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Incendie à Notre-Dame de Paris : les minutes décisives pour sauver les saintes reliques
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Bonnes feuilles

Sébastien Spitzer publie "Dans les flammes de Notre-Dame" aux éditions Albin Michel. 15 avril 2019, 19 heures 50. Sidération et impuissance : le monde entier a les yeux braqués sur la cathédrale Notre-Dame de Paris livrée au feu. Le compte à rebours a commencé : il faut sauver la cathédrale. Ce livre raconte les coulisses d'une soirée historique. Extrait 2/2.

Sébastien Spitzer

Sébastien Spitzer

Sébastien Spitzer est journaliste free-lance pour TF1, M6 ou Rolling Stone. Il a réalisé plusieurs enquêtes sur le Moyen-Orient, l'Afrique et les États-Unis. Il est l'auteur de "Ennemis intimes, les Bush, le Brut et Téhéran" en 2006 aux éditions Privé. "Ces rêves qu’on piétine" (2017), son premier roman, met en lumière les ombres de Magda Goebbels et de ceux qui tentent de survivre à l’enfer. Ce roman a été traduit dans plusieurs pays et a été couronné par de nombreux prix littéraires.

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Sous une tente réservée aux personnalités, l’aumônier croise le président Macron, son épouse, le Premier ministre, la maire de Paris et le recteur de Notre-Dame.

– Monseigneur.

– Ah, c’est vous, mon père, lui répond Mgr Chauvet. Il faut y aller. Dépêchez-vous. Il faut aller sauver le trésor !

– La sainte couronne !

– Oui, oui, bien sûr, mais aussi la tunique de Saint Louis, et puis le morceau de croix, et puis la Présence réelle, et puis…

Le père Fournier sait tout cela. Il connaît bien tous les trésors que recèle Notre-Dame. Mais ce qui le stupéfie, c’est qu’ils y soient encore.

– Ils n’ont pas été évacués ?

– Non, non, trépigne Mgr Chauvet. Il faut y aller. Vite. Avant que tout s’effondre.

L’aumônier se décompose. Il sent le sol qui se dérobe. Il pensait que c’était fait. C’est une priorité vue et revue, pourtant. En cas d’incendie de Notre-Dame, il faut sauver le trésor. Et donc, la couronne. Cette relique est l’un des plus importants trésors du christianisme. C’est celle que portait le Christ quand il fut crucifié. Cela fait deux mille ans qu’elle survit à l’Histoire, aux guerres, aux accidents. Cela fait deux mille ans qu’elle est célébrée comme un vestige unique. L’aumônier le sait bien. C’est lui, qui, tous les vendredis saints, la présente aux fidèles, à Notre-Dame ou ailleurs. Cette fonction lui revient depuis qu’il a été fait chevalier de l’ordre du Saint-Sépulcre, créé au XIe siècle, du temps des bâtisseurs de cathédrales et de la prise de Jérusalem par les croisés, en 1099.

– Elle est à l’abri dans son coffre. Mais il ne faut pas traîner.

– Bien sûr, monseigneur. J’y vais tout de suite. Mais il doit y avoir un code. Quel est le code du coffre ? lui demande le père Fournier.

– Le code ? Mon Dieu, non. Je ne l’ai pas, ce code. Comment voulez-vous… ?

Le recteur de Notre-Dame est commandeur de l’ordre du Saint-Sépulcre, le plus ancien des ordres pontificaux. Ils sont moins de mille en France. Ses chevaliers portent la cape blanche et les cinq croix brodées dessus, comme les cinq plaies du Christ. Leur mission : protéger les saintes reliques que Louis IX, futur Saint Louis, fit rapporter de Constantinople.

L’affaire remonte à 1239. La couronne passa des mains de l’empereur de Byzance au roi de France, contre une petite fortune parce qu’elle était déjà mise en gage auprès de banquiers vénitiens. Saint Louis paya le prix fort. Il ramena la couronne. Il la porta lui-même dans Paris en liesse, délaissant ses atours pour une simple tunique, et fit construire pour elle la fameuse Sainte-Chapelle qui se dresse près de Notre-Dame, sur la même île qu’elle, l’île de la Cité.

Depuis 1806, la fameuse couronne, rescapée de l’Empire romain, des invasions perses, des manigances vénitiennes, de la Révolution française et de la folie destructrice de 1793, est cachée ici, dans Notre-Dame, à l’abri d’un coffre-fort garanti contre l’eau, le feu et toutes les agressions chimiques ou bactériologiques évoquées depuis que Paris vit sous le régime d’une autre terreur, fanatique celle-ci.

Non, lui non plus, le père Fournier n’a pas le code.

– Il faudrait le demander aux sacristains, explique Mgr Chauvet. Mais ils sont injoignables.

Les portables ne passent pas. On ne trouve plus personne. Ils sont je ne sais pas où. Il faut les retrouver.

– Je m’en occupe, répond le père Fournier.

Il s’élance vers la cathédrale. Il enjambe des dizaines de tuyaux de lance répandus sur le sol comme un nid de serpents. Des rouges. Des blancs. Des gris. Le parvis est trempé. Il luit sous un ciel d’incendie où le brun et l’orange se mélangent, s’amalgament et saturent l’air alentour. Son téléphone en main, il compose les numéros des sacristains. Il les a dans son répertoire. Il les connaît. En se rapprochant de la façade, il évite des brandons, parfois gros comme le pouce, qui tombent du ciel. Premier numéro. Messagerie. Il passe les grilles du jardin de la sacristie. Il rappelle en longeant les arcs-boutants. Il s’engage sous le bras tendu du camion des pompiers de Versailles et sent la bruine de la lance 60 mètres au-dessus de lui. Son téléphone prend l’eau. Quelques gouttes. Pas grave. Messagerie encore.

La sacristie se trouve à quelques pas de lui. Intacte. À l’écart du brasier, entre la cathédrale et le quai qui la longe. Le sol est gorgé de flotte. La pelouse. Le sentier sablonneux. Des dizaines de milliers de litres d’eau ont été déversés. La cathédrale ruisselle et, par voie de conséquence, la petite sacristie accrochée à son flanc. Trempée, mais intacte. Ses vitraux ont tenu. Aucune fumée ne s’échappe de son toit. C’est là que doit se trouver le fameux trésor.

Extrait du livre de Sébastien Spitzer, "Dans les flammes de Notre-Dame", publié aux éditions Albin Michel.

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