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Le naufrage du Titanic : de l’insouciance à l'angoisse
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plan drague

Le 15 avril 1912, le Titanic coulait. 100 ans plus tard, Philippe Masson reconstitue "Le drame du Titanic" et éclaire d’une lumière inédite le plus grand fait divers du XXe siècle. Au début du naufrage, les passagers pensent encore qu'ils regagneront le paquebot après l'incident et profitent de l'installation des canots pour séduire les passagères...(Extrait 1/2)

Philippe Masson

Philippe Masson

Philippe Masson (1928-2005) est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages remarqués sur l’histoire maritime. Agrégé 
d’histoire, il a dirigé de nombreuses années la section historique de la Marine à Vincennes

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Les chevaliers servants donnent d’ultimes recommandations aux femmes « non protégées » qu’ils chaperonnent depuis le départ. Un jeune Danois a pris ainsi sous sa coupe deux charmantes Finlandaises qu’il est allé chercher dans leur cabine muni de gilets de sauvetage. Le colonel Gracie accorde toutes ses attentions à quatre Américaines de retour de Londres où elles ont assisté à un enterrement. Deux millionnaires patentés, H. Case, le directeur de la Vacuum Oil, et W. Roebling, le fils du roi de l’acier, aident à monter dans le canot Mme Graham, sa fille de dix-huit ans et la gouvernante Miss Shutes.

Quant à Edward Kent, il fait des jaloux. Il a le privilège d’embarquer Mme Churchill Candee, une femme ravissante, qui revient de Paris, où elle a rendu visite à son fils, victime d’un accident d’aéroplane. Après avoir salué cette aimable compagne, Kent l’assure qu’il l’aidera à remonter à bord dès que le Titanic aura « retrouvé son assiette ».

Au cours des premiers départs, l’insouciance persiste. Quolibets, plaisanteries fusent. « A bientôt, bonne promenade ! Ne vous perdez pas ! N’allez pas trop loin. » « Si vous n’avez pas de contremarques, vous ne pourrez pas remonter à bord ! » Un mari crie à sa femme, au moment où un canot amorce sa descente : « Mets tes mains dans les poches, il fait froid ! » Les fumoirs, les vérandas, les salons sont toujours loin d’être vides. Hommes et femmes devisent calmement, agréablement. Certains tiennent un verre de whisky à la main. Des groupes de passagers de troisième classe s’obstinent à rester dans leurs locaux où la lumière brille, où il fait chaud. Ils fuient l’atmosphère glaciale des ponts, à demi plongés dans l’obscurité. Sous la direction de son chef, W. Hartley, l’orchestre s’est réuni sur le pont à côté de la seconde cheminée et attaque des airs à la mode.

Toutefois, un peu après une heure, une angoisse se dessine, qui devient de plus en plus oppressante. Le doute n’est plus permis, le désastre est inévitable. L’inclinaison vers l’avant s’accentue, de même que la gîte sur tribord, à telle enseigne que le second, Wilde, finira même par crier : « Tout le monde à bâbord ! », dans l’espoir de redresser le bâtiment ! L’eau gagne, la mer effleure maintenant la plage avant.

Dans les fonds, les chauffeurs, les mécaniciens comprennent que la fin est proche. Il ne s’agit plus que d’un combat en retraite. Dans la chaufferie 5, envahie par un brouillard provoqué par l’eau jetée sur les foyers pour les éteindre, les hommes s’efforcent de maintenir le débit des pompes. Les lampes n’arrivent plus à percer cette brume épaisse. Marchant à l’aveuglette, le chauffeur, Shepard, tombe dans un trou d’homme et se casse la jambe. Trois camarades le transportent à l’extrémité de la chaufferie, dans la chambre des pompes.

Dix minutes plus tard, dans un fracas épouvantable, la cloison cède et l’eau envahit la chaufferie. Les hommes n’ont que le temps d’escalader les échelles à l’exception d’un seul, qui disparaît dans un tourbillon d’eau noirâtre au moment où il atteint l’entrée de la salle où gît Shepard.

Encore trente minutes et le compartiment 4 est atteint à son tour. Tout espoir est perdu. Andrews avait raison. Les officiers mécaniciens, malgré la baisse constante de pression, réussissent cependant à maintenir suffisamment d’énergie. Ils font éteindre l’un après l’autre les 45 ventilateurs électriques.

Lightoller, lui aussi, est maintenant sans illusion. De temps en temps, il effectue une brève incursion dans la descente réservée à l’équipage, à l’arrière de la passerelle. Inexorablement, l’eau monte, recouvre les marches de fer. Ou plutôt non, ce n’est pas l’eau qui monte. Le niveau de la mer reste immuable. C’est le navire qui lentement, progressivement s’enfonce dans les profondeurs. Même noyées, les ampoules électriques continuent à donner une lumière glauque, lugubre, une image qui restera gravée dans la mémoire de l’officier.

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Extrait de Le drame du Titanic - édition Tallandier (5 avril 2012)

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