Intervention en Centrafrique : de quels moyens militaires disposons-nous vraiment pour assurer l’ordre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les moyens militaires de la France sont actuellement des plus limités.
Les moyens militaires de la France sont actuellement des plus limités.
©Reuters

Nouveau pauvre ?

Le Conseil de sécurité de l'Onu doit voter ce jeudi une résolution autorisant la France à intervenir militairement en Centrafrique. Reste à savoir si nous avons encore les moyens matériels et financiers d'une telle politique.

Antoine Glaser

Antoine Glaser

Antoine Glaser est un journaliste et écrivain.

Il est le fondateur et l'ancien rédacteur en chef de La Lettre du Continent, lettre confidentielle bimensuelle consacrée à l'Afrique.

Il est l'auteur de Comment la France a perdu l'Afrique (Hachette Littératures, 2006) et Sarko en Afrique (Plon, 2008)

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Atlantico : Le premier volet du sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique s’est ouvert ce mercredi et accueille bon nombre de Présidents africains. Derrière cette grande réunion l’enjeu est évidemment de définir une stratégie d’ensemble face à la résurgence des tensions ethniques un peu partout sur le continent. Quels peuvent encore être les moyens de la France pour assurer la sécurité en Afrique ?

Antoine Glaser : Les moyens de la France sont actuellement des plus limités et l’on peut voir dans ce sommet une tentative de trouver de nouveaux effets de leviers dans les pays africains. L’accompagnement et le soutien aux forces africaines est à voir comme une opération d’assez long terme qui révèle en parallèle un isolement croissant de la France en Afrique par rapport à ses partenaires occidentaux. Quand l’on regarde ce qui s’est passé au Mali, ce qui se passe en Centrafrique et ce qui passera peut-être bientôt dans le sud de la Libye, on voit bien le rôle qui peut vite finir par échoir à une puissance qui est l’une des seules, avec les Etats-Unis, à disposer de bases militaires en Afrique. Il est cependant clair qu’en dépit de ces responsabilités la France n’a plus aujourd’hui les capacités d’intervenir fréquemment dans les pays africains, et il suffit de voir que les problèmes d’équipement de l’armée française, qui opère parfois avec du matériel vieux de 30 ans, pour s’en persuader.  

Le budget des opérations extérieures de la France a doublé depuis 2005 pour atteindre 1.25 milliards d’euros par an en 2013, dont 650 millions de surcoût pour le Mali. Comment expliquer l’activisme diplomatique croissant de Paris quand on est au fait de ces difficultés financières ?

Il est vrai que le coût de ce que l’on appelle les OPEX (Opérations extérieures) a nettement augmenté. Cela s’explique par la présence de 5000 soldats dans les diverses bases africaines cumulée à 5000 hommes supplémentaires dans les autres théâtres à l’étranger. Il s’agit déjà d’un poids logistique et financier conséquent et il est extrêmement difficile de dépasser ce chiffre actuellement. La France a bien tenté de faire passer une partie de l’addition aux autres puissances occidentales, comme cela a été le cas lors de la fourniture d’une aide de 3.2 milliards d’euros pour le développement du Mali. Néanmoins, c’est bien Paris qui paye une bonne partie des factures des opérations de maintien de l’ONU dans les pays d’Afrique qui la concerne, et l’on voit que l’Elysée a eu une certaine prise de conscience depuis. Dans un premier temps François Hollande avait essayé de se distancer des affaires africaines en évoquant avant tout une « aide morale », mais on a l’impression que le vent a tourné depuis le début de ce quinquennat. On a ainsi vu coup sur coup deux rapports parlementaires tomber sur la situation africaine, le premier au début de novembre produit par Jean-Marie Bockel et Jeanny Lorgeoux, et le second dirigé par Hubert Védrine. Cela fait 20 ans que les dirigeants africains ont le monde entier qui patiente dans leurs salles d’attente, et la mise en place de ce forum, économique en apparence, est une illustration directe des inquiétudes de Paris face à cette réalité.

Les intérêts économiques que Paris cherchent à défendre valent-ils les coûts de plus en plus exorbitants des opérations menées ?

Il est vrai que les dernières années ont été marquées par une perte d’influence mais aussi une perte économique de plus en plus nette pour l’Hexagone en Afrique. Jusqu’ici notre pays pensait au développement africain principalement pour des raisons de politiques migratoires plutôt que pour des raisons de purs débouchés pour nos entreprises. A l’inverse les puissances émergentes (Chine, Inde, Brésil…) pensent que le continent est à l’aube d’un boom économique important avec, selon estimations, l’arrivée de 700 000 nouveaux consommateurs de la classe moyenne d’ici 2050. Cela fait que la France, même dans son « pré-carré » du Cameroun, du Congo ou encore de la Côte d’Ivoire se retrouve à perdre des parts de marchés qui ont toujours appartenus à Paris depuis la Guerre Froide. Il y a de plus évidemment la question énergétique, déjà présente sous De Gaulle avec le pétrole et perpétrée par Sarkozy lorsqu’il s’est rendu à Niamey au Niger pour garantir à Areva l’exploitation du deuxième plus grand gisement d’uranium au monde. Cette question énergétique reste d’actualité, en particulier pour des entreprises comme Total et Areva.

Pour justement pallier à cette dérive financière, le recours aux forces nationales africaines s’est nettement développé, en particulier au Mali où l’aide du Tchad a été conséquente. Ce nouveau modèle peut-il être perçu comme efficace où connait-il des limites ?

C’est une vraie question pour l’avenir. Si la France est intervenue au Mali c’est justement parce que les forces régionales de la CEDEAO ont été incapables de se mobiliser à temps pour aider les forces maliennes à repousser les djihadistes. On retrouve exactement le même schéma en Centrafrique où la FOMAC (Force Multinationale d’Afrique Centrale représentée notamment par le Camerou le Tchad et le Congo) n’a pas su venir en aide au gouvernement de Bozizé, probablement parce que la France finit toujours par se substituer aux armées régionales lorsque la situation finit par déborder. Les difficultés rencontrées par les deux grands pays du continent que sont l’Afrique du Sud et le Nigeria ont démontré qu’il n’y a pas encore de pays phare capable de se poser en figure d’influence et de maintien de la sécurité dans les différentes régions. On se retrouve donc dans une situation ou l’intervention militaire des Français reste souvent indispensable et cela risque de perdurer.

Propos recueillis par Théophile Sourdille 

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