Hollande, la crise politique permanente ? La Ve République en a vu bien d'autres<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président François Hollande
Le président François Hollande
©Reuters

Ça a toujours chauffé…

C'est avoir la mémoire courte que de qualifier le départ du trio Montebourg-Hamon-Filippetti de crise politique "sans précédent". Car des portes claquées, la Ve République en compte beaucoup !

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Cinq ministres MRP – dont Maurice Schumann – mécontents des propos du général de Gaulle sur l’Europe, en mai 1962, claquent la porte du gouvernement
  • Le premier Ministre Georges Pompidou, victime d’une censure votée par ses propres troupes, le 5 octobre 1962, doit démissionner
  • Jacques Chaban-Delmas, premier ministre de 1969 à 1972 ne parviendra jamais à convaincre Georges Pompidou de l’intérêt d’une "Nouvelle société"
  • Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense de Michel Rocard démissionne le 29 janvier 1991 pour protester contre la guerre en Irak

Il faut dissoudre l’Assemblée nationale. Nous sommes dans une crise de régime. François Hollande doit démissionner. Il n’a plus la main. Nous n’accepterons pas une cohabitation. Voilà la petite musique, que l’on entend depuis quelques jours, jouée par quelques ténors de l’UMP et la plupart des dirigeants du Front National. Au PS, au contraire, certes on ne chante pas "Tout va très bien Madame la marquise", mais on le dit haut et fort : en éjectant Arnaud Montebourg et Benoît Hamon du gouvernement, l’exécutif a bien réagi en lui permettant d’appliquer sa politique économique définie il y à quatre mois lors de la nomination du premier gouvernement Valls…

Alors, crise de régime ou pas ? Crise, oui. Atmosphère délétère, c’est sûr. Mais de blocage institutionnel, pas encore. Même si une motion de défiance était adoptée contre Valls II avec les voix des frondeurs du PS. Il n’y aurait là qu’un fonctionnement classique de la Constitution, certes embarrassant pour François Hollande, mais pas rédhibitoire. Encore que le président, en cas défaite du PS lors de législatives organisées pour cause de dissolution de l’Assemblée nationale, a laissé entendre dans un livre d’entretiens avec Edwy Plenel, qu’il quitterait l’Elysée (Devoirs de vérité, éditions Stock). L’ouvrage date de 2006… François Hollande a peut-être changé d’avis ! Depuis plus de 50 ans, la Vème République n’a cessé d’être jalonnée de soubresauts, de crises violentes entre président du Sénat et chef de l’Etat (Monnerville-de Gaulle), de désaccords profonds entre les deux têtes de l’exécutif et de démissions plus ou moins explosives de ministres… Rappelons que déjà en août 1995, un ministre de l’Economie, Alain Madelin, fut contraint au départ pour avoir souhaité la disparition des droits acquis, ce que le premier ministre Alain Juppé ne voulait à aucun prix.

Coup d’œil sur ces tempêtes qui ne sont pas parvenues à abattre la République

16 mai 1962. A la suite d’une conférence de presse du général de Gaulle où il refuse clairement l’Europe intégrée au profit d’une Europe des Etats, les quatre ministres MRP - parti pro-européen par excellence - claquent la porte du gouvernement de Georges Pompidou. L’épisode ne passe pas inaperçu, car parmi les partants figurent des gaullistes historiques comme Maurice Schumann, Pierre Pflimlin, futur maire de Strasbourg et président du conseil, Paul Bacon ou Robert Buron, qui sera en 1971 élu maire – gauche de Laval (Mayenne).

Cinq mois plus tard, nouvelle crise. Le général de Gaulle souhaite réformer l’élection du président de la République en proposant que ce dernier soit désormais élu au suffrage universel et non plus par un collège de grands électeurs (80 000 environ) comme le prévoit la Constitution originelle du 4 octobre 1958. Cette dernière doit être réformée. Mais au lieu de passer par le Parlement (utilisation de l’article 89 de la Constitution), le général choisit de consulter le peuple par référendum (article 11). L’initiative ne plait pas du tout au PC, et aux socialistes et une partie de la droite non gaulliste. Mais c’est surtout le deuxième personnage de l’Etat, le président du Sénat, Gaston Monnerville, qui manifeste la plus grande hostilité à ce projet en parlant de "forfaiture", un mot resté célèbre dans la mémoire collective. Une autre figure emblématique dit également non au recours au référendum. Ce n’est pas n’importe qui : il s’agit de Pierre Sudreau, grand résistant, ministre de l’Education nationale. Il ne fait ni une ni deux : le 15 octobre 1962, il démissionne avec fracas du gouvernement de Georges Pompidou. Une initiative qu’il paiera chèrement puisqu’il se trouvera au purgatoire pendant douze ans, sans obtenir la moindre mission ! Faut-il rappeler aussi que la décision du général de Gaulle de recourir au référendum entraîna une fronde déjà des parlementaires de sa majorité au point que le 5 octobre 1962, ils décideront de renverser le Premier ministre Georges Pompidou ? La réaction du chef de l’Etat est immédiate : dissolution de l’Assemblée nationale quatre jours plus tard. Le résultat ? Il sortit renforcé avec la victoire de son camp aux législatives. Suivie d’une autre avec le "oui" massif au référendum du 28 octobre (près de 77% des voix). La République n’en a pas été discréditée pour autant. Au contraire. Evidemment objectera-t-on, n’est pas de Gaulle qui veut.

Quelques années plus tard, le 8 juillet 1966, se produit un événement qui annonce la mise sur orbite d’un jeune ministre des Finances, en fonction depuis 4 ans rue de Rivoli, destiné à faire beaucoup d’ombre aux gaullistes. Tellement que huit ans plus tard, en mai 1974, il leur ravira la présidence de la République. Il s’appelle Valéry Giscard d’Estaing. Cette mise sur orbite, le jeune Giscard la doit indirectement à de Gaulle qui vient de l’écarter, estimant qu’il appliquait mal le plan de stabilisation économique. VGE est furieux. Il se sent humilié. Raison de plus pour se rebiffer et commencer son ascension, confirmée par le célèbre "oui, mais" qui préfigure son non au référendum d’avril 1969 sur la régionalisation et qui aura pour conséquence d’entraîner le départ de l’Elysée du général de Gaulle. Déjà, le régime semblait à bout de souffle. La révolte étudiante de mai 1968 était passée par là. Des voix, celles de fidèles du général, tel le professeur de droit René Capitant s’étaient élevées pour dénoncer l’incompréhension du chef de l’Etat à l’égard de la jeunesse. Capitant démissionne le 23 mai de son mandat de député. Pas rancunier, de Gaulle : huit jours plus tard, il nomme le rebelle Garde des Sceaux. La veille, un autre gaulliste a montré  l’exemple : Edgar Pisani, l’ancien ministre de l’Agriculture qui plus tard se rapprochera de François Mitterrand, élu président de la République.

Un an après la révolte étudiante, le 20 juin 1969, arrive à Matignon, un Premier ministre flamboyant, gaulliste de la première heure, social-moderniste, ex-international de rugby, Jacques Chaban-Delmas. Ainsi en a décidé le pragmatique Georges Pompidou qui vient de succéder à de Gaulle. Son discours d’investiture sur la nouvelle société fait un tabac. Le maire de Bordeaux décloisonne tout. Donne de l’air à l’ORTF. Redonne de la vigueur aux relations sociales. Grâce à des Simon Nora et autres Jacques Delors, ses conseillers, l’atmosphère se décrispe. Las ! Chaban, qui compte de solides amitiés à gauche, exaspère les barons du gaullisme, les chiraquiens comme Marie-France Garaud ou Pierre Juillet, et bien sûr, Georges Pompidou lui-même. Ce conservateur moderne, n’apprécie que de loin le projet de "Nouvelle Société" de son vibrionnant premier Ministre. La situation devient intenable. Jusqu’à ce qu’au bout de trois ans, le 5 juillet 1972, le maire de Bordeaux rende son tablier. Ce dernier espère tenir sa revanche lors de la présidentielle de mai 1974, conséquence de la mort de Pompidou. Il se trompe. Alors que les sondages, au lendemain du décès du président sortant, le donnent large favori, Chaban est laminé par Jacques Chirac qui, avec 43 parlementaires, se rallie à Giscard. Lequel sera élu face au candidat de la gauche, François Mitterrand. Comme par une sorte de clin d’œil malicieux, Chirac subira le même sort que Chaban se voyant contraint à la démission au cours de l’été 1976, deux ans après son entrée à Matignon. Les dissensions entre les deux hommes, allant jusqu’ à la haine, ne s’apaiseront jamais…

Comme ses prédécesseurs, Valéry Giscard d’Estaing aura droit à ses démissionnaires qui feront la joie des chansonniers.  Souvenez-vous du "trublion" Jean-Jacques Servan-Schreiber, ministre des Réformes – un poste taillé sur mesure à la demande de VGE entre mai et juin 1974… Il est vrai que, quand on se montre hostile au nucléaire, l’un des pivots de notre politique de défense, on peut difficilement rester membre du gouvernement. Sous les deux septennats de François Mitterrand, il y eut aussi des départs. Pour des motifs futiles comme ceux du navigateur solitaire Alain Bombard, qui commettra la bourde, en juin 1981, à peine nommé secrétaire d’Etat à l’Environnement, de manifester son dégoût pour la chasse à courre. Que dire encore du professeur Léon Schwarzenberg, qui, promu ministre délégué à la Santé en 1988  par Michel Rocard, se déclare partisan du dépistage du SIDA pour les femmes enceintes, mais qui surtout affirme qu’il faut libéraliser la drogue. La sanction est immédiate. Il doit quitter son poste au bout d’à peine quinze jours. Avec le recul, encore qu’elles aient fait beaucoup de bruit, ces défections prêtent à sourire si elles ne révélaient un manque de flair de celui qui en est à l’origine. Pour le cas Chevènement, c’est différent. Le "Che", animateur du fameux CERES au sein du PS a toujours occupé des postes clés au sein du gouvernement : ministre de la Recherche et de l’Industrie, ministre de l’Education, Ministre de la Défense ou Ministre de l’Intérieur. Véritable homme d’Etat aux convictions bien trempées, le sénateur du Territoire de Belfort ne transige jamais. Que ce soit au moment du tournant de la rigueur de 1983, où opposé au libéralisme de Mauroy II, il refuse d’être reconduit. Que ce soit le 29 janvier 1991, où désapprouvant l’intervention en Irak, il quitte son poste de ministre de la Défense. Une initiative qui accentuera sa popularité. Enfin, le 29 août 2000, hostile au projet de loi de régionalisation que concocte le Premier Ministre Lionel Jospin, il abandonne la place Beauvau. Les coups d’éclat de l’ancien ministre de la Défense restent aux yeux de l’ensemble de la classe politique le symbole de l’honnêteté intellectuelle – ce qui est rare – d’un homme soucieux avant tout de l’intérêt public. Par comparaison, le départ de Delphine Batho du ministère de l’Ecologie, débarquée parce qu’elle jugeait "mauvais" son budget 2014, apparaît anecdotique. Même si l’ancienne suppléante de Ségolène Royal est un personnage bien sympathique… Quant au départ tonitruant d’Arnaud Montebourg, accompagné de celui de Benoît Hamon et d’Aurélie Filippetti, attendons quelques semaines – le temps pour la politique sociale libérale de se mettre en place sous l’impulsion du nouveau ministre de l’Economie, Emmanuel Macron pour savoir si ce trio deviendra infernal pour le couple Hollande-Valls ou s’il rentrera au bercail.

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