"Inquisitio" : quand les fictions françaises explosent les séries américaines<!-- --> | Atlantico.fr
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La série "Inquisitio" a fait décoller les audiences de France 2 et attisé la colère de l'Eglise.
La série "Inquisitio" a fait décoller les audiences de France 2 et attisé la colère de l'Eglise.
©DR

"Exception" culturelle ?

Ce soir, France 2 diffuse les 3e et 4e épisodes de sa série "Inquisitio", une fiction "made in France" qui a eu raison de "Smash", la série américaine produite par Steven Spielberg et diffusée sur TF1. Une victoire symbolique, mais qui est la marque du renouveau de la fiction française.

Paul-Antoine Solier

Paul-Antoine Solier

Paul-Antoine Solier est responsable du développement d’une société de production de télévision. Il est diplômé de l’EM LYON et titulaire d’une maîtrise de Droit Public à l'Université Paris II.

Pour le suivre sur Twitter, c'est ici.

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Une crise systémique et non artistique

La fiction française est depuis plusieurs années dans un cercle vicieux. La production d’un épisode de fiction française coûte 4 fois plus cher que l’acquisition d’un épisode d’une série américaine, pour des audiences souvent inférieures. En moyenne, la diffusion d’un épisode d’ « Esprits Criminels » sur TF1 est 10 fois plus rentable que la diffusion de « Doc Martin » avec Thierry Lhermitte. Plus chères, moins regardées et donc moins rentables, pas étonnant que les chaînes de télévision rechignent à commander des productions françaises. Pourtant,les auteurs français ne sont pas moins bons que les auteurs américains ou britanniques. Il suffit de voir des séries comme « Les hommes de l’ombres » diffusée sur France 2 en 2012, et « Engrenages »,  dont la 4e saison arrivera à la rentrée sur Canal+,  pour s’en convaincre. Le problème est  systémique et les verrous sont enfin en train de sauter.

On sort enfin du franco-français

En France, quand une industrie artistique souffre, on fixe des quotas. On impose aux chaînes des quotas de fiction française pour donner un peu d’oxygène à une filière au bord de l’asphyxie. On ne peut pas dire que le recourt aux quotas ait porté ses fruits en ce qui concerne l’industrie du disque. On maintient dans un coma artificiel mais on ne soigne pas. Cette stratégie a tendance à enfermer la filière dans un marché franco-français. Résultat, notre manière de produire ne correspond pas au marché international : nos fictions de prime time sont trop longues (90’ contre 52’ voire 45’ à l’étranger), nos saisons sont trop courtes et on ne traite que des sujets franco-français.

Heureusement, cela est en train de changer. Le CNC, principal soutien de la fiction française, encourage aujourd’hui les formats calibrés pour l’exportation. 8 millions d’euros supplémentaires seront investis pour inciter les diffuseurs et les producteurs à créer des séries plus longues (au-delà de 6 épisodes) dans des formats d’épisodes plus courts.

Les coproductions internationales

Concurrencée sur le foot par Al Jazeera, Canal +, chaîne « premium », met le paquet sur les fictions en proposant à ses abonnés des créations originales de qualité. Depuis plusieurs années, la chaîne cryptée mise sur les coproductions internationales ce qui permet d’augmenter les budgets de production et d’envisager des séries plus ambitieuses. Pour sa série phare de l’année 2012 « Borgia », Canal+ a fait appel au scénariste américain Tom Fontana et a tourné en anglais. Mais est-ce encore de la fiction française ? Peu importe. C’est le principe du « transfert de technologie ». Les jeunes auteurs et producteurs français, déjà addicts aux séries américaines, peuvent se former auprès de leurs maîtres et c’est toute la filière française qui devient plus performante. C’est d’ailleurs les séries Canal qui s’exportent le mieux, même les 100% made in France : « Braquo », « Mafiosa », « Engrenages »… 

Au-delà de promouvoir la fiction française, pourquoi ne pas plutôt encourager les coproductions européennes si on veut à tout prix concurrencer l’Amérique du Nord ? Ainsi, France 3 va prochainement diffuser « La Chartreuse de Parme » superproduction franco-italienne. Déjà diffusée en Italie sur la RAI, la série qui réunit François Berléand, Hyppolite Girardot et Marie-Josée Croze, a été largement en tête des audiences.

Un vrai savoir faire sur les fictions courtes

En France, on n’a pas de pétrole mais on a de l’humour. Faute de budgets pharaoniques, les producteurs sont passés maîtres dans le format court d’humour. Le concept de « Caméra Café » s’est d’ailleurs exporté dans une vingtaine de pays. Toutes les grandes chaînes françaises veulent leur short comedy. A la suite du succès de « Scènes de Ménages » sur M6 (concept d’origine espagnol), TF1 a répliqué avec « Nos Chers Voisins ». Ces fictions courtes et quotidiennes, produites de manière industrielle, sont une rampe de lancement et une très bonne école pour de nombreux jeunes auteurs. Mention spéciale à la série « Bref » qui est devenue culte en une seule et unique saison. Les short comedies ont également de l’avenir sur la TNT, notamment avec la nouvelle chaîne de fiction HD1 du groupe TF1. NT1 a déjà lancé  « MON FRIGO M’A DIT » avec succès, une fiction courte réunissant deux stars montantes de l’humour Amelle Chahbi et Noom Diawara.

Pas sûr qu’ « Inquisitio » renouvèle ce soir l’exploit de battre TF1 en prime time. La chaîne privée a en effet déprogrammé « Smash» et aligne une de ses meilleures cartouches, « Esprits Criminels ». Qu’importe, la fiction française a amorcé sa mutation et ces premiers bons résultats marquent le début… d’une longue série !

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