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Pourquoi les enfants qu'on voit dans les pubs de Noël sont si agaçants...
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Les enfants de la télé

A l'approche de Noël, les publicités mettant en scène des enfants se multiplient logiquement. Mais pourquoi sont-ils si éloignés de la réalité ?

Jean-Noël Kapferer

Jean-Noël Kapferer

Jean-Noël Kapferer est professeur à HEC et expert européen des marques

Il est l'auteur de Rumeurs : Le plus vieux média du monde (1987, rééd. 2010, Points), Luxe oblige (avec Vincent Bastien, Eyrolles, 2008) et vient de sortir Réinventer les marques ( Editions Eyrolles, 2013) dans lequel il consacre un chapitre aux personnages-marques, et analyse l'exemple de David Beckham.

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Régulièrement, la question de l’image de l’enfant dans la publicité est posée. Il est vrai que la publicité est partout, donc nous interpelle, ce qui est son but. Dès lors on ne peut qu’être frappé par l’écart grandissant entre les représentations de l’enfant qu’elle met en scène et la réalité de l’enfance, telle que nous la ressentons et telle que la sociologie nous la révèle. Jamais cet écart n’a été aussi grand.

De fait dans de nombreuses publicités à la télévision, l’enfant est sage, souriant, coopératif, travailleur, attentionné, habillé de façon normale, parle bien et semble respectueux. Les petites filles ne sont pas trop précocement sexuées, ne jouent pas les Lolitas. L’emballage de certaines friandises bien connues présente depuis toujours le visage d’un jeune enfant bien blanc et blond, comme si la diversité sociale  n‘existait pas. En somme le temps se serait arrêté .

Car les enquêtes, les sociologues et notre propre vécu de parent nous révèlent une autre image de la réalité qui se résume en « Il n y a plus d’enfants » ou bien «  les enfants ne sont plus enfants bien plus tôt ».

Quelle est la raison de cet écart bien sûr volontaire ou en tous cas assumé ?

La première raison est que le rôle de la publicité n’est pas de décrire mais d’enjoliver. Or la publicité s’adresse autant aux parents qu’aux enfants. Même pour les produits destinés aux enfants, ce sont les parents qui ouvrent les cordons de la bourse. Il faut les rassurer pour les séduire. Donc pas d’images d’enfants destroy, en rupture, en opposition…. L’actualité en est trop pleine. Point de jour qui nous stupéfie par la délinquance précoce de pré-adolescents, la puberté toujours plus jeune des filles. Loin de cela, la publicité offre aux parents un refuge, la vision d’un paradis perdu, symboliquement accessible via tel biscuit chocolaté ou tel autre, tel œuf ou tel autre, etc…Il en va ainsi de toute représentation : elle est une construction pas une description.

Une seconde raison de cet écart perçu est la globalisation des marques. Celle-ci nie volontairement les différences connues entre les pays pour proposer des communications et emballages unifiés, réduction des coûts oblige. Là encore, pour reprendre la formule célèbre, le marketing sait bien  que la terre est ronde mais sur un plan pratique, il est plus simple de la considérer comme plate. Donc d’un pays à l’autre les caractères de marque, les personnages qui les symbolisent restent les mêmes, globalisation oblige. Les publicités elles-mêmes sont construites pour n’avoir qu’à être traduites dans la bande-son : on cherche donc un dénominateur commun du rêve entre les pays.

Ceci est-il choquant, insultant même ? A cette période de fêtes de Noël partout apparaît le Père Noël.  Or lui même ne traduit pas la diversité sociale et d’origines qui caractérise nos sociétés urbaines : point de Père Noël noir, ou jaune. La publicité nous demande aussi de croire au Père Noël. C’est une mise entre parenthèses de la réalité au profit du rêve collectif.

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