les entreprises, ndlr) à la moyenne européenne, et avoir une convergence franco-allemande en matière fiscale". Quelles pourraient en être les conséquences ?

Les conséquences sont de deux ordres. Premier ordre: pour les entreprises. Les marges vont retrouver un peu d'épaisseur et le coût du travail devrait baisser. Tout l'enjeu est de savoir si Sarkozy inclut le "coin socio-fiscal", c'est-à-dire les cotisations de sécurité sociale ou non dans son projet. J'imagine que oui. Second ordre: pour les ménages. Qui va payer cette baisse de la fiscalité pour les entreprises? Soit des mesures de baisses de dépenses publiques seront prises et il faut voir lesquelles. Soit la fiscalité des entreprises sera transférée sur les ménages. Et il faut voir à quelle hauteur. 

Enfin, au sujet des fonctionnaires: "il faut d’abord rétablir la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et faire en sorte qu’il s’applique dans l’ensemble de la fonction publique, collectivités locales comprises. La baisse du nombre de fonctionnaires est incontournable", affirme Nicolas Sarkozy. Il propose d'augmenter leur temps de travail afin de "mettre fin au gel du point d'indice" afin d'améliorer la rémunération de cette catégorie de la population active. M. Sarkozy souhaite "donner plus de souplesse aux contrats de 5 ans pour certains métiers de la fonction publique". Comment ce type de changement pourraient-ils peser sur la situation économique de la fonction publique ?

La gauche a fait le choix de maintenir le nombre de fonctionnaires, voire de l'augmenter légèrement. Elle a ce faisant choisi de ne plus les augmenter, en tout cas pas ouvertement, et d'instaurer une sorte de morosité. En fait, la gauche a renoncé à motiver les fonctionnaires par la rémunération. La seule façon d'inverser cette tendance est de diminuer le nombre de fonctionnaires pour redonner du mou aux rémunérations. Pour les fonctionnaires, cette mesure est donc positive. Reste à savoir si les fonctionnaires sont prêts à l'endosser en cherchant de véritables gains de productivité. C'est un problème qui n'est pas politique mais technique. Le copinage et le népotisme dans la fonction publique ont écarté tous les managers pour ne plus promouvoir que des capitaines de tranchée ou d'états-majors sans épaisseur managériale. Ce problème-là risque de "condamner" la réforme de l'Etat.

Propos receuillis par Adeline Raynal

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