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La fabrique des citoyens et l’unification du corps social est au cœur de l’enjeu politique que la prochaine élection présidentielle va trancher.
La fabrique des citoyens et l’unification du corps social est au cœur de l’enjeu politique que la prochaine élection présidentielle va trancher.
©PASCAL PAVANI / AFP

Tribune

Le durcissement du discours est le symptôme d’une époque qui nous fait perdre, collectivement, sous couvert de toucher du doigt la réalité des sujets, sa boussole citoyenne.

Jad Zahab

Jad Zahab, essayiste, est diplômé de l'école des affaires publiques de Sciences Po Paris. Militant associatif engagé en faveur de la participation des jeunes à la vie politique, il est sensible aux sujets liés à l'immigration, aux valeurs de la République, à la refondation du pacte social et à la lutte contre les inégalités, marqueurs de son engagement. Il intervient régulièrement dans les médias pour analyser l'actualité politique et sociale. Il est entre autres l’auteur de "Retrouver la république" (Cherche Midi Éditeur). 

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A de nombreux égards, alors qu’approchent les traditionnels dîners de fêtes en famille que l’imaginaire collectif dépeint comme des lieux de virulents débats politiques, il y a fort à parier, cette année, que la prochaine élection présidentielle sera dans toutes les bouches.  Alors que le tissu social du pays est durement éprouvé par les tempêtes sociales, économiques et sanitaires que nous avons traversées ces derniers mois, le durcissement du discours identitaire est le symptôme d’une époque qui fait tout mélanger et qui nous fait perdre, collectivement, sous couvert de toucher du doigt la réalité des sujets, sa boussole citoyenne.

À en croire certains, la France serait en danger de disparition. Elle serait menacée, elle, le pays centenaire, la civilisation du progrès, le pays des Lumières…par les prénoms qu’attribueraient certains parents à leurs enfants ! Avant toute chose il faut répéter ici l’évidence : c’est bien des parents et non des enfants dont ce choix dépend. Or, la focale du débat public prend inexorablement et inévitablement les seconds comme témoins de choix qu’ils n’ont pas faits, d’intentions qu’ils n’ont pas exprimées, et dont, comme d’ailleurs tout ce qui a trait à leur naissance, ils ne sont pas les dépositaires. Ici réside précisément l’humiliation que peuvent ressentir certains de nos concitoyens, nés en France, qui voient leurs prénoms analysés indépendamment de tout choix de leur part : par idéologie, au nom d’un passé qu’ils glorifient et déifient mais qu’ils n’ont jamais connus, les instigateurs de ce débat condamnent des individus à peine nés. Si nous devions les juger, faisons-le sur la base de ce qu’ils font, et non ce qu’ils sont.

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Outre le seul débat autour des prénoms, ce marronnier de l’actualité, cristallisé chez beaucoup par la peur du déclin ou l’angoisse de voir la France changer de visage social et culturel, cache en réalité un questionnement sur la fabrique des citoyens et l’articulation entre l’identité, personnelle, et la citoyenneté, dont l’acception collective ne fait nul doute. Dans ce débat, où hélas trop souvent la raison et la mesure ont cédé le pas au galopant attrait de l’émotion et de la réaction, les uns brandissent « l’assimilation », les autres « l’intégration »… et les principaux concernés, nés en France, comptent les points.

S’il faut rappeler que l’assimilation qualifie la politique employée durant la IIIème République par Jules Ferry visant à « fabriquer des français » en contraignant les peuples colonisés à abandonner leurs cultures aux dépens de la française, aujourd’hui, l’utilisation de ce terme est empreinte de l’idée, plus ou moins consciente, selon laquelle on ne pourrait être français qu’à la condition d’abandonner, ou tout du moins d’opérer une hiérarchie entre deux (ou plusieurs) cultures. Assurément il n’en est rien : la France, sa langue, sa culture et son Histoire n’ont rien à perdre ni à craindre des autres. Quant à l’intégration, si elle sous-entend, cela va de soi, que les personnes qui vivent en société doivent accepter de se plier aux règles et lois de la République, elle doit être employée avec parcimonie car elle ne concerne que les nouveaux arrivants, et non les binationaux nés en France. En enjoignant ces derniers à s’intégrer, les politiques qui le font ôtent à ces français de naissance leur qualité de citoyens, du simple fait que l’Etat et/ou leurs parents auraient failli en matière d’intégration, prenant ainsi le risque qu’ils s’éloignent encore plus de la société. Tel serait pris, donc, qui croirait prendre !

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Chacun l’aura compris, la fabrique des citoyens et l’unification du corps social – qui ne signifie pas son uniformité – est au cœur de l’enjeu politique que la prochaine élection présidentielle va trancher. Quand les uns voudraient que la France ne soit que l’addition de 66 millions d’identités, uniformes, identiques, univoques et indifférenciées, que les autres, à l’autre extrême, revendiquent la différence au point de nier toute dimension collective de l’appartenance à la société, nous devons faire le seul choix qui vaille : 66 millions d’identités fières, sereines, apaisées ; une citoyenneté, généreuse mais ferme sur ses principes, tolérante et fraternelle. Car non, la France n’est pas une assignation aux origines, elle est l’adhésion à un chemin commun.

 Jad ZAHAB

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