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"Il n'y a pas d'immigration légale superflue en France"
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Métiers en tension

Un projet d'arrêté ministériel réduisant de moitié la liste des 30 métiers "en tension" ouverts aux immigrés a été remis aux syndicats par Claude Guéant. L'objectif : réduire l'immigration légale. Une démarche inutile et exclusivement "politique" pour l'économiste Maria Lucia.

Marie Lucia

Marie Lucia

Marie Lucia est économiste et spécialiste des migrations internationales.

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Atlantico : La restriction de la liste des "métiers en tension" ouverts à l'immigration vous semble-t-elle judicieuse ?

Marie Lucia : Les secteurs qui sont supprimés de la liste, au premier rang desquels le BTP, sont ceux qui sont le plus touchés par la crise. Ils ne sont donc plus autant en "tension" qu'avant la crise, car ils ont besoin de moins de manœuvre à cause de la baisse conjoncturelle de la demande. Leur retrait de la liste ne devrait donc avoir aucun effet sur l'emploi, que l'on s'intéresse aux étrangers ou aux Français autochtones. Ce n'est pas que la France n'a pas besoin de maçons étrangers, comme l'a dit Claude Guéant : elle n'a pas besoin de maçons tout court ! La démarche est donc exclusivement politique.

Le vrai problème, c'est que l'on ne sait pas encore si ces métiers réapparaîtront dans la liste quand la croissance reviendra dans ces secteurs. Or, si l'on a pas à ce moment-là la possibilité d'agir très vite pour embaucher des travailleurs, notamment étrangers, à court-terme, le secteur stagnera, et la crise se prolongera. A long-terme, cette mesure n'est donc pas très bonne, même si cela concerne finalement assez peu d'immigrés.

Pourquoi les Français ne pourraient-ils pas répondre au besoin de main d’œuvre dans ces secteurs au moment de la reprise ?

On ne peut pas l'exclure, mais je ne pense pas que ce sera le cas, car cela ne l'était déjà pas avant la crise. Si le secteur était en tension et si cette liste existait, c'était bien qu'il n'y avait pas assez de Français prêts à accepter ces emplois !

En effet, si on regarde le profil des immigrés qui travaillent dans ces secteurs, on s'aperçoit que la plupart sont des hommes, jeunes, peu diplômés et prêts à se déplacer et prendre un travail à très court-terme, ce qui n'est pas le cas de la majorité des Français. Le rebond économique de la France ne devrait pas changer la structure de la population française. Aujourd'hui, il n'y a pas d'immigration légale superflue en France.

Les immigrés non-communautaires exclus par ce décret pourraient-ils à l'avenir laisser la place aux travailleurs issus de l'Union Européenne ?

C'est possible, mais les pays desquels sont généralement issus ces travailleurs mobiles (Italie, Espagne, Grèce) sont des pays vieillissants qui auront eux aussi besoin de main d’œuvre au moment de leur rebond économique. J'en suis le premier exemple : en tant qu'économiste, mon employeur m'a recrutée selon ces listes, après avoir échoué à trouver un Français !

Comment fonctionnent nos voisins européens sur ces politiques d'immigration de travail ?

La Grande-Bretagne est aux antipodes de la France : elle n'a quasiment pas de restriction vis-à-vis des travailleurs, surtout au sein de l'Union Européenne. Cela lui a permis d'attirer beaucoup d'immigrés en période de croissance, qui ont pu partir très facilement au moment de la crise, car ils savaient qu'ils pourraient revenir une fois la croissance revenue.

En France, les restrictions sont telles que les gens restent par crainte de ne pouvoir revenir, même quand ils n'ont pas d'emploi. On a abouti au résultat opposé à ce que l'on voulait !

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