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Insémination post-mortem : la France est-elle en train de reconnaître sans le dire cette pratique de plus en plus répandue dans le monde anglo-saxon ?
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La Nuit des morts-vivants

De plus en plus, les proches de personnes disparues dans des conditions tragiques veulent avoir recours à la procréation post-mortem. Selon les pays, la loi encadre ces pratiques différemment...ou pas du tout.

Perdre un mari, un amant, un fils d'une mort subite et vouloir en extraire la vie ? C'est une question de plus en plus posée. Y compris en France, depuis que ce mardi 31 mai le Conseil d'Etat a autorisé une veuve espagnole à récupérer le sperme de son mari décédé en France, une pratique pour l'instant interdite en France mais autorisée dans son pays. Cette pratique existe dans plusieurs pays, et est plus ou moins en vigueur. 

Epouses de soldats tués au Moyen-Orient, veuve d'un homme plus âgé parti après un arrêt cardiaque, parents d'un jeune homme victime d'un accident de moto… Des exemples très différents. Pourtant, tous se rejoignent dans l'idée de continuer à faire vivre ces êtres chers dans la fécondation post-mortem d'un bébé.

Alors comment faire pour récupérer les gamètes de ces hommes morts ? Une petite chirurgie quelques heures après l'annonce du décès suffit. Une incision des testicules, et le chirurgien récupère le sperme qui lui est encore vivant et le reste entre 12 heures et jusqu’à 36 heures après la mort. En 2015, des médecins australiens ont même réussi, à la demande de l'épouse, à prélever le sperme d'un homme décédé depuis 48 heures. Après insémination, sa veuve a pu mettre au monde un bébé en pleine santé, aujourd'hui âgé d'un an.

Une pratique qui ne date pas d'hier. C'est un urologue américain, Cappy Rothman, qui, dès 1970, procède à la première extraction post-mortem de sperme. Ça se passe à Los Angeles. Depuis, les médecins américains  pratiquent cette petite opération sans aucune réglementation. Aujourd'hui, Cappy Rothman possède la plus grande banque de sperme des Etats-Unis et a procédé 200 fois à cette opération post-mortem cette année, contre 3 dans les années 1980 et 15 dans les années 1990.

Face à ces choix désespérés de veuves ou de parents, les pays réagissent différemment. Cette pratique soulève évidemment des questions éthiques à chaque nouveau cas. Ainsi si les Etats-unis, la Belgique, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni autorisent ce prélèvement post-mortem, la France est un des pays qui limitent le plus strictement l'accès à l'assistance médicale à la procréation en général et à la procréation post mortem en particulier. La loi du 29 juillet 1994  réserve l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux parents vivants et en âge de procréer. L’Allemagne et la Suède ont également interdit cette pratique de prélèvement post mortem quand l’Australie et la Grande-Bretagne demandent un consentement écrit du donneur avant son décès.

Malgré tout, d'un point de vue international, cette question reste un grand flou éthique et juridique. D'ailleurs plusieurs demandes de préservation de sperme post-mortem faites autour du monde ont fait la une des journaux.

En France, le premier cas remonte à 1984 : Corinne Parpalaix réclame à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre de pouvoir utiliser le sperme prélevé trois ans plus tôt à son mari. La direction du Cecos (Centres d'Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme)  refuse : seul l'intéressé pouvait disposer de sa semence, et il est mort. La veuve porte le cas en justice et obtient gain de cause. Le juge estime que cette pratique "ne heurte pas le droit, l'une des fins du mariage étant la procréation". En vain d'ailleurs, puisqu'aucune grossesse n'aboutit.

Aux Etats-Unis, comme aucune loi n'encadre cette pratique, les problèmes patrimoniaux apparaissent. La morale aussi fait parfois exception : en mars 2009, l'Etat de New York refuse aux grands-parents d'un jeune homme de 23 ans, Mark Speranza, mort d'un cancer, le droit d'utiliser sa semence. Ils voulaient faire appel à une mère porteuse pour avoir un petit-fils.

Mais c'est en Grande-Bretagne qu'une telle pratique fera le plus grand bruit en 2002 avec l'affaire Diane Blood. Son mari ayant contracté une méningite qui l'a plongé dans le coma, Diane Blood sollicite une insémination qui lui est refusée ; elle demande alors à pouvoir exporter le sperme congelé vers la Belgique afin d'y faire procéder à l'insémination. La Cour d'appel va accepter, considérant que l'opération est un "service" que la jeune femme est en droit d'obtenir dans un autre pays de la Communauté. 

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