Immunothérapie : l’espoir qui pourrait faire du cancer une maladie chronique<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Immunothérapie : l’espoir qui pourrait faire du cancer une maladie chronique
©Cesar Manso / AFP

Remède

Une nouvelle méthode d'immunothérapie à base de protéines pourrait changer radicalement l'efficacité des traitements contre le cancer.

Éric Vivier

Éric Vivier

Eric Vivier est professeur d’immunologie à l’Assistance publique - Hôpitaux universitaires de Marseille et Directeur scientifique d’Innate Pharma. Il est également le co-auteur de L'immunothérapie des Cancers - Histoire d'une Révolution médicale chez Odile Jacob avec Marc Daëron.

Voir la bio »

Une étude deJon Weidanz parue dans Science, Targeting cancer with bispecific antibodies,” met en évidence la possibilité que les immunothérapies s’appuyant sur une nouvelle génération d’anticorps monoclonaux pourraient conduire à des traitements anticancéreux très efficaces pour de nombreux patients. Quel est l’état de la recherche à ce propos ? 

On assiste à une révolution dans le domaine du cancer puisque jusqu’à très récemment on voulait cibler le cancer directement chez le patient. Soit par la chirurgie, en enlevant cancer, soit par chimiothérapie, en tuant les cellules cancéreuses, soit par radiothérapie, en voulant les tuer d’une autre manière. La révolution, récompensée par un prix Nobel en 2018, a été de dire qu’on pouvait proposer un traitement des cancers en ciblant la pathologie tumorale de manière indirecte. L’immunothérapie a pour but, comme son nom l’indique, de cibler le système immunitaire. Une fois ciblé, il pourra être plus efficace pour lutter contre les pathologies tumorales. Avec mon collègue Marc Daëron, nous avons publié un ouvrage aux éditions Odile Jacob qui s’appelle L'immunothérapie des Cancers - Histoire d'une Révolution médicale qui reprend l’ensemble des études depuis la fin du 19e sur la manière dont le système immunitaire peut lutter contre le cancer. Le système immunitaire est essentiel à la vie car il protège des agressions externes mais il peut aussi lutter contre les agressions internes. Pour stimuler la réponse immunitaire, il a plusieurs moyens. On peut le faire en injectant des cellules, en particulier les CAR-T cells. Dans ce cas-là, on prend des cellules T, on les modifie génétiquement et on leur procure la possibilité de reconnaitre les cellules tumorales avant de les réinjecter au patient. Ces cellules, réarmées, peuvent lutter contre le cancer avec des résultats incroyables pour certaines pathologies. Malheureusement, il y a une certaine toxicité de ces traitements qui en limite l’utilisation. La deuxième voie, c’est l’injection de médicaments, en particulier des anticorps. Produire in-vitro des anticorps est une technologie tout à fait maitrisée. C’est ce qui a débouché sur le prix Nobel, car on s’est rendu compte que la réponse immunitaire pouvait avoir des freins face à certaines tumeurs et que des anticorps étaient capables de bloquer ces freins. La troisième voie, celle suivie par Jon Weidanz dans l’étude publiée dans Science, ou dans celle que nous avons publié dans Cell, il y a deux ans, consiste à produire des molécules synthétiques sur la base des anticorps. C’est de l’ingénierie des anticorps pour activer la réponse immunitaire. C’est ce qu’ils ont fait avec les diabodies, des anticorps synthétiques qui vont créer un pont entre les lymphocytes et les cellules tumorales. Elles vont pouvoir reconnaitre certaines mutations afin de les éliminer. Nous avons fait la même chose avec des anticorps multi-spécifiques, les NK cell engagers qui vont armer les cellules dites Natural Killer (NK) pour faire la même chose et « mettre le feu » à la réponse immunitaire. 

Ces traitements pourraient-ils passer de l’expérimentation à l’utilisation prochainement ? 

Il ne faut pas oublier que la mise en place d’un médicament est un « sport à haut risque ». La règle c’est l’échec. Il y a deux stades dans la recherche, la pré-clinique, fait in-vitro ou avec des animaux, c’est le niveau de la publication de Science. Déjà, à ce stade beaucoup de molécules ne fonctionnent pas. Ensuite, il y a les essais cliniques de phase 1, 2 et 3. On y teste la toxicité et l’efficacité. Seul un médicament sur dix entré en phase clinique va jusqu’au bout. Cela prend environ 20 ans et coûte environ un milliard d’euros. Ces résultats vont donc demander des années avant de devenir des médicaments approuvés. En immunothérapie, certains produits sont déjà approuvés et utilisés de manière routinière. C’est particulièrement vrai pour les anticorps qui bloquent les freins, notamment les anti-PD-1, et les CAR-T qui sont utilisés dans de plus en plus de cancers. Donc c’est une vraie révolution. Il y a des médicaments approuvés et il y en aura d’autres. 

"Nous arrivons à un point où nous pourrons faire du cancer davantage une maladie chronique", avec une espérance de vie augmentée, a déclaré M. Weidanz. Est-ce vraiment un horizon crédible ?

Nous disons la même chose dans notre ouvrage. Il est possible d’imaginer que l’on puisse vivre avec un cancer contrôlé. Prenez le Sida, tous les patients ayant accès aux médicaments vivent avec le VIH mais seulement deux personnes ont été déclarées véritablement guéries à travers le monde. Peut-être qu’on pourrait effectivement arriver à cette situation avec l’immunothérapie d’ici quelques années. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !