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Hausse des exportations espagnoles et italiennes : et si la pire menace pour le commerce extérieur français venait... du Sud ?
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Rééquilibrage commercial

Depuis peu, les soldes extérieurs des pays du sud tendent vers l'équilibre. Mais la France est en retard. Des efforts de compétitivité sont nécessaires afin d'améliorer dans la durée notre solde extérieur, toujours très négatif.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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La zone Euro change de nature. Jusqu'à la crise de 2008 elle était caractérisée par de profonds déséquilibres entre les pays membres. L'Allemagne a disposé progressivement d'un excédent spectaculaire y compris vis-à-vis des pays de la zone Euro alors que les pays dits périphériques à l'exception de l'Italie connaissaient un déficit extérieur de grande ampleur.

Depuis peu les soldes extérieurs notamment en Espagne et au Portugal tendent vers l'équilibre et celui de l'Italie devient excédentaire. Ce changement est radical. En effet le solde extérieur d'un pays a une contrepartie en termes de flux de capitaux. Un pays excédentaire comme l'Allemagne avait des sorties de capitaux considérables alors que les pays déficitaires bénéficiaient de flux entrants de capitaux.

Les capitaux allemands ont trouvé des débouchés dans les pays du sud de l'Europe alimentant ainsi une demande interne très forte et très dynamique. Les options très distinctes prises entre l'Allemagne et les pays du sud se sont traduites par des profils divergents sur leurs demandes internes respectives mais se sont aussi reflétées dans des trajectoires de compétitivité divergentes entre l'Allemagne qui pesait sur ses coûts et les pays du sud pour lesquels la hausse a été significative.

L'histoire de la zone Euro jusqu'à la période précédant la crise peut s'écrire à travers la dynamique des flux de capitaux.

On peut se focaliser sur un point: généralement les pays dits périphériques sont ceux ayant un solde extérieur fortement négatif et dont le financement dépendait ainsi très largement des flux de capitaux extérieurs. Ce sont des pays qui ont eu des tensions extrêmes sur leur taux d'intérêt. La question posée était alors de savoir comment un pays pouvait rester solvable avec un besoin de capitaux à la hauteur de son déséquilibre extérieur alors que sa croissance était nulle ou négative. La prime de risque était forcément important par rapport aux pays "core' de la zone Euro comme l'Allemagne en raison des incertitudes. Elle reflétait un risque de solvabilité.

Un pays comme la France qui avait un solde de compte courant proche de l'équilibre n'a pas eu ce type de souci. C'était aussi le cas de l'Italie dont le solde courant était proche de l'équilibre. Les besoins de financement n'étaient pas excessifs tant pour l'Italie que pour la France et pourtant les taux d'intérêt ont eu des profils distincts. On ne peut pas exclure derrière cela un problème de liquidité du marché obligataire plutôt qu'un problème de solvabilité. Le risque de liquidité a été perçu comme plus fort pour l'Italie que pour la France. Le profil baissier des taux d'intérêt italiens n'a pu se rétablir que lorsque la BCE s'est portée comme prêteur en dernier ressort à partir d'août et septembre 2012.

Le rééquilibrage des comptes extérieurs modifie profondément la dynamique des flux financiers. Les besoins de capitaux pour financer l'économie se réduisent de façon dramatique lorsque le solde extérieur est à l'équilibre. Cela signifie alors que la position de l'ensemble de la zone Euro est aussi en train d'évoluer.

La raison principale de cette amélioration des balances externes des pays du sud de l'Europe est à chercher dans la pression mise sur la demande interne. La dynamique des importations s'est réduite de façon spectaculaire, facilitant ainsi le rééquilibrage alors que les exportations ne progressaient pas de façon excessive notamment en Italie. Les pressions sur la demande interne a permis de contraindre les importations.

Cependant dans les discussions relatives au rééquilibrage extérieur des pays du sud il a souvent été question de dévaluation interne c’est-à-dire de baisse de couts afin d'améliorer la compétitivité du pays. Cette mesure pourrait être un substitut à la dévaluation de la monnaie qui n'est pas possible dans une union monétaire comme la zone Euro. Cela redonnerait de la compétitivité pour le pays et améliorerait le profil de ses exportations. Ce n'est pas encore le cas. Ces mécanismes ont commencé à être à l'œuvre mais n'ont pas encore permis de rétablir une zone Euro homogène. Les écarts qui se sont creusés depuis la mise en place de l'Euro ne sont pas encore résorbés. Cela prendra du temps car les réformes structurelles à mettre en place s'inscrivent dans le temps.

La zone Euro se caractérise désormais par une demande interne faible mais cette politique a permis de rééquilibrer les balances extérieures de nombreux pays. De ce point de vue, la France est en retard. Le rééquilibrage constaté dans de nombreux pays n'est pas encore constaté pour la France. Contrairement à l'Espagne, l'Italie ou le Portugal la demande interne française n'a pas été une source d'ajustement brutal. Cela n'était pas nécessaire puisque la France n'avait pas de soucis de financement (elle dispose encore de cette avantage puisque les taux d'intérêt français sont toujours très bas). Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne soit pas nécessaire de faire des efforts de compétitivité afin d'améliorer dans la durée le solde extérieur français qui reste toujours très négatif et ne donne pas de signaux de rééquilibrage rapide.

La situation de la zone Euro se caractérise donc aujourd'hui par une demande interne faible et un solde extérieur important. Cette situation pose plusieurs questions et engendre des interrogations sur la dynamique à venir de la zone Euro.

Les deux caractéristiques de la zone Euro devraient permettre à celle-ci d'exporter des capitaux et d'alimenter la demande des autres pays en dehors de la zone Euro. Ce serait l'application de ce qui a été fait en Allemagne depuis le début des années 2000 mais à l'échelle de la zone Euro. Compte tenu du poids important de la zone Euro dans la dynamique mondiale, une partie de cette demande reviendrait vers l'Europe et se traduirait par une hausse significative des exportations et de l'activité. Si l'on a pu concevoir ce modèle pour l'Allemagne tant au sein de la zone Euro qu'à l'extérieur, il n'est pas certain que cette orientation puisse être le modèle à privilégier. La zone Euro connait un excédent extérieur par réduction de sa demande interne et non pas par une hausse spectaculaire de ses exportations. La dynamique allemande qui a reposé sur une hausse spectaculaire de ses exportations n'est pas forcément transposable.

Une deuxième possibilité est d'accélérer le rééquilibrage entre les pays de la zone Euro en favorisant une demande interne plus robuste en Allemagne. C'est ce qui avait pu être évoqué il y a quelques mois lorsque des baisses d'impôts étaient discutées outre-Rhin. Cela parait difficile à mettre en œuvre aujourd'hui à quelques mois des élections. Relancer la demande interne pour rééquilibrer plus rapidement la zone Euro ne semble pas spontanément un message porteur à la veille des élections de septembre.

La troisième question est effectivement d'observer le rééquilibrage des balances extérieurs mais aussi de se demander combien de temps cette dynamique sera compatible avec un taux de chômage de 27% en Espagne ou de 17.5% au Portugal. Il faut trouver probablement des moyens de réalimenter la demande interne pour éviter que cette situation ne se traduise en instabilité sociale. Cependant, les problématiques de financement qui étaient évoquées plus haut resurgiraient rapidement.

C'est pour cela que la résolution durable de la question européenne passera par davantage de coopération et certainement une mutualisation de la dette. En attendant, ces questions restent en suspens au risque de créer des incertitudes supplémentaires si les institutions de la zone Euro, notamment l'Union Bancaire, tardent à être pleinement mise en œuvre.

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