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Ils disent tous des "Khomri" !
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

Alors que le Premier ministre Manuel Valls a annoncé un report de la présentation du projet de loi Travail en conseil des ministres, le débat fait rage sur Internet. Mais, la victoire des uns sur les autres est l’enjeu principal de ce pugilat, qui explique le dégoût des Français pour la politique.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Comment polluer avec la politique un débat qui devrait rester économique ? En le posant au centre d’une lutte des dogmes, une guerre religieuse version 2016, dans laquelle s’affrontent les « ultras-POUR » et, comme au Parc des Princes, les « ultras-CONTRE ». Un match pitoyable tant on se trompe de terrain, un terrain dont on ne voit que la ligne de fracture et aucun espace de dialogue possible, aucune main capable de se serrer au nom de l’intérêt supérieur de la France. Non, uniquement des salles gosses qui considèrent que la victoire des entreprises et de l’emploi n’est qu’un accessoire malheureusement incontournable, mais secondaire. La victoire des uns sur les autres est l’enjeu principal de ce pugilat, qui explique le dégoût des Français pour la politique. Pendant ce temps Marine se tait et prépare son programme économique. Cela fait peur.

Internet frémit des pétitions des uns et des autres, chacun rassemblant ses ultras en quinconces sur la toile. Le débat qui y règne est caricatural et minable au regard des intérêts en jeu. Mais c’est le propre des cours de récréation, aussi virtuelles soient elles.

Le Medef oublie au passage que tout combat qu’il lance sur le terrain social est un combat perdu d'avance, ne serait-ce que pour des raisons statistiques. Les entrepreneurs, capables de signer cette pétition sont 3 millions. Cela laisse la bagatelle de 65 millions de personnes capables, par principe, du fait de l’image qu’ils ont du syndicat patronal, de voter contre. Les moulins à vent restent la cible du Medef, qui aurait mérité un silence bien plus utile à la cause.

Et "super-Martine", qui tel le pendu, nous impose sa dernière « érection » avec l’indécence qui sied aux condamnés. Mais, avec un succès plus important, car nombreux sont ces jeunes, sincèrement désespérés par la situation de l’emploi et qui ignorant la réalité et dépourvu du recul que leurs aînés pourraient avoir, pensent que réglementer est la clé de leur futur emploi. Et ces autres jeunes, chez qui l’ingénuité est depuis longtemps enfouie, téléguidés comme dans la série le « Baron Noir » par les réseaux d’extrême gauche, et qui n’ayant rien d’autre à faire de leurs journées, s’excitent sur Internet en remplissant de la pétition à la chaîne (pour des gens qui ne supportent pas le capitalisme à l’ancienne c’est amusant).

Tout cela est bien navrant, et il ne faudra pas compter sur moi, pour jeter de la bêtise sur le feu. Il est suffisamment alimenté ainsi. Alors quittons la politique un instant, voire même pour toujours et intéressons nous au fond. La seule chose qui mérite votre lecture, réflexion et attention. La seule qui mérite un débat.

Quelle société voulons-nous ? Nous pensons-nous adulte ? Nous pensons-nous capables de décider, sans passer systématiquement par la case législateur de nos relations interpersonnelles et contractuelles ? Pensons-nous que l’agilité doit être au pouvoir et que les dogmes d’un jour peuvent être dépassés le lendemain ? Voulons-nous accroître nos droits et nos devoirs individuels en maintenant un socle social ? Pensons-nous que la réussite est de droite ou de gauche ou qu’elle répond à un équilibre naturel ?

Si nous voulons une société prospère que nous abordons en adultes libres et responsables, capables de décider entre nous l’essentiel, comme la démocratie l’exigerait, en nous adaptant à l’évolution comme les millénaires avant nous sans renier certaines valeurs, qui doivent unir un peuple et sortir des combats partisans pour aborder un débat gagnant, alors prenons la société comme un corps humain, inspirons-nous de la nature, elle nous offre la solution.

Une PME c’est un corps humain. Une tête, des bras, des jambes. Des muscles, des organes et des cellules. Sans chacun de ses membres, le corps n’existe plus. Ou bien moins. C’est un handicapé de la vie. Pour la PME, ses salariés sont indispensables à sa santé, et aucun entrepreneur ne se lève le matin en se demandant comment il pourrait bien licencier l’un d’entre eux. Une PME sans salarié, c’est un corps sans cellule et sans cerveau. Cette remarque est d’autant plus vrai pour 2 millions de TPE françaises qui n’ont... qu'un salarié ! La moitié de l’équipe. Et vous pensez que quelqu'un est obsédé par l’idée de s’en débarrasser à chaque instant ?

La PME, c’est la cellule tribale de base. Il faut des forts, des faibles, des intelligents, des musclés, des jeunes et des vieux. Cela n’a pas d’importance car chacun y a sa place, et la disparition d’une seule composante déséquilibre l’ensemble.

Une fois que tous les excités du stade de chaque parti auront compris cela, le droit social français sera simple à définir et appliquer. Un cadre, qui contiendra nos valeurs essentielles sur le temps de travail maximal, l’obligation d’une représentation du personnel mais par toute personne qui le souhaitera, le pouvoir de négociation au niveau de l’entreprise pour le détail. Limpide, simple. L’actionnariat des salariés doit être recherché à tout prix, afin de créer entre l’entrepreneur, les actionnaires et les salariés, un objet unique d’attention, informer sur la marche de l’entreprise, prendre des décisions plus éclairées et collectives, car on est toujours plus intelligent à plusieurs. Quelque soit sa position dans l’entreprise, chacun a quelque chose de positif à offrir. Et, enfin, oui, l’emploi n’est pas garanti dans une PME, et il faut accepter que l’emploi varie avec l’activité, tout en mettant des cadres pour le vérifier et le sanctionner.

Vous le voyez, le Code du travail pourrait tenir dans les 12 lignes qui précèdent !

La France mérite la croissance. Les jeunes et les seniors méritent l’emploi. Ou l’activité. Le système actuel est défaillant. Tous ceux qui pointent, de plus en plus nombreux au chômage chaque mois, ont bien compris que la promesse faisant de la loi le vaccin anti-chômage était un mensonge vulgaire. Tous ceux qui envoient des centaines de CV sans aucune réponse, depuis des mois comprennent bien que quelque chose bloque. Ils comprennent que les entreprises n’ont pas confiance, hésitent et trouvent tous les moyens de se contenter du précaire et alors que leur développement nécessite du permanent.

Il faut revenir aux fondamentaux. Il y a 2 catégories d’entreprises. Les grandes et les petites. La vie n’est pas la même pour les deux. Le débat devrait partir de là. La réaction des Français est dictée par l’image qu’ils ont de l’entreprise, et cette image a été forgée par l’attitude des grandes entreprises. Si elles nous sont indispensables et présentent bien des avantages, il faut reconnaître que l’homme est rarement au centre de leurs préoccupations. Et les Français ne comprennent pas qu’on leur fasse des cadeaux supplémentaires.

Les PME, elles, sont à la dérive. Plus de 85 000 ont disparu dans les 24 derniers mois, le salaire de leurs dirigeants est de 4000 euros environ, et si l’on extrait de ce calcul les ETI, il descend à 2100 euros au mieux, c’est-à-dire le salaire moyen des Français. Loin de l’image du fumeur de cigares qui s’engraisse sur le dos des salariés !

Ces gueux de l’économie, prennent tous les risques pour ne récolter, dans l’immense majorité des cas, que la poussière qu’ils mordent quand ils doivent liquider leur entreprise. Mais ce sont les PME qui ont la capacité de créer l’emploi et qui ne veulent pas franchir le pas. Pourquoi ? Parce qu’elles ont peur de ne pas pouvoir l’assumer. Laissons les faire, donnons nous la chance de tenter autre chose.

Ces mesures, prises par un gouvernement qui aurait une ligne claire, un cap comme on disait il y a 4 ans, qui aurait su convaincre par la réforme et des résultats probants, seraient passées sans soucis. Non au bénéfice des grands groupes, qui sincèrement, n’ont pas besoin de ces mesures pour embaucher. Nos 3 principales banques cumulent des bénéfices, qui leur permettraient d’embaucher tous les chômeurs en 10 minutes.

Mais au bénéfice des prolétaires de l’entreprise, les TPE, les PME, les start-up. Toutes celles que cette législation torture depuis trente ans et qui ne demandent qu’à embaucher et croître, si on leur en donnait l’occasion. Dans un pays où 99% des entreprises ont moins de 250 salariés, c’est à elles que ces mesures parlent. C’est à elles qu’elles s’adressent et non à ces géants indispensables que sont nos grands groupes, mais qui n’ont jamais de problèmes de fin de mois. En conséquence, à la fin du mois, si le chiffre n’est pas là, et que le compte bancaire est vide, dans une économie où la plupart de nos PME ont une trésorerie à moins de 3 mois (et encore !), une PME c’est comme un salarié. S'il ne peut plus payer, il ne peut inventer l’argent. Contrairement à l’Etat. Pas de planche à billets dans nos boîtes, ou alors elle est bien cachée.

Pouvoir travailler plus, de façon temporaire quand c’est nécessaire, et pouvoir licencier quand il n’y a plus de travail. Cela paraît logique non ? Il faut simplement des garde-fous et des sanctions en cas d’abus. Car il y en aura. Les entrepreneurs ne sont pas tous des saints. Mais ils sont majoritairement vertueux. Une entreprise ne peut garantir l’emploi, car son chiffre d’affaires, lui, n’est pas garanti. Mais pour comprendre cela, encore faut-il savoir ce qu’est une entreprise.

En tant qu’entrepreneur mon souhait est d’avoir des salariés motivés et épanouis. Je préfère l’embauche au stage, car le stage dépanne mais ne construit pas pour l’avenir. Mon entreprise a besoin d’avenir, donc de salariés passionnés, fidèles, mais qui reçoivent le prix de leur fidélité. Un intéressement fort, voir l’accès à l’actionnariat, afin que nous écrivions une histoire commune au lieu de bâtir un terrain antagoniste, un lieu d’affrontement. Tout le monde ne partage pas ce point de vue, et pourtant c’est la seule politique qui vaille. Tout se passe plutôt mieux quand les intérêts sont alignés.

Une fois que j’ai investi dans un salarié, formé, efficace, pourquoi donc voulez-vous que j’ai envie de le licencier, si ce n’est pour une raison de force majeure? Est-ce qu’un jour quelqu'un pourra comprendre et entendre cela ? Licencier n’est pas un hobbie ou un jeu de société ! Contrairement à un groupe côté en bourse, qui cherche à améliorer ses résultats chaque trimestre, ce qui est une dictature sans intérêt et dénuée de sens, et qui trouve dans le licenciement un moyen infâme de satisfaire son cours de bourse, une PME ne raisonne pas ainsi. Chaque personne y est importante. Mais dans la vie professionnelle, comme dans la vie privée, il est des moments où la contrainte économique ou personnelle, pousse à devoir se séparer d’un salarié. C’est ainsi. Voulons-nous des mariages forcés à vie ? Pourquoi refuser à l’entreprise ce qui paraît naturel pour l’individu ? Voulons-nous la « charia » pour les PME et la laïcité pour les individus ?

Et au-delà du chômage, de la perte de l’emploi, qui est un drame humain certain, surtout pour nombre de nos concitoyens pour qui la localisation géographique et le bagage professionnel est inadapté, et qui resteront durablement sans emploi, cela doit être vécu comme une période de réflexion, de repositionnement, garantie par un système d’indemnisation qui est plutôt long et généreux. Si 1 Français sur 10 est au chômage, 9 d’entre eux travaillent. Ce qui signifie que le chômage n’est pas une fatalité et qu’on peut en sortir. Donc pourquoi faire du licenciement un drame absolu ?

C’est dur mais on s’en remet. Surtout dans une économie prospère. Pour qu’une économie soit prospère il faut des entrepreneurs qui prennent des risques et investissent, et plus les conditions seront souples, et plus un salarié licencié sera réembauché rapidement. Nous ne l’avons JAMAIS essayé et le résultat est lamentable, alors tentons autre chose. Tous ces mouvements de jeunes qui se déchaînent sur Internet contre la Loi Khomri en pensant qu’ils vont y perdre leur droit et dignité, devraient surtout réaliser que c’est le système actuel qui leur a volé leur chance d’avoir un emploi plutôt qu’un petit boulot, et que de s’interdire, à moins de 25 ans, de tenter autre chose est simplement une arme qu’ils retournent contre eux-mêmes. Je comprends leur crainte, mais elle est salement mal dirigée. Ils crient avant d’avoir mal, alors que la seule douleur c’est le système actuel qui leur inflige. Ils devraient comprendre, que s'il existe un autre traitement pour la maladie nommée chômage, il faut l’essayer, et que s’il vous guérit vraiment, ce n’est pas grave s'il enrichit l’industrie pharmaceutique. L’important c’est le résultat pour le Français jeune ou senior, qui, aujourd'hui, à juste titre, se demande si son avenir existe ou non.

En conclusion, à tous ceux qui hurlent au loup, alors que c’est le système actuel qui est le loup, laissons les politiques s’écharper et dire des « khomri » et tentons ensemble, mais uniquement au profit des PME, de moins de 250 salariés dans un premier temps, un autre pari. Celui de la souplesse et de la confiance, entre des entreprises et des salariés, qui choisiront, ensemble, de s’organiser. Le tout dans un cadre qui devra avoir la rigidité nécessaire pour contrôler et sanctionner les dérives. Prenons ce pari et nous retrouvons nos hurleurs, dans 3 ans, bien embauchés, et non en stage, dans nos PME. Vous y êtes les bienvenus encore faut-il ne pas transformer votre embauche en un calvaire. Chiche ?

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