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Inde : la guerre entre  humains et éléphants devient de plus en plus sanglante
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A l'éléphant !

Dans certaines zones Est de l'Inde, un conflit millénaire est en train de prendre une ampleur peu commune. L'éléphant et l'homme luttent pour la maîtrise du territoire. Et contrairement à ce que vous pouvez penser, ce n'est pas toujours l'homme qui l'emporte.

William de Tamaris

William de Tamaris

À 9 ans, William de Tamaris parcourt le Rajasthan avec ses parents. C’est, dit-il, son « plus ancien souvenir d’enfance ». Il y retourne dès qu’il peut, un sac au dos et 50 euros en poche. Il tombe amoureux. D’abord du pays, puis d’une Indienne. Il emménage avec elle à New Delhi, la capitale, et devient journaliste.

Il publie en 2017 un reportage dans XXI n°37 sur le conflit autour des abbatoirs en Inde, "Sacrées vaches!".

 

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Atlantico : Dans l'Est de l'Inde, un violent conflit oppose en ce moment des populations locales à des troupeaux d'éléphants dans les forêts d'Orissa de Chhattisgarh. La BBC évoque 1400 morts du côté humain depuis 2013 et 100 éléphants tués. Est-il exagéré de parler, comme la chaîne anglaise, de guerre entre les éléphants et la population ?

William de Tamaris : Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce n'est pas un phénomène récent. Cela fait des milliers d'années qu'il y a des problèmes avec les éléphants, surtout dans ces régions qui sont très sauvages, avec une importante faune et de très nombreux troupeaux d'éléphants. Les images que l'on peut trouver avec des populations locales en cortège, frappant sur des bonbonnes ou des tambours, et agitant des flambeaux pour chasser les éléphants correspondent à des techniques existantes que l'on aurait pu voir à l'œuvre aux mêmes endroits il y a mille ans. Bref, ce n'est pas la première fois que des éléphants rentrent dans des villages de ces régions.

Ce qui a changé, c'est d'abord qu'on a des images de ce phénomène, et qu'il est vrai que c'est plus fréquent. Cela s'explique par le fait que les zones sauvages de la vie en Inde se rétrécissent terriblement. Dans le cas d'Orissa et de Chhattisgarh, ce sont principalement les mines et les industries lourdes installées récemment qui entrainent l'agrandissement des villages et le mitage des forêts par l'urbanisation et l'agrandissement des champs de paysans locaux. Et donc il y a plus de chance de rencontrer un éléphant. Et d'ailleurs il ne s'agit pas que des éléphants, c'est le cas pour toute la vie sauvage. En Inde, il y a par exemple un gros problème avec les léopards. À Bombay, ville de 18 millions d'habitants, il y a des léopards. L'urbanisation et par effet domino les champs mangent progressivement la forêt. C'est ainsi que l'on peut trouver des éléphants sur les autoroutes ou dans les villes aujourd'hui. Si c'est aussi violent à chaque fois, c'est parce que les habitants locaux ont peur des éléphants et que les éléphants ont peur de l'homme – sachant que les éléphants ont une très bonne mémoire, il n'est pas rare qu'un éléphant qui ait été effrayé une fois, le soit à chaque fois par la suite. Et il y a le fameux problème des "havoc", les "havoc" étant le moment où les éléphants fait une sorte de crise de furie et ravage tout. C'est là encore quelque chose de connu, et c'est principalement ça qui fait des dégâts aujourd'hui.

Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une guerre, mais bien d'un conflit de territoire. Tout en sachant qu'en Inde, les hommes ont très peu tendance à attaquer ou abattre les animaux. On va plutôt les chasser avec des tambours ou du feu. Cela s'explique par le fait que l'éléphant reste fortement attaché à Ganesh, le dieu préféré de nombreux Indiens. D'ailleurs la BBC le montre très bien : il n'y a que 100 éléphants morts contre plus d'un millier d'humains. Mais le problème est bien pris en compte, car il est certain qu'un troupeau de 15 éléphants qui débarque dans un village, cela fait de gros dégâts.

Ce genre de conflit animal versus humain est-il comparable à celui que connaissent éleveurs et protecteurs de la nature autour du loup en France ?

L'éléphant en lui-même n'est pas comparable avec le loup, bien entendu parce qu'il ne s'agit pas d'un prédateur et qu'il ne touche donc pas les troupeaux.  En revanche, il y a des problèmes de destruction d'habitats ou de cultures. Un peu comme pour les sangliers en France. Alors il y a certainement quelques villages qui en ont marre et qui vont abattre un éléphant – tout en sachant que l'ivoire est rentable - mais les morts sont plus probablement liées à des accidents de la route. Et 100 morts depuis 2013, c'est un tout petit chiffre pour un pays à l'échelle de l'Inde ! On parle de dizaines de milliers d'éléphant dans ce pays (la plupart des sources s'accordent sur une population d'une trentaine de milliers d'éléphants sauvages). Il n'y a pas de massacres – là où le loup a d'abord été éradiqué en France avant d'être réintroduit.

Et il faut bien voir que le loup concerne principalement des populations rurales, là où l'éléphant touche aujourd'hui des populations urbaines qui s'installent dans ces zones pionnières rurales. Et il faut bien prendre en compte que quand on parle de village, on parle de plusieurs milliers de personnes.

En outre, tuer un éléphant, c'est une affaire autrement plus difficile que de tuer un loup. C'est une grosse bête !

Quelles sont les solutions proposées par les différentes parties aujourd'hui ?

Les principaux acteurs sont les gouvernements, aussi bien fédéral que local, et les ONG, qui proposent des solutions d'éducation pour faciliter la cohabitation. Les réponses sont compliquées dans ce contexte actuel d'urbanisation croissante. Mais on essaye de leur apprendre à ne pas provoquer les animaux pour commencer. Ce sont les ONG qui sont très actives sur ce point, avec WWF en tête. Je les ai vu travailler à Ranthambore -une grande réserve naturelle - sur un autre dossier, celui des tigres – qui viennent manger le bétail. Car le problème, c'est qu'il y a des gens qui vivent dans ces réserves naturelles (c'est très différent de la France, où à part les Cévennes, les parcs sont souvent sans population humaine).

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