Indochine : 40 ans d'un succès français<!-- --> | Atlantico.fr
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Indochine 40 ans
Indochine 40 ans
©DR

Joyeux anniversaire

Le groupe Indochine célèbre ses 40 ans. Après des débuts snobés par la presse, une traversée du désert dans les années 1990, le décès d'un membre majeur, le groupe a toujours su se réinventer. Christian Eudeline décrypte les spécificités d'Indochine à l'occasion de cet anniversaire.

Christian Eudeline

Christian Eudeline

Christian Eudeline est journaliste (VSD, Les Échos, Schnock, Juke Box Magazine...), auteur d'une vingtaine d'ouvrages de référence sur la musique, dont Du hard-rock au métal, les 100 albums cultes (Gründ), Punk, les 100 albums cultes (Gründ), Nos années punk (Denoël), et de biographies : Indochine, Jean-Louis Aubert intime (Prisma), U2 L'intégrale (Gründ), Christophe, Portrait du dernier dandy (Fayard), Derrière les lunettes, La biographie de Michel Polnareff (Fayard), Daniel Darc, Une vie (Ring), Christian Eudeline est avant tout un passionné. De musique sous toutes ses formes, mais particulièrement du rock et tous ses dérivés. 

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Atlantico.fr : Le groupe Indochine célèbre ses 40 ans. Pour quelles raisons Indochine est le seul groupe français à avoir connu un tel succès ? Quelle est la recette d'Indochine pour être un groupe à succès ?

Christian Eudeline : La première recette c’est d’écrire des bonnes chansons. Il n’y a pas de recette miracle ou de secret. C’est une alchimie particulière. Il y a ensuite plein de choses qui vont l’habiller. Notamment des concerts de qualité. Une connivence et une histoire avec le public s’instaure alors.

Quand vous regardez l’histoire d’Indochine, les premiers albums, à chaque fois il y a des morceaux qui vont marcher. Le tout premier single « Dizzidence Politik » retient l’attention des personnes qui sont un peu branchées, les lecteurs un peu pointus de Best et de Rock & Folk qui aiment le rock français. Et ensuite « L’Aventurier » est un énorme succès. Le groupe a des chansons qui vont plaire et toucher le public.

Si vous prenez cette recette-là et que vous vous posez la question sur toute l’histoire du rock français, des Chaussettes noires, à Martin Circus en passant par Johnny Hallyday, il y a les chansons à la base. Il y a ensuite la volonté de rendre les choses pérennes.

Le groupe Indochine d’il y a 40 ans n’est plus le même qu’aujourd’hui. C’est ce qui a expliqué le succès sur la longueur. Le groupe n’a jamais cessé de se réinventer. Le nom est resté. La figure de proue est restée. Mais le groupe est totalement différent. C’est un peu comme si pour les Rolling Stones, il n’y avait plus uniquement que Mick Jagger et Keith Richards.    

Avec ce 40ème anniversaire, comment Indochine arrive à fédérer autant de générations ? Qu'est-ce qu'Indochine représente pour ses fans et pour le rock français ?

Le rock français, on ne sait pas trop ce que c’est en définitive. Est-ce que c’est du rock made in France ? Est-ce que c’est du rock chanté en français ? Le rock français est une sorte de nébuleuse qui va de Henri Salvador en 1956 et se prolonge ensuite avec Johnny Hallyday qui fait du rock français mais qui va se concentrer sur des adaptations. Ensuite, vous avez Antoine qui fait « Les Elucubrations », vous avez ensuite dans les années 1970 Magma, Triangle, Martin Circus, des groupes pop. Vous avez le punk rock qui arrive. Et une vague débarque ensuite avec Indochine, Taxi Girl et puis Téléphone.

L’électricité est alors à la base de cette nouvelle approche musicale. On n’est pas sur du Cabrel, on n’est pas sur du Adamo. On est forcément sur du rock. Indochine c’est du rock à cause de tout ça. Au début, c’était un peu plus new wave, où le synthétiseur était très années 80, on pense à Jacno. Aujourd’hui, ce sont des machines et des claviers mais plus dans une optique digne de Marilyn Manson. Le groupe a su évoluer. C’est du rock dans toute sa richesse.

Le groupe a une histoire, de ses premier succès en 1981 aux ultimes concerts ces dernières années, on va fêter les 40 ans.   

On se rend compte qu’il y a des chansons qui vous marquent. Vous en avez une très importante au début et une encore plus importante comme « J’ai demandé à la lune » qui intervient 15 ans après et qui arrive après une sorte de creux de la vague et après la disparition de Stéphane Sirkis, le frère du chanteur Nicola Sirkis. Le groupe est également marqué par une sorte de romantisme. Indochine ne fait pas que chanter des chansons comme une vulgaire idole pop. Le groupe a une histoire, avec des  hauts et des bas, des blessures et puis des drames. Le groupe évolue.

Les papas ou les mamans ont ainsi quelque chose à raconter à leurs enfants. Et puis ils vont les emmener. Le son a évolué vers quelque chose de plus novateur et de plus actuel. Dans les années 90, ils étaient portés sur le rock un peu violent, assez proche de Nirvana avec les guitares très en avant.

A travers cette évolution, le groupe accroche ainsi plusieurs générations. Nietzsche l’a dit avant moi : « tout ce qui ne tue pas me rend plus fort » et au bout de 40 ans vous avez, grand-père, papa et le fiston. Vous avez quasiment trois générations de fans qui ont été marqués par le groupe et qui ont accompagné son histoire.

L’un des secrets également est que nous sommes dans un univers gothique. Ca parle de l’adolescence, de la mort, de la sexualité, de l’amour et de tous ses tourments. Quand on a 15 ou 50 ans, on peut relire Baudelaire ou Lautréamont ou Le Moine d’Antonin Artaud. Tout cela fait partie d’Indochine. On peut regarder des films de Tod Browning. C’est tout cet univers gothique qui n’est pas très loin de la culture que Nikola Sirkis insuffle dans son groupe.

Est-ce que les divers éléments (l'acharnement médiatique, les critiques de la presse spécialisée des premières années, les divers événements tragiques du groupe) ont renforcé les liens entre les fans et le groupe ? Le mystère entretenu par le groupe est-il un des éléments clés du succès ?

Il est évident que la jalousie est un moteur. Quand vous avez du succès, cela rend jaloux tout le monde. Mais quand vous proposez un deuxième ou un troisième succès comme « Trois Nuits par semaine », la presse spécialisée qui se moque est obligée de se dire que le public aime et qu’elle va devoir essayer de s’y raccrocher.

Un succès, vous pouvez vous en moquer. Il y a plein d’artistes qui ont enregistré une chanson seulement. On peut les inviter pour une séquence nostalgie mais cela ne construit pas une carrière.

Indochine est un groupe qui a prouvé qu’il disposait de grandes capacités d’écriture avec de nombreux tubes réguliers et avec des inspirations différentes. Il y avait notamment un album qui était très acoustique à la fin des années 80. Là, c’est une carrière. La presse spécialisée essaye alors de retourner sa veste.

Dans le public, il y a eu un creux dans les années 90 où là c’est un peu plus compliqué parce que le business a changé avec l’explosion de l’electro, du rap, le grunge avec le suicide de Kurt Cobain et qui met un rideau final à cette histoire du rock. Indochine a une sorte de creux. Ce sont des professionnels qui sont un peu perdus aussi. Car sur scène, l’énergie est toujours là. Je me souviens d’être allé au Zénith en 94 ou 95. Le Zénith était complet. Le public adorait les chansons. Sur scène, ils n’ont jamais été versés dans le passé. Quand ils font des succès, ce n’est pas une séquence nostalgie. Ce n’est pas un tour de chant. Ce n’est pas comme Michel Polnareff qui fait « La Poupée » pour la 50.000ème fois ou « Holidays ». Pour les concerts d’Indochine, les titres sont vraiment réactualisés, changés. Il y a un vrai amour du public.

Nikola et le groupe Indochine aujourd’hui pensent également à leur public. Les places de concerts ne sont pas chères. C’est un vrai message. Merci pour l’amour que vous nous rendez. Ils proposent les places les moins chères quand vous allez voir un concert dans une grande salle. Les tarifs restent abordables. A titre de comparaison pour n’importe quel autre artiste, les tarifs sont deux à trois plus importants. Il y a un donc vrai respect pour le public, en plus de la qualité qui est proposée sur scène ou dans les disques. Ce sont des éléments qui participent également au succès du groupe.

Le monde de la culture, les artistes et les musiciens sont particulièrement touchés par la crise du Covid-19. Quelles sont les perspectives pour Indochine qui fête ses 40 ans ? Le public va-t-il pouvoir à nouveau « communier » avec ce groupe qui a accompagné des générations de Français ?

Le problème du concert live en ce moment est majeur. Indochine doit repartir sur les routes dans six mois dans le cadre d’une tournée des stades. Cela va être exceptionnel. Cela ne sera pourtant pas facile si le public ne peut pas se lever, n’a pas la possibilité de danser et si Nikola ne peut pas se jeter dans la foule à un moment.

La scène c’est une communion autant pour le public que pour le groupe qui est sur l’estrade. Le groupe ne vient pas récupérer son salaire. Il vient présenter ses chansons et s’éclater autant que le public.

Cela sera donc très compliqué pour la musique live tant que l’on n’aura pas de traitement ou de solutions. Ou alors on la fait à la punk, sans les distanciations. Mais avec ces règles sanitaires, il n’y a pas d’ambiance.

Dans le cadre des 40 ans du groupe, une boutique éphémère Indochine a d’ailleurs été ouverte à Paris ce week-end, pour quatre jours et ce jusqu’au lundi 31 août, au Palais-Royal. Des albums, des goodies sont proposés aux fans. Il est possible d’y accéder par rendez-vous en cette période de crise sanitaire. La boutique éphémère rencontre un franc succès.

Christian Eudeline a publié "L’Aventure Indochine, l’histoire singulière d’un groupe mythique" aux éditions Prisma.

Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

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