"L'Italie est en première ligne : la France solidaire mais pas à tout prix"<!-- --> | Atlantico.fr
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Les réfugiés tunisiens ou libyens dotés d'un titre de séjour provisoire italien doivent-ils être acceptés sur le territoire français ?
Les réfugiés tunisiens ou libyens dotés d'un titre de séjour provisoire italien doivent-ils être acceptés sur le territoire français ?
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Immigration

L'espace Schengen est-il encore adapté aux flux migratoires provoqués par les révolutions arabes ? Le sénateur François-Noël Buffet, rapporteur du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité revient sur les débats du moment relatifs à l'immigration.

François-Noël  Buffet

François-Noël Buffet

François-Noël Buffet est sénateur LR du Rhône et  Président de la commission des Lois du Sénat depuis 2020. 

Avocat de formation et membre de la Commission des lois, il a été maire d'Oullins (Rhône) de 1997 à 2017.

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Atlantico : Claude Guéant a déclenché une polémique avec l'Italie affirmant que les réfugiés tunisiens ou libyens dotés d'un titre de séjour provisoire italien ne serait pas les bienvenus sur le territoire français...

François-Noël Buffet : Sur le fond, l’Italie a donné ses autorisations d’accueil. Il n’y a donc pas de souci sur le plan juridique. Mais en France, comme il est prévu dans l'espace Schengen, il faut des conditions d’accueil qui établissent un certain nombre de critères, notamment que le ressortissant étranger dispose de capacités de ressources suffisantes pour pouvoir vivre dans le pays d’accueil. Claude Guéant ne fait donc que rappeler le droit.

Certes, cela crée des tensions avec l’Italie. Il faut dire qu’il s’agit là d’un cas exceptionnel lié à la situation qu’a connue la Tunisie il y a quelques mois. Le flux migratoire pose problème. Les critères doivent être vérifiés. On peut comprendre que l’Italie qui est en première ligne ne souhaite pas vouloir accueillir tout le monde sur son sol.

Comment apaiser ces tensions avec l'Italie ?

C’est un casse-tête juridique et humain. Il existe un devoir de solidarité avec les Italiens, mais pas dans n’importe quelles conditions. Les textes sont là, il faut les appliquer : si les réfugiés tunisiens sont en mesures de justifier de ressources suffisantes, il n’y a pas de problème.

L’Europe doit se coordonner de façon très claire là-dessus. Surtout, il faut gérer cette question avec la Tunisie : dans toutes les relations migratoires, il convient de discuter avec les pays d’origine.

De façon plus générale, en matière de politique migratoire, faut-il, selon vous, comme l’a annoncé Claude Guéant, réduire l’immigration légale ?

Je crois, comme l’a souligné madame Lagarde, que nous avons besoin d’immigration. Claude Guéant dit qu’il en faut moins [NDLR : le ministre de l’Intérieur souhaite passer de 200 000 à 180 000 immigrés], mais il ne dit pas qu’il n’en faut pas !

Pourquoi avons-nous besoin d’immigration ? Tout simplement parce que nous n’avons plus assez de nationaux qui veulent travailler dans un certain nombre de métiers, dits "métiers de tension" (bâtiment, restauration, travaux publics ou service à la personne, par exemple).

Moi, je suis favorable à une immigration choisie du travail. Une immigration qui s’adapte à nos besoins.  

Xavier Bertrand a-t-il raison de vouloir limiter la liste des métiers autorisant l’emploi d’immigrés, comme il l’a annoncé ce dimanche ?

A chaud, j’ai envie de vous répondre qu’a priori non, il n’a pas raison. Mais il faut rester prudent. Je pense qu’il faut rester sur le principe de ces métiers en tension, c’est-à-dire des métiers dans lesquels on a une demande forte d’emplois et une offre de main d’œuvre trop faible. Les immigrés occupent ces emplois. C’est un constat.

Sur ce qu’a annoncé Xavier Bertrand, je pense qu’il faut préciser quels métiers, quelles branches, quels milieux. Encore une fois, restons prudents. Regardons au cas par cas si cela correspond à une réalité particulière.

D’une façon plus générale, en matière d’immigration, je considère qu’il faut tout faire pour lutter contre l’immigration irrégulière. Pour ce qui est de l’immigration régulière, la France peut l’organiser à travers l’immigration de travail définie dans la loi de 2007.

Mais n’existe-t-il pas une évolution du discours en matière d’immigration, comme ont pu l’attester les dernières déclarations de Claude Guéant ou Xavier Bertrand ?

Disons que l’argument qui consiste à dire que nous disposons des personnes capables d’assurer les métiers en tension dont je vous parlais précédemment demande à être examiné de plus près. L’immigration, on ne l’évitera pas. Restons sur des choses faisables, possibles, et sur la notion d’immigration choisie.

L’immigration choisie ne vide-t-elle pas les pays d’origine de leurs meilleurs éléments ?  

C’est une idée fausse. Nous avons veillé dans les textes à ce qu’il y ait des liens avec les pays d’origine. Il existe des dispositifs légaux pour le retour des immigrés les plus qualifiés après un certain temps dans leur pays d’origine.

Vous êtes le rapporteur du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité au Sénat. Quels en sont les grands axes?

Il s’agit essentiellement d’une retranscription de trois directives européennes. La France se met ainsi en conformité avec le droit européen.

Les principaux points concernent essentiellement :

  • La durée de rétention administrative des ressortissants étrangers. Aujourd’hui, celle-ci est fixée à 32 jours (mais, en réalité, dans la pratique, elle s’élève en moyenne à 11 jours). Elle passerait à 45 jours afin de permettre aux juges administratifs de faire leur travail et de recevoir le laisser-passer consulaire qui permet aux étrangers de revenir dans leur pays d’origine.
  • La modification de l’intervention du juge de liberté pendant la durée de rétention : celui-ci devrait intervenir après un délai de 4 jours au lieu de 48h. Le gouvernement souhaitait 5 jours, le Sénat a tranché sur 4 jours. Disons, pour faire simple qu' il s’agit finalement de clarifier les procédures administrative et judiciaire.

L’immigration est un sujet extrêmement sensible. On parle de personnes, donc on se doit d’avoir des réponses claires. Il faut prendre des décisions importantes et s'y tenir fermement. C’est malheureusement un sujet propice à toutes les polémiques et exagérations.

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