Ils violent pendant leur sommeil : peut-on croire au sexambulisme ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Certaines personnes accusées de viols ont invoqué le sexambulisme ou sexomnie pour justifier leur geste.
Certaines personnes accusées de viols ont invoqué le sexambulisme ou sexomnie pour justifier leur geste.
©Reuters

Nocturne

Un homme a été blanchi d'un viol en Angleterre, car il serait atteint de sexambulisme ou sexomnie. Peut-on vraiment croire à cette "maladie" qui voudrait que l'on ait des rapports sexuels en dormant ?

Christophe Petiau et Laure Heinich-Luijer

Christophe Petiau et Laure Heinich-Luijer

Christophe Petiau est docteur en neurologie à Strasbourg, il est spécialiste dans les troubles du sommeil.

Laure Heinich-Luijer est avocat à la cour et élue première secrétaire de la conférence du barreau de Paris.

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Atlantico : Certaines personnes accusées de viols ont invoqué le sexambulisme ou sexomnie pour justifier leur geste. Ces troubles du sommeil sont-ils considérés comme des vraies maladies ? Pour quelles raisons ?

Christophe Petiau : C’est une forme particulière de somnambulisme, de parasomnie, qui constitue une pathologie du sommeil rare. Les cas les plus graves et les plus violents sont exceptionnels. Il s’agit d’un éveil dissocié pendant notre sommeil profond.

Le sexambulisme n'est pas quelque chose de normal. Il faut tempérer le mot maladie quand on parle de sexambulisme, car cela dépend de la définition qu'on en donne. Les actes de sexomnie surviennent notamment chez des personnes qui ont déjà des prédispositions génétiques de somnambulisme, des antécédents familiaux, et qui la plupart du temps ont fait du somnambulisme dans l’enfance.

Peut-on réellement forcer quelqu'un à avoir des rapports sexuels sans en être conscient ?

Christophe Petiau : Très souvent les cas de viols pendant le sommeil, surviennent dans des circonstances particulières : consommation importante d’alcool, grand manque de sommeil ou encore état fiévreux. Ces facteurs aggravent les comportements du sexomniaque.

C’est pour cela que même si l’on fait régulièrement face à de petites crises de sexambulisme (simple masturbation), il faut être prudent lorsqu’on consomme en plus de l’alcool à forte dose : il faut prendre des précautions, notamment celles d'éviter de dormir en collectivité ou avec des mineurs.

Lors d’une crise de somnambulisme on observe des comportements très élaborés : sortir de chez soi, conduire sa voiture, cuisiner… Avoir une activité sexuelle n’est pas forcément plus compliquée.

Dans les cas banals, il faut juste raccompagner ou stopper la personne de façon délicate.

Comment établir le diagnostic médical d’un sexambulisme ?

Christophe Petiau : Le risque est de sous-estimer ou de sur-estimer le diagnostic. Pour blanchir un viol sous couvert de sexomnie il faut s’appuyer sur des éléments forts. Le risque majeur est de voir les violeurs prendre ce prétexte pour se déresponsabiliser de leurs actes. L’expert interroge tout d’abord les personnes de l’entourage, pour observer s’il y a eu des antécédents de sexambulisme.

Ensuite, on regarde l’activité du sommeil du patient, pour déterminer s’il est sujet à des éveils anormaux pendant le sommeil profond. Ces analyses sont réalisées plusieurs nuits de suite, avec différentes techniques. Parfois on met les sujets sous alcool pour noter les différences de comportement.

Est-ce fonctionnellement possible d'avoir des rapports sexuels ou des actes sexuels pendant notre sommeil ? Comme l'expliquer ?

Christophe Petiau : Oui. Le sujet est dans un état de vigilance dissocié comportant des éléments de la veille (perception préservée, comportement moteur ...) et du sommeil (inconscient de ses actes, amnésie de l'épisode)

De façon fonctionnelle rien ne change, selon les témoignages de conjoints l’acte sexuel se fait de façon complète mais un peu différemment que lorsqu’il est est effectué éveillé.

Les actes inconscients que nous faisons pendant notre sommeil sont-ils révélateurs de notre personnalité ou d'autres troubles psychologiques ? Lesquels ?

Christophe Petiau : Non, il n’y a pas de profil psychologique particulier, ce ne sont pas des gens qui ont des comportements sexuels particuliers ou des problématiques psychologiques particulières. 

A Mons, en Belgique, en 2010, un père accusé pour des faits d'inceste, a été acquitté en invoquant la sexomnie, c'est à dire le fait d'avoir une activité sexuelle pendant son sommeil sans en être conscient.  En Grande-Bretagne également, un homme a été blanchi pour la même raison. Dans ce type de cas, comment la notion de victime est-elle gérée ? L'auteur des faits est-il considéré lui aussi comme une victime ? Quid de la responsabilité pénale ?

Laure Heinich-Luijer : Les pays traitent de manière très différentes la notion de victime. Contrairement au langage courant, le code pénal français ne parle pas de "victimes" mais de "plaignants" ou de "parties civiles". Lorsque quelqu'un est acquitté ce n'est donc pas sa qualité de victime au sens courant qui est atteinte. On peut être victime dans la vie et mal fondée ou irrecevable en sa constitution de partie civile.

Le droit prévoit certains cas d'irresponsabilité pénale dont l'abolition du discernement. Quelqu'un qui n'avait pas ses facultés ne peut être jugé responsable. C'est un fondement démocratique important. Les expertises concluent a moins de 2 % a l'irresponsabilité pénale, cela concerne donc très peu de cas. L'individu bénéficie d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement le disant donc non coupable. A la demande de la partie civile, un autre procès peut se tenir ayant pour objet de dire si l'individu a bien commis les faits sans sanction pénale possible. Responsable mais pas coupable... L'auteur des faits est donc bien loin d’être considéré comme une victime comme vous l'indiquez dans votre question.

En cas d'irresponsabilité ou de circonstances atténuantes, quelles sont les réparations pour la victime d'actes sexuels ? 

Laure Heinich-Luijer : Les circonstances atténuantes n'existent plus en droit français  Il existe la notion d'altération du discernement : le discernement n'est pas aboli mais entravé. Il y a des répercutions sur la peine mais pas sur les dommages-intérêts octroyés a la partie civile.

Il existe une commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales qui prend en charge l'indemnisation s'il est établi que l'acte a été commis par une personne dont le discernement était aboli.

Une telle jurisprudence est-elle possible en France ? Pourquoi ?

Laure Heinich-Luijer : Si les experts judiciaires estimaient que les faits en cause avaient eu lieu sans que l'auteur ait pu avoir conscience de ses actes, la même jurisprudence pourrait tout a fait voir jour en France. L'individu bénéficierait d'un non lieu : ce qui signifie non lieu a poursuivre en justice mais ne signifie pas que les faits n'ont pas eu lieu.

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