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Internet est-il vraiment menacé d'explosion dans les 8 années à venir ?
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Tic, tac, tic, tac

La Royal Society de Londres a invité ce mois-ci des ingénieurs en Télécom afin de discuter de la possible crise Internet qui se profile en raison de la demande grandissante de données. Un appel quelque peu alarmiste.

Frédéric Mouffle

Frédéric Mouffle

Directeur général associé du groupe ASK’M / KER-MEUR. Expert en cyber sécurité. Conférencier sur les menaces émergentes, spécialisé dans la sensibilisation auprès des entreprises.

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Atlantico : Selon les ingénieurs britanniques de l'université de Aston, Internet pourrait avoir atteint ses capacités maximales d'ici 6 à 8 ans. Les infrastructures de communication sont-elles mises à mal par le boom de la télévision sur Internet ou encore des services de streaming ?

Frédéric Mouffle : Il faut distinguer deux choses (deux préoccupations majeures) dans cet appel à l'aide : D'un côté, la structure d'internet, c'est-à-dire la fibre et les data center qui pourraient ne plus être suffisants. De l'autre côté, leprotocole IP V4 utilisé actuellement est limité à 4 milliards d'unités. Le protocole IP est une suite de nombres qui détermine l'unité. Et en 1996/1997, on pensait que ce nombre était suffisant et que l'on avait le temps de voir venir. Aujourd'hui, la limite de ces 4 milliards d'adresses IP sont désormais atteintes...

Le boum exponentiel de la téléphonie mobile a participé à l'absorption des adresses IP. Tout comme celui des objets connectés qui sont également gros consommateurs d'IP. A cela, il faut ajouter les pays en voie de développement (les fameux BRICS) qui ont un accès grandissant à Internet. Et ceci, sans parler des projets Google et Facebook qui se targuent de pouvoir fournir à terme - et gratuitement - un accès à internet dans certaines zones du monde parfaitement inaccessibles. Mais Il existe heureusement un autre protocole : le protocole IP V6 qui permet de générer une quantité quasi illimité d'adresses.  Reste néanmoins à synchroniser le basculement vers ce protocole V6. Cette alerte de la Royal Society est donc quelque peu alarmiste dans sa forme mais n’est pas dénuée de sens en 2015.. Car Internet ne s'arrêtera jamais de fonctionner. En ce qui concerne les infrastructures,  la fibre nous permet d'avoir une bande passante très importante, à laquelle sont liés tous les services de streaming, ainsi que la démocratisation de la HD. Il va effectivement falloir faire évoluer l'infrastructure, relativement lourde et longue à mettre en place.  Et ledéveloppement de la fibre ne suit pas le développement d'Internet.  Cela risque donc de limiter le débit et d'augmenter le prix d'une telle connexion.

Les experts estiment en effet que les fibres optiques permettant d'envoyer des données sur nos ordinateurs et nos smartphones auront atteint leurs limites dans les 8 ans à venir. Multiplier le nombre de câbles de fibres optiques pourrait-il permettre de pallier le problème ? Quel en serait le coût ?

Ce dont on est sûr, c'est que nous ne payons pas le haut débit  à son juste prix, tant qu’il y a de la place dans les tuyaux, on en profite. Aujourd'hui, avec la baisse du prix des connexions internet et des divers services en ligne (cloud, serveurs virtuels téléphonie IP), les internautes s'habituent à un coût de facturation des services (souvent gratuit) qui n'est sans doute pas celui du coût réel de la prestation. A l’heure actuelle, ce sont pour l'essentiel les contenus qui passent sur la fibre sur lesquels se rémunèrent les opérateurs, car ce sont aussi ces contenus spécifiques que l'on parvient à monétiser. Les modèles économiques futurs seront diverses, et il est difficile de se prononcer, tant il est vrai que l'état de l'Internet mondial n'a pas été sérieusement analysé pour le moment. Concernant le cout, tout dépends des moyens en R&D mis en œuvre. L’innovation ça se paye.

En l'absence de câbles supplémentaires, quelle pourrait être la conséquence en matière de vitesse des transferts ? Et de continuité de transfert ? 

Pour le moment, nous possédons une offre illimitée mais cela va ralentir si les infrastructures en place n’arrivent pas à suivre ou saturent.... Des ingénieurs dans plusieurs  travaillent sur la compression des données, afin de pouvoir continuer à faire transiter plus de données, sur les infrastructures existantes.  La vitesse ne ralentira peut-être pas, car l'infrastructure technique est là et fonctionne. Mais on pourrait par exemple voir se développer une offre Internet - comme cela se passe pour la téléphonie mobile - avec une quantité de datas limitées. Mais l'aspect structurel d'Internet n'est pas rentable. Pour tirer des fibres, il faut se mettre d'accord et coordonner beaucoup d'interlocuteurs. Il faudra aussi que tous ces acteurs se réunissent pour synchroniser tous ces besoins de mise en œuvre technologique (la pose de fibre, la compression des données, le basculement à l'IPV6). Car si l'on tire de nouveaux câbles en France par exemple, il faudra aussi construire des datas center pour stocker toutes les données, et potentiellement de nouveaux câbles vers les Etats-Unis, l’Asie et l’Afrique également. Les coûts sont énormes, letemps de mise en place également, et cela nécessité un réel travail de synchronisation.

Selon les ingénieurs britanniques, si l'usage d'Internet continue sur cette voie, le Royaume-Uni ne serait plus capable de produire suffisamment d'électricité pour transmettre les données. Qu'en est-il en France ? Cela vous semble-t-il plausible?

Oui, en effet. Tout ceci est un ensemble : il faut plus d'énergie et extraire plus de matière première. Et il va falloir embaucher plus du personnel. On augmente nos capacités mais l'innovation sur les économies d'énergie progresse également, et on peut espérer qu'une plus grosse part de l'énergie des data soit à l'avenir fournit par les renouvelables.

Le point de bridage ne se trouve pas tant dans la fibre que dans l'attribution des adresses IP. Si l'on règle le problème des adresses IP, le développement de l'Internet mondial ne devrait pas être un problème. La recherche avance à grand pas, les débits théoriques atteints en laboratoire sont assez prometteurs. Et ceci, tant au niveau du débit proposé qu’au niveau de la baisse significative de la consommation énergétique.

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