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Hausse inattendue de la croissance : ces milliards tombés du ciel que le gouvernement s'apprête à dépenser pour assurer la réélection de François Hollande
©Pixabay

Divine surprise

D'après les chiffres dévoilés par l'Insee le 29 avril, au premier trimestre 2016, le PIB en volume a augmenté de 0,5%. Une embellie économique dont pourrait profiter le gouvernement pour redistribuer les fruits de la croissance et revaloriser certaines prestations, à quelques mois de l'élection présidentielle.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Vendredi dernier, l'Insee a annoncé que la croissance française au 1er trimestre avait été de 0,5%. "Notre action porte ses fruits" a déclaré Michel Sapin, ministre des Finances. François Hollande a régulièrement déclaré qu'une fois la croissance revenue, la deuxième étape consisterait en une meilleure redistribution. A un an de la présidentielle de 2017, le Président pourrait-il être tenté de faire des "gestes" pour reconquérir ses électorat traditionnels ?

Philippe Crevel : Avant même que l’annonce des résultats positifs -sans être exceptionnels- de la croissance du 1er trimestre soit effective, le gouvernement avait engagé le cycle de la distribution préélectorale.

La première question est de savoir si la croissance est réellement de retour, la seconde est de savoir si la France a les moyens de financer la prodigalité gouvernementale.

Sur la croissance, il faut rester mesurer.

Comme en 2015, la croissance démarre l’année sur les chapeaux de roue. En effet, au premier trimestre 2015, le PIB en volume a augmenté de 0,5 %, après +0,3 % au quatrième trimestre 2015. Mais, en 2015, la croissance avait été nulle au deuxième trimestre pour repartir doucement au cours du second semestre.

La croissance du 1er trimestre a été tirée par les dépenses de consommation des ménages qui ont augmenté de 1,2 % contre un recul de 0,1 % au dernier trimestre 2015. L’effet attentat s’est estompé et les Français ont repris le chemin des magasins. Plusieurs secteurs ont été dynamiques comme l’automobile et l’électroménager (achat de télévision en raison du passage à la haute-définition, de l’Euro 2016 et des JO de Rio).

L’investissement des entreprises est en progrès profitant des faibles taux d’intérêt. Il augmente de 0,9 % après 0,7 % au dernier trimestre 2015. L’investissement des ménages est, en revanche, toujours en baisse malgré quelques signes positifs sur le marché de la construction. Il a reculé de 0,2 % au premier trimestre 2016. Certes, la baisse est en régression par rapport aux trimestres précédents. Elle avait atteint 0,9 % au quatrième trimestre 2015.

Le commerce extérieur continue à être un point noir pour l’économie française. Les exportations se sont contractées de 0,2 % au premier trimestre quand les importations ont progressé de 0,5 %. Certes, il y a une nette décélération des importations qui avaient cru de 2,1 % au 4ème trimestre 2015. Néanmoins, le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance de 0,2 point. La France souffre -comme tous ses partenaires- du ralentissement du commerce international et des pays émergents.

La croissance française qui repose fortement sur la consommation engrange toujours les effets de la baisse du pétrole qui a contribué à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Il est à noter que ces derniers ont au cours du dernier trimestre 2015 accru de manière significative leur effort d’épargne qui est passé de 15,4 à 15,9 % du revenu disponible brut. Le taux d’épargne financière a atteint un sommet à 7,1 %. Il est possible qu’au cours du premier trimestre 2016, les ménages aient utilisé une partie de cette épargne dont une partie non négligeable a été laissée sur les comptes courants pour réaliser des dépenses de consommation.

Compte tenu de l’acquis de croissance, 1 %, l’objectif de 1,5 % fixé par le gouvernement n’apparaît pas inatteignable. Certes, il convient d’être prudent au regard de la situation économique internationale. La France résiste mieux que l’Allemagne, par exemple, quand le commerce international ralentit. Néanmoins, nous serons impactés si ce ralentissement se poursuit sur l’ensemble de l’année. Il est à noter que la Commission européenne et le FMI sont plus prudents que le gouvernement en matière de prévision de croissance pour la France en ayant retenu respectivement 1,3 et 1,1 % comme taux de croissance.

Rien de fantastique mais il est certain comme l’a prouvé le début de polémique surréaliste sur la cagnotte, la tentation est grande de redistribuer les fruits d’une croissance aussi ténue soit telle.Le gouvernement a déjà commencé entre la revalorisation de l’indice des fonctionnaires, les aides à l’agriculture, les mesures en faveur des jeunes… Il y a quelques milliards d’euros qui ont été dépensés et qu’il faudra compenser pour atteindre l’objectif de déficit public de 2,7 % du PIB en 2017.

Avec l'augmentation des cotisations sur la valeur ajoutée enregistrée en début d'année, les taux d'intérêts en baisse, ainsi que la baisse de 1,7% du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A, de quelles nouvelles marges de manœuvre l'exécutif dispose-t-il ?

Une rayon de soleil ne fait pas le printemps. Ne sortons pas le champagne parce que durant un mois le chômage a baissé. Cette diminution est liée à un accroissement de l’intérim, des contrats à durée déterminée et à temps partiel ainsi qu’à la multiplication des radiations. Certes, il faut se réjouir de cette diminution mais de là à tomber dans une euphorie béate, il y a grand pas à ne pas franchir.

Avons-nous donc des marges de manœuvre pour satisfaire des revendications plus ou moins légitimes ? Certainement pas, il n’y a pas de cagnotte mais au contraire nous sommes toujours confrontés à un déficit public de 3,5 % du PIB et à une dette de 96 % du PIB. La France figure parmi les mauvais élèves de la zone euro pour le déficit. Au niveau de la dette, si nous figurons dans la moyenne, elle continue à augmenter quand elle diminue chez nos principaux partenaires.

Nous ne devons pas oublier que nous continuons à transférer des charges sur les prochaines générations avec l’accumulation d’une dette sociale qui s’accroît d’année en année. L’assurance-maladie reste déficitaire et l’assurance-vieillesse devrait s’enfoncer de nouveau dans le rouge avec la progression du nombre de retraités.

De même dans un contexte de fortes revendications sociales, le gouvernement pourrait-il céder plus facilement aux partenaires sociaux ?

A quelques mois d’élections cruciales, les corporatismes n’ont qu’un objectif, obtenir des avantages, des droits, des augmentations de la part d’un gouvernement qui souhaite éviter tout embrasement social qui pourrait mécontenter ses troupes et faire peur au brave peuple… De ce fait, nous sommes dans le money time du quinquennat. Evidemment que le gouvernement sera sensible dans les limites du possible aux revendications des uns et des autres. Evidemment qu’il faudra de temps en temps qu’il montre ses muscles pour éviter une surenchère ruineuse tout en négociant par derrière. Fermeté relative, pragmatisme, souplesse, conciliation, saupoudrage font parti du petit guide du ministre en tournée préélectorale. Cet épisode peu glorieux durera jusqu’au mois de février. Après ce sera le temps des promesses de campagne qui n’engageront que ceux qui les écoutent, mais c’est une autre ritournelle.

Augmentation de l'indice des salaires pour les agents de la fonction publique en début d'année, annonce de l'augmentation des effectifs dans l'Education nationale... Qu'est-ce que le gouvernement pourrait envisager de faire dans le temps qu'il lui reste ?

En la matière quand des élections se profilent, l’imagination est au pouvoir. Les idées de cadeaux sont multiples.

Comme les retraités sont de plus en plus nombreux et qu’ils ont pris la fâcheuse habitude de voter, il est fort probable qu’un geste sera consenti en leur faveur pour le 1er octobre, date de la prochaine revalorisation des pensions.

Un geste vis-à-vis des familles sera certainement étudié. Nous pouvons imaginer une revalorisation des allocations logement et de certaines prestations familiales.

La tentation d’un petit coup d’accélérateur pour le SMIC serait envisageable d’autant plus que cela coûte de l’argent aux entreprises et non à l’Etat qui a peu d’employés au salaire minimum.

Il faudra également faire une annonce fiscale au mois de septembre qui sera intégrée au projet de loi de finances pour 2017. Baisse de l’impôt sur le revenu comme les deux années précédentes ou réduction de la TVA, la palette est large mais il faudra faire un cadeau fiscal…

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